Pour Jean-François Colosimo, interdire les crèches, c’est réécrire l’histoire de France !
De quoi vous entretenir, au lendemain des « Fêtes » ? Entre la Saint-Sylvestre selon TF1 et celle de France 2, j’ai longtemps balancé. D’un côté, avec Arthur, numéros de cabaret, jeux drôles et bonne humeur assurée. De l’autre, chez Patrick Sébastien, numéros de cirque, serviettes-qui-tournent et ambiance festive garantie… Faute de pouvoir trancher, je me suis finalement réfugié sur France 5 et son C dans l’air spécial « Crèche », plus facile somme toute à chroniquer.
« Zizanie autour de la crèche » : tel est le sujet, ou plus exactement le point de départ, de ce débat qui très vite va glisser des récentes « affaires » de crèches à la notion de laïcité puis, forcément, à celle de République, ou de ce qu’il en reste.
Autour de la table quatre intervenants, dont un fil rouge : Jean-François Colosimo, éditeur, écrivain et accessoirement théologien. Le seul capable, apparemment, de tenir une heure durant un discours cohérent, à travers les zappings de la conversation. Les autres, sans vouloir critiquer, ont tendance à se contredire ou à se répéter, quand ils ne cumulent pas.
Pour le politologue Raphaël Draï, c’est bien simple ! À tous nos maux, un seul remède : « revenir au texte de la loi ». 1905, tout 1905, rien que 1905. Sauf que depuis Aristide Briand, ladite loi n’a cessé d’être modifiée par des dizaines d’amendements, décrets et ordonnances, sans compter les jurisprudences y afférentes. Alors on fait comment, Professeur ?
Aux yeux de la philosophe Cynthia Fleury, comme son métier l’indique, c’est plus compliqué. Bien sûr qu’elle défend une conception ouverte-et-nuancée de la laïcité ; mais non sans dénoncer une race de « traditionalistes-identitaires » qui chercheraient, paraît-il, à l’ « instrumenter » (sic).
Rien à dire sur le chroniqueur catho Michel Cool ; comme son nom l’indique, il se garde de contredire quiconque, tout en formulant ça et là quelques observations de bon sens. Mais indéniablement, c’est le Colos qui mène la danse. Seul de cet aréopage il sait remonter de l’effet aux causes, et faute de véritables interlocuteurs sur le plateau, il trouvera chemin faisant des contradicteurs de poids : les « Libres Penseurs », auxquels l’émission donne généreusement la parole au cours de trois reportages, pour notre plus grand bonheur.
On les croyait disparus, ces bouffeurs de curés, au moins depuis les Années folles… Erreur ! Les revoilà soudain, décryogénisés et même chauds comme la braise. Ils sont à l’origine des récentes plaintes contre les crèches, et toujours avec leur fameux slogan d’époque : « Ni dieu ni maître ! À bas la Calotte et vive la Sociale ! »
Au-delà des crèches-prétextes, le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Il faut entendre la colère de Monsieur Tribouillard, responsable local de cette vénérable association, face aux cloches de l’Angelus à Melun. Rien d’autre à ses oreilles que de la « propagande », dont il réclame au maire l’ « interdiction » dans une lettre recommandée bien envoyée !
La Libre Pensée ? Colosimo la remet à sa place d’un mot : « un mouvement passé, dépassé, trépassé. » La vraie crise, estime-t-il, c’est celle de la laïcité, donc de la République, donc de la France. La « laïcité à la française » s’appuyait sur la République et son aura symbolique ; or celle-ci s’est trouvée ruinée depuis, tant par les communautarismes d’en bas que par les mauvais exemples venus d’en haut – « sans même parler de la vie privée… ». La seule question qui reste, selon l’ami Jean-François, c’est : « Qu’est-ce encore qu’être un citoyen français ? » De fait, qu’est-ce qui pourrait bien relier encore entre eux un agglomérat de gens sans foi ni loi communes…?
Au pire, estime Colosimo, même l’espèce de post-laïcité communautarisée qu’on semble nous préparer ne saurait se constituer au détriment des catholiques, qui ont déjà payé le plus lourd tribut à la laïcité. Comme il dit mieux que moi : « On ne peut pas refaire le match de mille ans d’Histoire ».
[Publié dans Valeurs Actuelles]