Vu pour vous sur Ciné + Classic : Clint Eastwood, le franc-tireur, un long et passionnant entretien dont le titre ne ment pas. Ici, l’ex-Dirty Harry pose les armes : comme dirait Audiard, « il flingue plus, il cause ».

« Aujourd’hui, je fais ce qui me plaît, comme il me plaît ; mais il m’a fallu du temps pour en arriver là. » Tout Eastwood tient dans cette phrase : dès ses débuts au cinéma en 1955, ce type-là savait où il voulait en venir, et il s’y est tenu. C’est même le seul conseil qu’il ait à donner aujourd’hui : « Il faut suivre son idée, tant qu’on en a… »

Dans sa carrière, 1971 est une date charnière : avec l’Inspecteur Harry, Clint devient du jour au lendemain superstar dans la peau d’un flic impitoyable. Mais la même année, il est aussi un obscur DJ de radio locale dans son premier film en tant que réalisateur, Un frisson dans la nuit. Ainsi va Eastwood, avec une stratégie simple mais originale : devenir “bankable” pour rester indépendant. Vingt ans durant, il alterne blockbusters et oeuvres plus personnelles, jusqu’à réussir à marier les deux. À partir des années 1990, ses succès répétés calment définitivement les studios ; quant aux critiques de la critique, Clint les a fait taire dès ses premiers films “déglingués”.

En France c’est la Cinémathèque qui, dès 1985, donne le signal de sa “réhabilitation” en lui consacrant une rétrospective. Libé, qui donne alors le “la”, se charge aussitôt de répandre la Bonne Nouvelle : ce faux réac est un vrai gentil ! Sous l’étoile du shérif implacable bat un coeur tendre qu’il est temps de “revisiter”, coin-coin!

La vérité est plus simple : si Eastwood se bonifie avec l’âge, ce n’est pas que le “facho” soit devenu “humaniste”, c’est que le cinéaste n’a plus de comptes à rendre à personne : il fait désormais “ce qui lui plaît comme il lui plaît”.

Et ce qui lui plaît par-dessus tout, d’Un monde parfait à Gran Torino en passant par Million Dollar Baby, ce sont ces histoires nostalgiques racontant la fin tragique de leurs antihéros.

À cet égard, l’oeuvre la plus originale d’Eastwood est sans doute son diptyque consacré à la bataille d’Iwo Jima. Après Mémoires de nos pères (2006), filmé du point de vue américain, ce patriote irréprochable enchaîne l’année même avec Lettres d’Iwo Jima, qu’il revendique non sans fierté comme un film “100 % japonais”.

En donnant à voir successivement l’héroïsme et les affres de deux jeunesses sacrifiées sans savoir pourquoi, notre “maître de guerre” fait plus pour la cause de la paix que tous ces glands pacifistes qui tombent dès qu’un coup de vent secoue leurs chênes.

Article paru dans Valeurs Actuelles, le 31 octobre 2012.

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