Ainsi soient-ils, ou les mésaventures de cinq jeunes séminaristes confrontés au “monde réel” : tel est le pitch de la série événement que nous propose Arte. Après Inquisitio, série événement de l’été dernier sur France 2, voilà une confirmation de l’intérêt nouveau porté par la télévision publique à ma religion privée – qui, pourtant, ne date pas d’hier.
Faut-il s’en réjouir ? Oui, répond d’une seule voix la bonne presse, couvrant le feuilleton d’éloges aussi unanimes que variés. « Sacrée série ! », s’emballe le Monde, pour lequel cette « plongée réussie dans le monde de la foi […] ne manque pas de grâce ». Tout aussi enthousiaste, le Nouvel Obs a plutôt vu le côté obscur de la farce. Nulle trace de grâce, à l’en croire, dans ces « crises de foi » à répétition, au terme desquelles « une question se pose : pourquoi ces jeunes gens restent-ils ? »
À cause du suspense, comme nous – tranche Télérama, applaudissant des deux pages à ce thriller en soutane où « les tourments d’aspirants prêtres sont aussi palpitants que les tribulations de Jack Bauer dans 24 heures chrono »!
En vrai, au début, ce serait plutôt “240 heures”, tant les premiers épisodes traînent en longueur. Mais c’est qu’il faut le temps d’installer les personnages, surtout quand ils sont aussi archétypiques.
Bienvenue dans le “catho-spaghetti” : ici le “bon” est forcément un catho-de-gauche, ex-prêtre-ouvrier mais toujours ouvert à tous – et compassionnel comme c’est pas permis. Surtout pas dans sa hiérarchie, où le vieux cardinal-archevêque cumule harmonieusement les rôles de “brute” et de “truand”. Ce prélat-là, qui, bien sûr, ne croit qu’en lui-même, est capable de toutes les vilenies pour préserver sa pourpre, voire la changer en blanc.
Entre les deux se retrouve coincé une sorte de Club des cinq séminaristes. Au fil des épisodes on voit, sans surprise excessive, ces idéalistes naïfs tomber l’un après l’autre du côté où le scénario les faisait pencher.
Les voilà donc, les “rebondissements” tant prisés par Télérama : le fils de bourge couche avec la femme de son meilleur ami, figurez-vous ; l’ex-meurtrier converti finit avec deux balles dans la peau ; et le puceau angélique crève d’une overdose dans les bras d’une rockeuse. Les plus raisonnables, somme toute, ne sont-ils pas les deux derniers de la bande, qui finissent ensemble ?
Et Dieu, dans tout ça ? Eh bien, il est aux abonnés absents, comme on pouvait s’y attendre de la part d’auteurs qui revendiquent « un regard athée sur le fait religieux » ; autrement dit, un regard aveugle à ce qu’il est censé nous montrer.
Mais si c’est juste pour raconter ça, les gars, pas besoin de 8 x 52 minutes ! Léon Bloy avait fait plus court et mieux en évoquant « l’infernale dis grâce de subsister, sans groin, dans un monde sans Dieu ».
Article paru dans Valeurs Actuelles, le 25 octobre 2012.