Pardon au service Culture pour ce titre à scandale, mais c’est la faute à Ardisson. Dans TV Magazine, la semaine passée, il vantait les mérites de son nouveau chroniqueur Gaspard Proust, succédant à Stéphane Guillon dans le rôle de “poil à gratter” de son hebdo Salut les terriens ! (le samedi à 19 heures sur Canal Plus).
« Encore plus politiquement incorrect que Guillon ! », affirmait l’homme en noir.A priori, ça m’a paru crédible. Hormis ses saillies ad hominem, quoi de plus correct que l’humour guillonesque, qui réserve ses piques citoyennes aux “ennemis du peuple et du progrès” ?
Depuis dix ans, Stéphane Guillon fait ses gammes sur un piano à deux touches : il reproche tour à tour à la droite d’être de droite, et à la gauche de n’être pas assez à gauche. Son départ après six saisons n’a pas dû trop chagriner Ardisson, soucieux de la pertinence de sa séquence « Impertinence » : quand le pouvoir change de mains, l’alternance s’impose aussi chez ses bouffons.
Alors Gaspard Proust, “humoriste de droite” ? Scrupuleux comme vous me connaissez, j’ai tenu à vérifier.
Pour sa première, encore un peu intimidé, le gandin marque quand même d’emblée son territoire : « L’arrivée de la gauche, ça fait fuir les riches ! Exemple, Stéphane Guillon… »
Et puis, au fil des semaines, il s’enhardit dans la provoc. Sur les caricatures de Mahomet : « Puisque personne n’a jamais vu le Prophète, qu’est-ce qui nous prouve que Charlie Hebdo l’a caricaturé ? » Sur l’Église, « superréac » : « Elle s’oppose au mariage gay sous prétexte que deux hommes n’arrivent pas à se reproduire… Mais laissez-leur le temps ! »
Mariage homosexuel, vote des étrangers : autant de gesticulations “sociétales” conçues, selon Proust, « pour faire oublier qu’ils ne peuvent rien faire ». « Au prochain plan social, raille-t-il, ils proposeront quoi ? Le droit pour les enfants d’adopter leurs parents ? Le droit opposable au cancer ? »
L’ironie frappe juste, comme du meilleur Desproges. Décidément, ce Proust-là est prometteur. Trop intelligent pour être dupe de l’“indignation” intransitive qui sert de pensée à nos Grandes Têtes Molles ; trop malin cependant pour prêter le flanc à leurs attaques.
Fais gaffe quand même, Gaspard !
Les feux de la critique chauffent avec ceux de la rampe, et ce que tu balances aujourd’hui sous les applaudissements pourrait bien demain être retenu contre toi.
Avec ton personnage d’anar cynique, c’est-à-dire de droite, si tu deviens vedette – ce qu’on te souhaite – , finie la tolérance accordée aux petits trublions ! La moindre de tes blagues sera décortiquée, et tu mesureras la longueur de ta chaîne.
La suite, elle est écrite dans le Loup et le Chien : soit tu tireras sur ta chaîne, au risque de te rompre le cou, soit il te faudra rentrer à la niche, comme beaucoup.
Publié sur Valeurs Actuelles, le 4 octobre 2012
