Jean-Luc Mélenchon est débordé au sein de son propre parti par « celles et ceux » qu’il a fait élire. La député de la France insoumise, Danièle Obono, a une nouvelle fois fait parler d’elle hier en défendant Houria Bouteldja.
Danièle Obono ne facilite décidément pas la tâche à Jean-Luc Mélenchon. Mais est-ce vraiment son intention ? Ce dimanche, si elle a définitivement largué les amarres avec Dieudonné, elle a pris la défense de sa « camarade » de lutte anti-raciste, Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République (PIR).
Alors que la France insoumise est exposée à la critique de complaisance avec le PIR depuis des semaines, que la députée de Paris est accusée d’être elle-même complaisante avec le combat de l’auteur de Les Blancs, les Juifs, et nous, elle vient apporter une preuve matérielle à son dossier d’accusation. Qu’il nous soit permis de plaindre un instant le politiste Thomas Guénolé, qui avait naguère fustigé avec force et précision le discours de Houria Bouteldja, et avait pris il y a quelques jours la défense de Danièle Obono. Il doit éprouver aujourd’hui quelque sentiment de trahison. Mais qu’en est-il de Jean-Luc Mélenchon ?
Obono, Autain & co. : anarchy in the FI
Depuis l’élection présidentielle, il a perdu de la superbe qui lui avait permis une campagne impressionnante de pédagogie et d’entraînement. On était admiratif devant le tribun. On se méfiait tout de même de l’influence du mouvement « Ensemble » et on l’avait même mis en garde sur Causeur.fr. On lui faisait aussi remarquer que c’est parce qu’il avait complètement épousé la logique présidentielle de la Ve République (« Qui m’aime me suive »), sans s’embarrasser de savoir s’il aurait le soutien du PCF ou de la myriade de partis de gauche radicale, qu’il avait réussi l’exploit de tripler le score que lui promettaient les sondages au début de la campagne. Et on l’exhortait à arrêter de causer VIe République, alors que la Ve lui allait comme un gant.
Mais voilà, l’élection présidentielle est terminée et avec elle, la logique présidentielle qui l’accompagne. Le côté foutraque de la France insoumise a repris le dessus. La gauche radicale a parfois des airs du centrisme et de son image bayrouiste des grenouilles qu’il faudrait transporter dans une brouette. Maintenant que Jean-Luc Mélenchon ne peut plus dire « c’est moi le candidat » et qu’il a permis de faire élire Danièle Obono et Clémentine Autain dans la foulée de son excellent résultat, tout le monde pense avoir une part de son score à l’élection présidentielle alors que c’est lui et personne d’autre qui a fait près de 20%. L’ex-candidat ne peut pas faire régner l’ordre, prisonnier de ses déclarations enflammées pour la VIe République.
Marine Mélenchon
Lorsque Danièle Obono a commencé à faire parler d’elle, Jean-Luc Mélenchon l’a soutenue publiquement ; cela avait quelque part un certain panache ; on ne lâche pas ainsi ses ouailles. On peut d’ailleurs soupçonner qu’il avait relancé la polémique sur le caractère religieux du drapeau européen afin de faire oublier les déclarations de sa protégée et démontrer qu’il n’avait aucune leçon à recevoir de quiconque en matière de laïcité. Alors qu’il aurait été bien plus juste et efficace d’attaquer ce drapeau sur son versant politique, il a visé à côté de la cible en l’associant à la Vierge. Et on l’a retrouvé, en début de semaine, témoignant une certaine lassitude, reconnaissant que Macron avait gagné, ce qui ne lui ressemble guère…
Cette lassitude n’est-elle pas plutôt le fait de sa situation politique personnelle ? N’a-t-il pas intégré lui-même toutes les critiques qu’on se permet aujourd’hui de lui adresser ? Ne ressent-il pas actuellement un certain inconfort dans cette France insoumise qui tire à hue et à dia ? On a de plus en plus l’impression que Jean-Luc Mélenchon se retrouve dans une situation symétrique à celle de sa meilleure ennemie Marine Le Pen. Chef d’un collectif auquel il se sent de moins en moins en capacité d’imposer ses vues et ses convictions. Sauf que Mélenchon a bien plus de caractère que la présidente du FN et qu’on ne le voit pas vraiment en rentier de situation.
Back in the NPA
A la tête du Front de gauche, il avait réussi en 2012 un score qu’on n’attendait pas (11,1%). Déjà peu à l’aise entre 2012 et 2015, il avait fini par envoyer balader ce Front et par créer son mouvement d’aujourd’hui. La lassitude de Jean-Luc Mélenchon va-t-elle se muer en déprime ou en colère ? Ceux qui le mettent autant en difficulté devraient comprendre que sans lui, ils ne pèseraient pas dans les urnes. Avec le programme du NPA, la France insoumise obtiendra le score du NPA. Décourager Mélenchon, c’est scier la branche sur laquelle on est assis. A bon entendeur !