Et si le plébiscite annoncé à l’UMP n’avait pas lieu?
Comme des millions de Français, j’ai regardé Nicolas Sarkozy dimanche soir. Trois jours après, je fais les mêmes constats que Laurent Cantamessi et la plupart des observateurs: Nicolas Sarkozy n’a pas avancé beaucoup d’idées, en dehors de sa nouvelle passion pour le référendum dont il avait donné la primeur à la fin de sa dernière campagne électorale. A la surprise de Français qui, quatre ans plus tôt, l’avaient observé, impuissants, en train de s’asseoir sur leur vote référendaire de 2005 !
En fait, c’est sur le terrain de la communication pure que mon avis diverge de ce qui a pu être remarqué ici ou là. Sur ce plan, on a assisté à un concert de louanges entre ses partisans et ses adversaires qui lui reconnaissaient tous son efficacité habituelle. Je dois reconnaître que dimanche soir, je faisais le même constat. Mais c’est en regardant Bruno Le Maire sur la chaîne concurrente le lendemain que j’ai complètement changé d’avis. La comparaison n’était en effet pas à l’avantage de l’ancien Président de la République. Bien que le propos de l’ancien ministre de l’Agriculture fût plus courte, il contenait davantage de propositions. On peut parfaitement comprendre que Nicolas Sarkozy ne souhaitait pas lâcher toutes ses propositions d’un coup et qu’il en garde sous la semelle pour les deux mois de campagne interne qui s’annoncent. Mais, dans ce cas, pourquoi s’être mis d’accord avec France 2 sur un format aussi long ? Résultat : après cinq minutes d’autocritique où il se faisait aussi doux qu’un agneau, il est redevenu Grand Méchant Loup, celui qui clive alors qu’il prétend aujourd’hui rassembler. S’il souhaitait revenir en cognant un journaliste, Laurent Delahousse, sur lequel il s’est essuyé les crampons à plusieurs reprises, était plutôt mal choisi. On ne cogne pas un gendre idéal, le présentateur de Un jour, un destin, comme on le ferait d’un bagarreur comme Jean-Jacques Bourdin ou Jean-Michel Aphatie. D’habitude, le dimanche soir, Delahousse reçoit Luchini, Jugnot ou Sandrine Kiberlain. Il est le prototype de l’interviewer empathique, une sorte de Michel Drucker jeune et beau. Il n’était donc pas forcément très adroit de lui demander –à deux reprises- de lui « prêter deux neurones » ou de lui envoyer d’autres amabilités. Si l’ancien président souhaitait montrer que son énergie et son mental guerrier étaient intacts, il y avait d’autres lieux que le JT de France 2 le dimanche soir. S’il souhaitait montrer un homme apaisé et rassembleur, c’est raté.
Enfin, Sarkozy a encore beaucoup, énormément parlé… de lui. Bruno Le Maire, en revanche, face à Gilles Bouleau, journaliste plus réputé dans les joutes avec les grands animaux politiques (il a même affronté Vladimir Poutine, et c’était plutôt réussi), a fait tout le contraire. Il s’est d’abord adressé aux militants de l’UMP alors que Nicolas Sarkozy n’avait pas eu un mot pour eux. Et pourtant, c’est bien à cette présidence du parti que les deux hommes sont candidats. Alors que Nicolas Sarkozy faisait comme s’il était déjà élu, ne citant pas une fois ses concurrents[1. il n’a parlé que de Juppé et de Fillon, ses adversaires à l’éventuelle primaire de l’UMP pour la présidentielle. Or, c’est bien à la présidence de l’UMP qu’il est candidat.], Le Maire a parlé militants, droite[2. Je pense personnellement que Nicolas Sarkozy a raison de dire que « le clivage droite-gauche est élimé comme un tapis de trois siècles » mais était-ce bien le moment de le dire alors que les militants dont il guigne les suffrages y croient dur comme fer ? Il s’agit d’un message à délivrer lors de la compétition reine, la présidentielle.], et surtout renouveau. Et lorsqu’il a parlé de lui, une seule fois, c’était pour dire qu’il avait démissionné de la fonction publique lorsqu’il avait été élu député, proposition plutôt séduisante pour le militant et l’électeur de droite.
En matière d’efficacité du message, celui qu’on décrivait comme un énarque froid et techno a donc marqué des points face au génie drogué de com ‘. D’une certaine manière, il a même ringardisé la prestation de l’ancien président. Certes, cela ne suffira certainement pas pour que Le Maire soit en position de battre Nicolas Sarkozy. Mais de l’aveu même de certains militants, si Nicolas Sarkozy ne fait pas au moins 75% des suffrages en novembre prochain, cela sera ressenti comme un véritable échec. C’est ce que doivent craindre Henri Guaino et Bernadette Chirac, qui l’ont mis en garde. Il pourrait bien en sortir beaucoup plus affaibli que s’il avait attendu gentiment la primaire, et avait distillé progressivement son projet pour le pays. Le seul intérêt tactique de mettre la main sur la rue de Vaugirard, c’était de dynamiter le projet d’organisation de la primaire ouverte. Or, il serait sur le point d’en accepter le principe. Alors pourquoi diable Sarkozy est-il allé dans cette galère, d’autant que l’affaire Bygmalion se rapproche à grands pas ?
Ah ! Le Maire ! Lui qui décrit si bien l’impuissance de la France à Bruxelles quand il était ministre de l’agriculture, mais qui n’en tire aucune conclusion politique, sinon qu’il présente bien avec son lifting de quadra dynamique et sérieux. Le Maire n’est qu’une baudruche de plus !