Le Juppé modèle 2017 a déjà commencé sa campagne de deuxième tour… Droit dans ses pantoufles !
Très en forme, Alain Juppé, l’autre mercredi sur LCP à l’émission Questions d’info. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac est de ces vieux sages auxquels on n’apprend pas à faire la grimace, ni même quand les faire !
Là, c’est le moment ou jamais : Juppé joue son va-tout, et il a bien raison. Vu son âge, son cursus et l’état de la concurrence, il n’a rien à perdre et tout à gagner !
Bien sûr il y a l’hypothèque Sarkozy, que son ancien ministre lève d’autant plus volontiers qu’il n’a guère le choix. Oui, il se rallierait sans barguigner à une nouvelle candidature de l’ex-président qui, croit-il même savoir, « en a plus envie que [lui] ».
Mais sait-on jamais ? Si d’aventure un peuple de droite orphelin se tournait vers lui, qu’on se le dise, il assumerait pleinement ses responsabilités.
Pour faire quoi ? Là, ça devient un peu flou : l’aspiration du « plus capé » des UMP à un destin national est décidément plus claire que son “grand dessein” pour la France.
Son programme économique ? « Réduire les dépenses publiques sans matraquage fiscal. » Sympa, mais pas de quoi le distinguer de n’importe quel autre prétendant de droite — y compris Borloo.
Mais attendez, ce n’est pas tout ! Il faudra également, martèle-t-il, « engager un certain nombre de réformes structurelles »… Une attaque à peine voilée contre les deux précédents présidents de la République, qui ont dirigé le pays pendant dix-sept ans et, accessoirement, furent ses mentors.
Sur la “démission” du pape aussi, Juppé a un avis, et même deux : « La fonction est sacrée, et l’homme qui en est investi doit l’assumer jusqu’au bout », tranche notre théologien du dimanche. Mais d’un autre côté, il « respecte profondément le choix courageux de Benoît XVI ». C’est fort aimable à lui, mais n’empêche ! Heureusement pour notre bon pape qu’il n’a pas pris conseil du frère Alain. Sinon, il aurait sans doute dissous la curie…
Le beau Juppé nouveau déjoue aisément le piège grossier tendu depuis trente ans à tout politicien de droite ou assimilé : « Et l’alliance avec le FN ? » « Nous vivants, jamais ! », récite-t-il conformément à la vulgate d’origine chiraquienne — balayant au passage l’hypothèse absurde d’une « droitisation » de l’UMP.
Sauf qu’à force de philosopher, cet Alain-là finit par se contredire lui-même : « Au-delà du FN, le populisme de droite est un phénomène européen : partout la même “démonisation” [sic] de l’immigration et de l’islam ; partout le même refus de l’Europe et même de l’euro… »
Si les mots ont un sens, cette dénonciation-là ne vise pas seulement Marine Le Pen, mais aussi peu ou prou les Dupont-Aignan, Copé et autres Sarkozy — et vous-mêmes si ça se trouve, amis lecteurs !
Dommage que François Hollande ait fermé le guichet des “ministres d’ouverture”. En d’autres circonstances, et si l’intérêt supérieur de la nation l’avait exigé, nul doute qu’Alain aurait examiné toutes les propositions avec bienveillance.
Publié dans Valeurs Actuelles, le 21 février 2013