Mes vacances de chroniqueur télé se sont bien passées, merci ! Juste un peu gâchées, début juillet, par le lancement à grands sons de trompe d’Inquisitio, la « série événement de l’été » diffusée sur France 2. Le machin s’avançait précédé d’une réputation unanimement flatteuse : un « thriller médiéval » qui allait nous faire « revisiter le Moyen Âge », rien que ça.
D’emblée, l’affiche donnait le ton : un moine borgne encapuchonné nous fixait, l’œil impitoyable, au-dessus du titre Inquisitio, doté d’un T en forme de croix convenablement sanguinolente et suivi de cette accroche explicite : « Craignez-les comme la peste ».
L’ambition de Nicolas Cuche, auteur de cette « fiction historique » (sic) à vocation citoyenne : nous conter un épisode de « l’éternelle lutte du fanatisme contre le progressisme », comme l’écrivait avec enthousiasme le Figaro (4 juillet). Et quel meilleur cadre, pour cette noble entreprise, que le long tunnel obscurantiste et cruel du Moyen Âge – qui, comme chacun sait, a, entre autres méfaits, retardé de mille ans la Renaissance ?
J’en plaisante aujourd’hui, mais la première semaine j’ai souffert. Non seulement cette daube à grand spectacle accumulait – comme prévu – erreurs factuelles et falsifications grossières, mais le public était au rendez-vous ! Avec 4,3 millions de téléspectateurs,Inquisitio se plaçait largement en tête de l’Audimat, pulvérisant même TF1 et sa série musicale à l’eau de rose.
Et puis, doucement, je me suis repris à espérer. Au fil des épisodes, les téléspectateurs se lassaient de ce Grand-Guignol anti-clérical en costumes ; à la fin du mois, Inquisitio avait perdu en route la moitié de ses fidèles et son triomphe annoncé se terminait par un“pschitt !” sonore.
M’est avis que la série a été punie par là où elle péchait, c’est-à-dire par son absence radicale de suspense. Malgré ses incessants rebondissements, cette enquête-là était bouclée d’avance !
Les coupables, ce sont, comme de bien entendu, les hommes d’Église – même s’il y en a deux ! Gros bonnets rouges à la trogne assortie, comploteurs et vicieux ; inquisiteur hâve, tortionnaire et torturé ; et même une sainte patronne de l’Église, transformée pour les besoins de la cause en serial killeuse hystérique…
À la désaffection du public est venue s’ajouter, pour mon plus grand bonheur, une salutaire réaction de la “cathosphère” sur Internet.
Mention spéciale à la vraie-fausse bande annonce diffusée sur Youtube par une bande de joyeux blogueurs (voir ci-dessous). Pointant toutes les absurdités de cette farce sinistre, la miniparodie se concluait par un fameux slogan : « Inquisitio : le pire, c’est que vous allez y croire ! » De quoi me remonter définitivement le moral : si maintenant les cathos se mettent en plus à avoir de l’esprit, tous les espoirs sont permis !
Publié pour Valeurs Actuelles, le 30 août 2012