Les Stones, c’était mieux à l’âge de pierre.


Vous je ne sais pas, mais pour moi les Rolling Stones, c’est toute ma jeunesse – enfin bon, disons une partie. Une partie d’ailleurs interrompue prématurément, puisque, à mes oreilles, les Stones ont cessé d’être les Stones après Sticky Fingers (1971).

Or c’est précisément là que les saisit Stones in Exile, le film diffusé l’autre jeudi sur France 5 – et présenté en avant-première à Cannes le mois dernier. Le genre de truc à voir quand on a toujours détesté ces gens-là et qu’on veut comprendre enfin pourquoi.

Pour un ex-fan comme moi, en revanche, quelle misère ! En 1971 déjà, les Stones ne sont plus un groupe. Plus rien à prouver ni à se prouver, et plus grand-chose qui les amuse en­core… Barbouillés à vie, comme des enfants qui auraient vidé la boîte de chocolats au petit déjeuner.

Chacun sa vie ; ils ne se retrouvent, avec plus ou moins d’enthousiasme, que pour les concerts et les enregistrements. En l’occurrence, France 5 nous montre celui d’un nouvel album dans une villa de la Côte d’Azur où les rockers sont réfugiés pour des raisons fiscales.

“Sexe, drogue et rock’n roll” sem blent encore être à l’ordre du jour – mais plus par habitude que par conviction. L’ennui, c’est que ce blasement s’entend nettement sur l’album qui sortira de cette session (Exile on Main St.). C’était il y a trente-neuf ans, et la flamme qui avait animé les Stones de l’âge de pierre s’était déjà éteinte.

Depuis lors, la machine Stones n’a plus rien fabriqué d’intéressant ; et pourtant, elle tourne ! Que dis-je ? Elle n’a jamais aussi bien tourné que de puis qu’elle tourne à vide. Jamais ces gars-là n’ont gagné autant d’argent que depuis qu’ils ne produisent plus rien.

Ils ne produisent plus, mais ils se produisent ! Tous les trois ou quatre ans, la bande originelle, ou ses survivants, fait mine de se reformer, le temps d’une mégatournée hypragéante de dix-huit mois. Et ça marche du feu de Dieu ! Sur tous les continents, les Rolling Clones remplissent des stades de 80 000 personnes, qui les voient sur des écrans géants et leur réclament les tubes surgelés des sixties.

En gros, ces vautours-là ne répugnent pas à se nourrir de leur propre charogne. Et alors ? Au nom de quoi les Stones n’auraient-ils pas le droit de toucher leur retraite de pères fondateurs du rock’n roll ?

Est-ce leur faute à eux s’ils ont survécu à leur “génie” ? Comme disait Hilaire Belloc (à propos d’autre chose, je vous le concède !), l’auteur d’un chef-d’œuvre « n’est pas simplement un homme, mais un homme inspiré ». Et combien d’artistes n’ont connu l’inspiration que par intermittence, ou pendant quelques années ?

Vous me direz : « Je ne vois toujours pas le rapport avec les Rolling Stones ! » Et je vous répondrai du tac au tac : « Moi, ça me fait la même chose avec
le jazz ! »

(Publié dans Valeurs Actuelles/Télésubjectif, le 24 juin 2010)


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