Le centre selon Zemmour : beaucoup d’élus, peu d’électeurs et pas d’idées. Mme Jouanno n’est pas d’accord…
Invitée de Zemmour & Naulleau, l’autre vendredi sur Paris Première : Chantal Jouanno, sénatrice et porte-parole de l’UDI. Thème de l’interview : « À quoi sert le centre ? » Une excellente question ma foi, sur laquelle des générations de politologues se sont penchés en vain.
Zemmour, lui a son idée : « À quoi sert l’UDI ? À avoir des élus ! » Et de citer Pasqua qui, dans les années 80, résumait ainsi la répartition des tâches entre gaullistes et centristes : « Le RPR amène les électeurs, et l’UDF amène les élus ! »
« C’est exactement ce que vous avez fait aux départementales ! enchaîne Éric Zemmour d’un ton enjoué. Alors que vous ne représentez quasiment rien, vous avez réussi à avoir des tas d’élus ! »
À mesure qu’Éric déroule sa démonstration, son ironie se fait de plus en plus incisive – surtout quand elle se déguise en compliment : « Ça fait vingt-cinq ans que je suis dans l’analyse politique, et j’admire toujours les centristes pour ça : ils se vendent magnifiquement bien, alors qu’ils ne valent rien (un temps)… Au sens électoral du terme, bien entendu. »
Des analyses sérieuses sur un ton badin, ça change de l’inverse ! « En fait, résume-t-il à l’adresse de Chantal Jouanno, sans plus plaisanter, Sarkozy vous a payés en élus – aux départementales, et demain aux régionales – pour que vous n’alliez pas à la présidentielle. Si vous y allez, ce sera scandaleux ! »
Sous la mitraille zemmourienne Chantal Jouanno ne bronche pas, imperturbablement souriante. Quel est donc son secret ? Vous me direz, c’est son boulot de politicienne. Mais il faut bien admettre quand même qu’elle est particulièrement douée. Comme le montre assez sa réponse à Zemmour, elle ne croit guère elle-même à ce qu’elle raconte. Ça permet d’affronter les critiques avec une certaine distance… L’important, n’est-ce pas, c’est de se faire voir à la télé !
À quoi sert le centre, donc ? « À porter des idées ! » répond sans rire Chantal. « – Mais la bataille des idées, ça fait longtemps que vous l’avez gagnée, interrompt Zemmour : vous avez tué le gaullisme ! J’ai le souvenir du discours anti-européen de Jacques Chirac jusqu’en 1980, et du programme RPR-UDF sur l’immigration en 90 : c’était celui du FN aujourd’hui. Entre-temps, l’UDF a gagné la bataille ! »
Et Mme Jouanno de protester qu’elle et son parti ont encore plein d’idées originales : « le fédéralisme européen, une écologie non punitive, un projet autour de la cohésion sociale. Toute cette parole, elle est où sinon ? » « – Partout ! » réplique Zemmour, décidément en verve ; sauf qu’au PS et à l’UMP, ils ont compris qu’il n’y avait pas d’électeurs pour ça ! »
Après cette « battle », le contre-interrogatoire d’Eric Naulleau paraît un peu fade. Ses questions ont beau partir dans tous les sens, elles échouent toujours dans la même impasse : l’UDI se soumettra-t-elle, oui ou non, à la « primaire ouverte » de l’UMP ? À chaque fois, Naulleau s’attire à peu près la même réponse : « On décidera lors de notre Conseil national, début 2016. On ne sait pas encore quel sera le paysage politique de la fin de l’année. Si, par exemple, le FN montait encore »…
Elle est bonne, celle-là ! Montée du FN ou pas, rien qu’avec les rapports de force actuels, le futur candidat « républicain » n’aura sûrement pas besoin d’un centriste dans les pattes ! Sous prétexte de soucis « citoyens », les stratèges de l’UDI attendent tout simplement de savoir comment se vendre au meilleur prix… En jouant les utilités à la « primaire ouverte » de l’UMP, en échange d’ultimes concessions ? Ou bien en maintenant jusqu’au bout la menace d’une candidature sauvage qui, à quelques pour cent près, pourrait empêcher Nic… pardon, le candidat issu des primaires, d’être présent au deuxième tour ?
Eh oui mes amis, c’est ça la politique, et le centre en est le cœur.
[Publié dans Valeurs Actuelles]