Marine Le Pen était l’invitée de L’Emission politique, hier soir. Elle était attendue puisque c’était sa première grande émission depuis le fameux débat du second tour de l’élection présidentielle. Mais plus encore, la première après le départ de son stratège Florian Philippot. C’est d’abord sur l’euro, point d’achoppement avec ce dernier, qu’elle a été interrogée par François Lenglet. C’est peu dire qu’elle n’a pas été plus convaincante que face à Emmanuel Macron.
L’euro, monnaie gênante et trébuchante
Cette fois, ce n’est pas la distinction entre monnaie unique et monnaie commune, insuffisamment maîtrisée, qui l’a fait trébucher, mais le nouveau calendrier du FN, faisant de la souveraineté monétaire un aboutissement et non plus un préalable, laissant même entendre qu’une sortie de l’euro n’était plus obligatoire si on arrivait à réformer la gestion de la monnaie. Marine Le Pen favorable à la perspective de « l’euro sympa », c’était effectivement nouveau, mais on n’y croyait guère, pas davantage qu’elle-même à ce moment-là, d’ailleurs. Marine Le Pen sait très bien, pour l’avoir dit elle-même pendant deux campagnes présidentielles, que la monnaie est d’abord un outil politique et que sa gestion constitue une arme pour faire plier ceux qui refusent de rentrer dans le rang. Qu’on en parle aux Grecs qui ont été menacés par Mario Draghi de voir leurs banques privées de liquidités au plus fort de la crise de 2015.
La présidente du FN a malgré tout lâché les véritables raisons de sa volte-face : les sondages et le marketing électoral, qu’elle a pourtant fustigés en fin d’émission, comme pour mieux se convaincre qu’elle n’y avait pas cédé elle-même.
Tout est à refaire
C’est ensuite Laurence Parisot qui est venu lui porter la contradiction sur le sujet du féminisme. C’est à ce moment-là que Marine Le Pen a été la plus à l’aise. Divine surprise pour la présidente du FN que cette invitée mystère : une ancienne présidente du Medef. Elle a ainsi pu développer la défense des petits et des sans-grades, au féminin. Un peu d’oxygène dans l’émission avant d’être confrontée à Gérald Darmanin qui lui a donné davantage de fil à retordre sur les questions fiscales.
Marine Le Pen ne semble pas avoir retrouvé la confiance et la sûreté qui étaient sa marque de fabrique il y a encore quelques mois. Le débat face à Emmanuel Macron pèse toujours et elle en est convenue elle-même, hier soir. Sa crédibilité en a souffert, en souffre toujours. Elle en paraît d’autant plus consciente que ce débat a été le point de départ du processus qui l’a amenée à se séparer de celui qui fut son stratège depuis 2009, pour se retrouver aujourd’hui isolée idéologiquement dans le parti qu’elle préside, et qui l’amène à dire et faire le contraire de ce qu’elle disait et faisait jusqu’au 3 mai dernier, sur les questions économiques.
Concurrents, un mot qui commence bien mal
Il ne sera pas facile de remonter la pente dans ces conditions, d’autant que Laurent Wauquiez vient aujourd’hui lui faire de la concurrence sur les questions identitaires, et que Florian Philippot développe sa petite entreprise, qu’on aurait tort de mésestimer. Invité la veille chez Zemmour et Naulleau, il a fait preuve d’une efficacité d’autant plus grande qu’il est, au contraire de son ex-candidate, en total accord avec lui-même. S’il continue d’être considéré comme un bon client dans les médias audiovisuels, son nouveau parti pourrait se développer plus vite qu’on ne l’aurait cru. D’autant plus que la prochaine échéance électorale est européenne… Les divorces sont surprenants. C’est parfois celui dont on croit qu’il va souffrir le plus qui, contre toute attente, se libère, laissant l’autre bien plus malheureux que prévu.