Ce que j’aime chez Franz-Olivier Giesbert, c’est son espèce de je-m ‘en-fichisme gentiment narquois de mec revenu de tout.
Il faut dire qu’il a tout fait, et sans doute tout vu, en matière de journalisme politique. Patron de presse sans frontières (du Nouvel Obs au Point en passant par le Figaro et le Fig Mag), il fut aussi le biographe assassin de Mitterrand et de Chirac, entre autres.
Parallèlement, Giesbert anime sans interruption depuis dix ans sur toutes les chaînes du service public, des talk-shows d’actualité dont seuls le titre et l’habillage changent : Culture & Dépendances, Chez FOG, Vous aurez le dernier mot… Le mois passé il nous présentait son petit dernier : Semaine critique ! (avec un générique tout neuf et des lumières bleu-vert).
A force, lui-même finit par s’y tromper… Après l’attribution du Nobel de littérature à Mario Vargas llosa, il lui rendait hommage en ces termes : « Un grand Monsieur, qu’on a souvent reçu dans cette émission ! » Vraiment ? Et combien de fois, en quatre numéros ?
J’ai l’air de badiner, mais en fait c’est FOG qui a raison : une émission comme les siennes repose moins sur je ne sais quel concept que sur la personnalité de son animateur et le choix de ses plateaux.
A titre d’exemple, l’édition de l’avant-dernière semaine (vendredi 8 octobre, France 2, 3h) avait pour invité d’honneur François Hollande. Eh bien ma foi on lui a trouvé bonne mine, aminci, toujours jovial. Mais à part ça, il n’avait pas grand-chose à dire. Ah si, il est d’accord pour être candidat en 2012 ! Même qu’en 2007 déjà il aurait pu, mais il n’était « pas prêt ».
Là en revanche, tout est bétonné : la preuve, il publie ces jours-ci une sorte d’adresse aux Français. J’ai oublié le titre, mais l’idée, c’est facile : malgré la mondialisation, le « rêve français » de progrès peut encore « s’inscrire dans l’Histoire » sur la base des « valeurs républicaines » (de progrès aussi).
Comme le fera remarquer Elisabeth Lévy au gentil François : « Votre problème, c’est peut-être qu’on ne peut s’opposer à rien de ce que vous dites ! »
Bref, les caricaturistes qui le représentent en Flanby ou en ravi de la crèche ont encore de beaux jours devant eux. Mais à ce qu’on dit, cet homme public est infiniment meilleur en privé…
Changement de décor chez FOG, vendredi dernier avec Max Gallo, dont le parcours intellectuel est nettement plus vallonné. Communiste, puis socialiste, puis sarkozyste, puis plus rien, Max a été successivement biographe de Robespierre, Jaurès, Napoléon, De Gaulle, et Louis XVI. Comme dirait la chanson, « Je ne voudrais pas refaire le chemin à l’envers… »
Voilà même qu’aujourd’hui notre homme se penche sur Jésus – et pas comme un vulgaire Renan. Jésus, l’homme qui était Dieu : dès le titre, Gallo s’affirme comme un croyant. Au-delà de la « foi du charbonnier » qu’il invoque modestement, son adhésion se fonde aussi sur la réflexion – comme il est recommandé depuis la controverse de Ratisbonne. Le christianisme, « construction intellectuelle et historique inégalée », reste chez nous « le ciment de l’unité nationale».
Aussitôt, un perroquet nommé Vincent Cespédès et surnommé par Giesbert « jeune philosophe », se dresse pour répéter ce qu’il a entendu partout : euh, identité natioanle, racines chrétiennes, attention danger ! T’as raison Vincent : on est tellement mieux pour philosopher sans racines ni identité.
Dans le silence des espaces infinis, au moins tu t’entendras…
Paru dans Valeurs Actuelles, le 21 octobre 2010.