Mercredi 16 novembre, France 3 nous racontaitla Folle Histoire des présidentielles. Une sorte de thriller à la 24 heures, sauf qu’ici l’action s’étale sur cinquante ans (de 1962 à nos jours) et que les gangsters sont remplacés par des politiciens.
Les auteurs de ce documentaire en ont-ils mesuré toute la force corrosive ? En tout cas, ce ne sont ni des punks ni des néopoujadistes. Mme Frédérique Bredin, ex-ministre socialiste, s’est entourée ici de Jean-Jérôme Bertolus, journaliste à i-Télé, et de Jean-Michel Royer, spécialiste des archives audiovisuelles. N’empêche ! Ces gens respectables nous content une histoire qui ne l’est guère. Leur enquête, qu’ils l’aient voulu ou non, jette une lumière crue sur l’abîme qui sépare le scrutin présidentiel tel qu’il devrait être de ce qu’il est.
Vue des coulisses, aucune campagne présidentielle depuis de Gaulle n’aura été essentiellement un débat d’idées – et ça ne s’arrange pas. À chaque fois, six mois au moins durant, l’amphithéâtre démocratique se transforme en arène romaine pour accueillir les jeux d’un cirque où n’ont part ni le politique ni même l’humain.
Un cirque cruel et absurde où, pour départager les candidats à la fonction suprême il n’y a, au bout du compte, que le hasard et l’ambition : ceux qui survivent à l’un (RIP DSK !) sont départagés par l’autre. Pour gagner, c’est bien simple, il faut ne penser qu’à ça – et pas seulement en se rasant.
Ainsi le documentaire nous raconte-t-il, d’une échéance présidentielle à l’autre, le même concours général de ruses et de chausse-trappes, de calculs tordus et de coups bas (à moins que ce ne soit l’inverse). Et le vainqueur, quelles que soient ses couleurs, est toujours celui qui jusqu’au bout aura su le mieux sacrifier tout le reste à cette ambition – quitte à s’y reprendre à trois fois…
Comme de juste, les Français de base assistent à ces jeux dans un esprit ludique. Et même s’ils s’échauffent dans la dernière ligne droite, c’est plus comme des parieurs de PMU sur la pelouse de Longchamp qu’en citoyens conscients et organisés. D’ailleurs, dans cette mêlée où ils n’ont pas part, de quoi seraient-ils conscients et pour quoi s’organiser ?
Être président, nous souffle ce documentaire, c’est moins une question d’idées que de tempérament – celui au nom duquel, le cas échéant, il ne faudra pas hésiter à les piétiner… Rien de plus personnel donc, comme le résume cet échange à distance entre Mitterrand et Delors – l’homme qui voulut à tout prix être roi et celui qui ne voulait pas… Mitterrand à propos de Delors : « Pour être président, il faudrait qu’il soit nommé par arrêté ! » Et Delors de répondre comme en écho dans le doc : « Il faut être fou pour vouloir être président. »
Fou, vraiment ? Une bien mauvaise nouvelle pour notre candidat “normal”. À moins qu’il ne simule, évidemment.