La fin de « Ça se dispute » : le suicide d’iTélé?

 

Une émission disparaît et tout une chaîne est dépeuplée. Comme s’en insurge Elisabeth Lévy dans le texte de la pétition lancée par Causeur, iTélé a décidé de mettre fin à l’émission-phare de sa grille, « Ça se dispute ». Diffusée chaque vendredi soir, puis multi-rediffusée pendant toute la journée du samedi, l’émission réunissant Eric Zemmour et Nicolas Domenach, sous l’arbitrage de Pascal Praud, permettait à la chaîne info du groupe Canal + de devancer BFMTV pendant quelques minutes par semaine. iTélé sans « Ça se dispute », c’est un peu comme si Citroën avait arrêté les chaînes de montage de la DS en 1962. C’est un Tour de France, zappant à la fois l’Alpe d’Huez et les Champs-Elysées. C’est une blanquette de veau sans veau ! La direction de la chaîne en était à ce point consciente qu’elle avait fêté en grande pompe, la saison dernière, l’anniversaire de l’émission, alors que c’était encore Léa Salamé qui arbitrait la dispute. Une rediff’ des grands moments, avec interviews de tous les anciens animateurs, dont Victor Robert, Laurent Bazin et Maya Lauqué. C’est dire si elle en était fière, de son émission, iTélé. Vous pensez ! Complètement dominée par Bfm Tv), elle ne lésinait pas sur la promotion de son programme historique « Ça se dispute »  flanqué de ses deux stars, Domenach et Zemmour.

En moins d’une semaine, l’émission-star est passée à la trappe. Pour la première fois, une chaîne supprime l’émission la plus performante de sa grille, créant une discipline inédite mais périlleuse : le saut à l’élastique… sans élastique. Un suicide français, pourrait-on ironiser. La faute à Eric Zemmour, diront certains. La preuve du totalitarisme du pouvoir socialiste, rétorqueront les autres. Ni l’un ni l’autre. La fin de « Ça se dispute », c’est la victoire du conformisme, la peur de la dispute, même civilisée. Et elle l’était, civilisée, la dispute hebdomadaire entre Domenach et Zemmour. Le premier cité, vendredi soir, twittait, en victime collatérale de la décision de la direction : « Avec Zemmour on s’est débattus. On s’est affrontés. On s’est aimés, on s’est exaspérés, mais toujours respectés. Un temps d’échanges. Quelle tristesse! ». Mais Zemmour était dans l’œil du cyclone. Depuis que Jean-Luc Mélenchon avait déterré en le déformant un entretien du polémiste avec un quotidien italien, la polémique enflait et la pression était forte sur les médias qui l’employaient. Cette pression était d’abord orchestrée par SOS Racisme et la LICRA, adversaires habituels de Zemmour, sur les champs médiatiques et judiciaires. Depuis quelques années, les deux camps ne se ménagent pas et ont engagé une lutte à mort. D’un côté les assocs traquent tout « dérapage » du polémiste vedette et lui signifient la direction de la XVIIe chambre aussitôt que leurs avocats leur donnent le feu vert. Ils ont même réussi à le faire condamner une fois. De l’autre, Zemmour, qui consacre bon nombre d’éditoriaux à leur sujet, réclamant qu’on leur sucre toute subvention, y compris devant une assemblée de l’UMP. Pourtant –et le journaliste italien qui avait interviewé l’a humblement reconnu dans le Figaro Vox- Eric Zemmour n’a jamais prononcé le mot qui lui était reproché, puisqu’il s’agissait juste d’une reformulation a posteriori. Pas grave. Il devait être châtié pour l’ensemble de son œuvre. Ceux qui voient la main du pouvoir socialiste derrière cette déprogrammation s’appuient sur les déclarations de Bruno Le Roux appelant les médias « à ne plus abriter » les propos de Zemmour. Ou celles du ministre de l’Intérieur invitant nos compatriotes à manifester, ce qui est cocasse pour un hôte de Beauvau, responsable du maintien de l’ordre. Mais ils se trompent. Franchement, dans ce pays, qui a peur de Bruno Le Roux ? Même pas Pascal Cherki et quelques autres frondeurs. C’est dire. Dans cette histoire, comme sur beaucoup d’autres, les politiques sont à la remorque.

Non, ce qui a fait pencher la balance c’est la pression, notamment via les réseaux sociaux, mise par les assocs mais aussi et surtout d’autres journalistes. C’est la société des journalistes d’iTélé qui a eu la peau de l’émission. Parce que ses membres partagent pour une bonne part la même opinion que Dominique Sopo ou Alain Jakubowicz en matière de brevet de « fréquentabilité ». Ces journalistes savaient que l’émission marchait du tonnerre mais ils voulaient encore pouvoir aller dîner en ville sans devoir baisser la tête quand on leur poserait la question suivante : « Mais, vous, qu’avez-vous fait pour faire reculer le Front national et Eric Zemmour ? ». Rien à fiche de Bruno Le Roux. Juste du conformisme qui aurait sans doute été vaincu sans la décision du CSA de ne pas autoriser l’entrée dans la danse de LCI. Eh oui, sans concurrent supplémentaire, iTélé craint moins les mauvaises audiences !

D’un certain point de vue, le CSA qui avouait son impuissance alors qu’une flopée de pipoles réclamait qu’il mette Zemmour hors d’état de nuire, a tout de même joué un rôle involontaire dans cette histoire, consternante à bien des aspects. Les premiers à avoir annoncé de manière assez triomphale la fin de l’émission furent d’ailleurs des journalistes d’iTélé, Jean-Jérôme Bertolus et Florent Peiffer. Céline Pigalle directrice de la rédaction, justifia ensuite la décision au Monde, utilisant seulement le prénom de Zemmour pour parler de lui, comme si elle était encore plus ou moins liée au polémiste et que tout cela se faisait à son corps défendant.

« Ça se dispute » était une idée de journalistes. Ils avaient lu les derniers livres de Zemmour (L’homme qui ne s’aimait pas) et de Christophe Barbier (Les derniers jours de François Mitterrand) auquel succéda Nicolas Domenach. Ils avaient détecté que ces deux-là s’opposaient sur à peu près tout. D’où la dispute et la référence à « Ça se discute » émission vedette de Jean-Luc Delarue, à la même époque. Ce dimanche, le pilier des créateurs de l’émission, Victor Robert, nous confiait sur Twitter, sans doute avec beaucoup de tristesse, ce qu’était pour lui « Ça se dispute » : « Un débat créé par des journalistes sans pouvoir imaginer qu’il serait supprimé à la demande de journalistes ».

On en est là.

4 commentaires

  1. le ministre de l’interieur appelant à manifester contre M.Zemmour ça rappelle M.Placé invitant les lycèens à manifester en faveur de la fameuse « Léonarda ».Niaiserie quand tu nous tient
    Par ailleurs Il est vrai que Canal plus est une chaine « de goche »(on sait pourquoi)une goche certes Parisiano-caviardo-marrakchi mais c’est tout ce qu’il en reste semble-t-il (de la gauche pas de canal)avec le pack « obs-lemonde -télérama -libé »

  2. Sur la forme, vous avez raison. Que des journalistes censurent un autre journaliste est consternant. Sur les effets également : I>Télé sans Zemmour, c’est Canal+ sans le foot et sans les Guignols. J’ai écrit sur mon blog un article de la même veine, Zemmour ou comment faire taire ceux qui sonnent le tocsin.
    Mais j’estime, comme Bruce Toussaint, qu’I’Télé est dans son droit quand elle décide de ne plus rémunérer quelqu’un, y compris pour la mauvaise raison invoquée.
    C’est le problème de l’intellectuel engagé : il ne peut travailler qu’à son compte, n’être ni fonctionnaire ni salarié. Sauf si l’entreprise qui l’emploie juge son discours conforme à sa propre « ligne éditoriale », comme c’est le cas au Figaro.
    C’est pour cela – et aussi parce que la fin de Ça se dispute nous débarrasse de Domenach – que je ne signerai pas la pétition lancée par Causeur.
    Eric Zemmour devrait créer son propre organe de presse, comme l’ont fait Edwy Plenel ou la patronne de Causeur, Elizabeth Lévy. Alors, chacun conserverait son libre-arbitre et son autonomie ; et chacun serait personnellement responsable, lui, de ce qu’il y écrirait, les autres médias, de ce qu’il en reprendraient. Les gagnants seraient les lecteurs. Et je ne doute pas qu’ils seraient infiniment plus nombreux que les quelques milliers de téléspectateurs que Ça se dispute draine sur I>Télé.

    • J’apprécie ce point de vue sur bien des points, la porte de sortie de Zemmour par le haut est la creation effectivement de son organe de presse personnel voire de fonder son parti

  3. Eppur si muove ! Zemmour a raison. Son analyse du suicide français est juste, malgré quelques points discutables par méconnaissance, notamment, de la démographie.
    Mais il est devenu le bouc émissaire de la bien-pensance qui ne fait qu’augmenter le nombre e voix pour la mère Le Pen…

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