Chrétiens, crétins : faux amis !
Si je n’étais pas croyant – ce qu’à Dieu ne plaise ! – je ne serais sans doute pas pour autant progressiste (y a des limites) ; mais à tout le moins cynique ou un peu je-m’en-foutiste. Je me préfère encore en être faible, fragile ou superstitieux, tout ce que vous voudrez…
Comme chacun sait, depuis la mort de Dieu – annoncée successivement par Nietzsche et le Père Ubu – le christianisme est devenu dans la vulgate en vogue une “religion d’esclaves”, taillée sur mesures pour les débiles comme moi, infoutus d’affronter virilement, face à face et mâchoires serrées, le Grand Rien qu’on nous propose désormais comme but de promenade …
Il faut vraiment n’y rien comprendre, ni même connaître, pour proférer à l’encontre de la religion chrétienne de telles crétineries (accessoirement blasphématoires, ce qui n’est pas très cool.) Quand on ne sait pas, on ne dit pas… Moi par exemple, personne ne m’a jamais surpris en train de commenter l’équation E=MC21
Ce qui ne laisse pas de m’épater, c’est le nombre de penseurs et assimilés qui n’ont participé à l’assassinat de Dieu qu’en s’imaginant prendre Sa place, en toute simplicité. Tel est le sens du glissement de la religion (asservissement) à la pensée libre (libre-pensée) : fini le “peuple de Dieu” dont nous parle la Bible ; vive le “peuple de dieux” selon Jean-Jacques Rousseau. Exactement le genre de Lumières qui empêche tout le monde d’y voir clair !
Contrairement à ce qu’on me rabâche sur tous les tons, ma religion à moi que j’ai ne repose nullement sur cette balançoire de la “culpabilité” judéo-chrétienne, dont il faudrait à tout prix sortir pour redécouvrir une introuvable “innocence” païenne ; pas non plus sur la prétendue “facilité” qu’elle donnerait de n’avoir point à penser par soi-même. Elle est fondée exclusivement sur l’amour (j’ai pas dit la partouze).
A en croire le président Jésus, les Dix commandements n’en sont que deux qui n’en font qu’un : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même.” Bonne Nouvelle ? Sans doute, mais qui n’en est pas moins difficile à mettre en pratique. Il faut d’abord s’aimer soi-même, ce dont nombre d’égotistes patentés ne sont même pas capables ; et puis il faut savoir tempérer cette ardeur, pour ne pas écraser ses “prochains” sous le poids de l’amour de soi. Alors seulement on peut tenter l’impossible, le surhumain, le divin : se mettre à la place des autres tout en restant à la sienne…
Mais sans doute prêché-je dans le désert, comme d’autres très grands avant moi. C’est qu’avec les rationalistes on peut pas lutter, comme je dis volontiers !
“Le fou, c’est celui qui a tout perdu sauf la raison !”, disait Chesterton. Eh bien, cette géniale boutade métaphysique est si contraire à l’esprit du siècle2 qu’elle est universellement comprise de traviole. Là où le père du Père Brown nous met en garde contre l’absolutisation de la Raison, voie royale vers l’aliénation mentale, tout le monde comprend l’exact inverse : un de ces banals “éloges de la folie” devenus si tendance depuis Erasme et Michel Foucault…
Mais on ne va pas s’empailler pour si peu ! Au cas où vous feriez un blocage sur Chesterton, je vous propose de rester bons amis en concluant sur un mot de Francesco Arrabal. A un Martien qui l’interrogeait un jour sur sa profession, il a répondu : “Piéton !” Comme quoi Arrabal n’est pas fou3.
L En revanche j’ai un avis sur MC5. ↩