Connaissant un peu les deux bonshommes, je me faisais une joie d’assister, l’autre samedi chez Laurent Ruquier, à la confrontation entre Éric Zemmour et Georges-Marc Benamou, invité pour son livre sur les Rebelles de l’an 40 (On n’est pas couché, France 2, 22h55).
Hélas ! L’affaire va tourner court assez rapidement. Les premiers Français libres étaient pour la plupart des gens d’“extrême droite”, rappelle Zemmour, avant de demander à Benamou pourquoi il nie dans sa préface ce qui ressort de ses interviews : « Avez-vous lu votre livre ? »
Mais voilà que l’intéressé, au lieu de répondre à cette petite pique somme toute sans gravité, se lance dans une diatribe d’une incroyable violence contre ce Zemmour qui, siégeant « à la droite du maréchal Pétain », n’est rien qu’un « petit fasciste », voire, pendant qu’on y est, « un descendant de SA ».
Pourquoi cette saillie ? À l’évidence il s’agit là, de la part de Georges-Marc, d’un faux dérapage prémédité pour faire le buzz en posant au champion de l’antizemmourisme – même si le créneau commence à être encombré… Accessoirement, ça lui évite d’avoir à trop s’expliquer sur le sujet de son bouquin, auquel il n’entend rien : que peut comprendre un opportuniste aussi chimiquement pur à l’élan désintéressé des premiers Français libres ? À l’âge où certains d’entre eux avaient déjà donné leur vie pour leur patrie, lui cherchait encore où s’engager utilement (pour sa carrière). Ce n’est qu’à l’approche de la trentaine, après la victoire de la gauche,que Georges-Marc se décide : lui aussi, il sera de gauche!
Dès lors, et pendant plus de dix ans, GMB va être de tous les bons coups : SOS Racisme, la revue Globe, l’antichambre de l’Élysée… Il finira même par gagner la confiance de Mitterrand vieillissant – avant de le trahir au lendemain de sa mort, avec un bouquin jugé indécent par les proches du défunt président. Mais qu’importe! Déjà le vent de l’Histoire a emporté notre héros plus loin.
Dès 1994, il s’est rapproché en crabe de Sarkozy et, à travers lui, de Balladur, que tout le monde donne alors gagnant. Patatras ! Ce sera Chirac, et pas mal de temps perdu dans son cursus honorum… En mai 2007 enfin, l’Histoire frappe de nouveau à la porte de Georges-Marc: Sarko le nomme conseiller pour la culture et la communication. Hélas ! Il ne tiendra pas un an : à force de faire n’importe quoi et d’horripiler tout le monde, il est viré à la faveur du premier remaniement venu… Même son lot de consolation lui échappe :“annoncé”par lui-même à la villa Médicis, sa candidature suscite aussitôt une pétition indignée d’artistes et d’intellectuels.
Bref le voilà mal pris, l’ami Benamou. Grillé à gauche et à droite, ce courtisan n’a plus de cour où exercer ses talents. Et le pire, c’est que ceux qui le connaissent ne le plaignent même pas! À un certain niveau d’incompétence arrogante, semble-t-il, on gagne à être méconnu…
(Publié dans Valeurs Actuelles/Télésubjectif, le 10 juin 2010)