Au Conseil des ministres, la règle d’or est de ne pas discuter. C’est sans doute pour ça que les membres de l’équipe Ayrault s’insultent par médias interposés…
Sous le titre un rien moqueur Le fauteuil du Roi, France 5 diffusait l’autre dimanche le premier des trois volets de la série Dans le secret du Conseil des ministres.
D’emblée, nous emboîtons le pas des ministres arrivant, les uns après les autres, dans la cour de l’Élysée. L’ambiance y est un peu stressée, comme le raconte Cécile Duflot avec ses mots à elle : « Il y a surtout une chose marrante, c’est que ceux qui ont déjà été ministres font un peu les habitués, quoi, voilà… Y’a vraiment le côté les 6ème et les 3ème, quoi, voilà… » Mais sans doute est-ce pour mieux appuyer sa comparaison qu’elle s’exprime comme dans la cour d’un collège.
Toujours comme à l’école, la ponctualité est de règle.- sauf que là, on ne plaisante pas… Ainsi en 1995 le malheureux Jacques Toubon, arrivé en retard, restera à la porte pendant toute la réunion.
Mais suivons plutôt les bons élèves dans le salon Murat, où se déroule le Conseil. À l’aide de pions empruntés à un jeu de l’oie, le réalisateur nous décrit le plan de table, qui respecte un protocole des plus stricts : les ministres les plus importants (Intérieur, Justice, Affaires Étrangères, Économie) siègent aux côtés du président et du premier ministre, qui se font face.
Taquins toujours, les auteurs observent que la gauche n’a en rien révolutionné l’étiquette en vigueur. Mais quoi d’étonnant si, dès 1981, François Mitterrand s’est si bien adapté à la solennité quasi monarchique des institutions de la Vème ? Après tout, il en était un des meilleurs connaisseurs depuis sa monographie de référence, Le coup d’État permanent.
Après les préliminaires d’usage, la réunion se déroule selon un rituel immuable. Sous la houlette du Président, l’ordre du jour suit un plan en trois parties : adoption des projets de loi et des décrets ; nomination des hauts fonctionnaires et décorations ; enfin, communications des ministres sur leurs actions et projets en cours. Mais pas question pour eux de s’interpeller les uns les autres façon discussion de comptoir, voire congrès du PS. « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne », comme disait Chevènement après une de ses démissions.
Sous Nicolas Sarkozy toutefois, l’étau s’était un peu desserré. Ainsi Fadela Amara osa-t-elle un jour le verlan pour inciter ses collègues à « y aller à donf » ; l’un d’entre eux lui demanda même sans rire , paraît-il, où se trouvait cette localité.
Plutôt guindée en temps ordinaire, l’ambiance devient carrément lourde en période de cohabitation, où les Conseils sont systématiquement écourtés. Les premiers ministres concernés préfèrent alors réunir à Matignon un « Conseil des Ministres bis ».
Hélas pour lui, Ayrault n’a pas cette ressource… Chargé par le Président de gérer au jour le jour la difficile cohabitation Valls – Taubira – Duflot – Montebourg (des ministres qu’il n’a même pas choisis !), il ne peut compter pour cela que sur son autorité personnelle. C’est peu, apparemment.
Article publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 24 octobre 2013