Rabbin converti au catholicisme, Jean-Marie Elie Setbon raconte ses tribulations métaphysiques avec la simplicité enthousiaste d’un enfant – de ceux que Jésus voulait « laisser venir à lui ».
Ce n’est pas tous les jours qu’un rabbin ultra-orthodoxe se convertit au catholicisme. Telle est pourtant l’étonnante aventure métaphysique vécue par Jean-Marie Elie Setbon, qu’il raconte dans De la kippa à la Croix. Un livre pour lequel l’auteur est en pleine promo… Enfin, surtout sur KTO, où on l’aura vu deux fois durant la Semaine sainte, dans les excellentes émissions de Jean-Marie Guénois et Hubert de Torcy. En attendant Ruquier ?
Né dans une famille juive, le petit Setbon ressent dès l’enfance une invincible attirance pour la Croix. Au point de se rendre en cachette tous les dimanches au Sacré-Cœur de Montmartre, choisi d’ailleurs pour des raisons plutôt prosaïques : « Je me suis dit : c’est loin, je ne me ferai pas attraper ! »
Là-bas il assiste à la messe, communie « comme tout le monde » et s’enhardit même, à dix-sept ans, jusqu’à déclarer au prêtre qui le « confesse » : « Voilà, je suis juif et je voudrais me convertir ! » La réaction sidérée de l’ecclésiastique – qui doit songer à une Caméra cachée – incite l’adolescent à se pencher d’abord sur la religion de ses ancêtres.
Comme il ne fait rien à moitié, le voilà donc parti pour Israël. Et pas en simple touriste ! Kibboutz, yeshiva, service militaire, formation rabbinique, le jeune Elie suit tout le cursus. Résultat : huit ans plus tard, lorsqu’il revient en France, c’est en tant que rabbin ultra-orthodoxe de la mouvance des Loubavitch.
Dévouement à la communauté, mariage traditionnel, sept enfants en sept ans : ce « Serious man » va vivre dès lors dans la stricte observance des principes du mouvement. Jusqu’au jour où son épouse est emportée par un cancer foudroyant. Voilà Elie veuf et père au foyer, chargé d’une famille nombreuse qu’il peine à nourrir et élever seul.
À l’été 2007, un jour qu’il a emmené ses enfants se baigner à Trouville – leurs seules vacances – voilà que ça le reprend ! Il tombe en arrêt devant le Calvaire qui surplombe la plage (celui-là même où venait prier Thérèse de l’Enfant Jésus) et son corps et son cœur s’emplissent de frissons. Tout ce christianisme d’enfant enfoui depuis longtemps refait soudain surface, aussi impérieux et inexplicable qu’aux premiers jours – et plus difficile encore à gérer : « Nous sommes quand même une famille de juifs orthodoxes… » rappelle-t-il utilement.
De retour à Paris, Elie recommence à fréquenter l’église : « J’ai choisi Saint-Augustin parce qu’il y a un super crucifix ! » explique ce quarantenaire avec un enthousiasme de gamin. Là-bas, il rencontre une Petite sœur de Bethléem qui l’adresse aussitôt à la prieure :
– « Voulez-vous venir dans notre communauté pour Noël ? lui propose-t-elle.
– Oui Madame, y a pas de problème, mais moi je mange cacher ! »
L’affaire une fois réglée, l’ami Elie se sent comme chez lui – au point de se présenter, tout naturellement, à la Sainte Table, comme il le faisait à douze ans… La prieure a beau être du genre compréhensif, elle se voit contrainte de rappeler au règlement notre prosélyte pressé: Passe ton catéchuménat d’abord !
Baptisé en 2008, Jean-Marie Elie va désormais consacrer son temps disponible à témoigner de sa foi toute neuve – et pourtant mystérieusement enracinée en lui, depuis toujours, à travers la croix du Christ. Tout ça paraît presque trop beau pour être vrai et, misérable sceptique que l’on est, on se prend à douter : cet homme-là a-t-il bien toute sa tête ? Et si oui, son histoire ne relèverait-elle pas du poisson d’avril, comme la fin des blagues Carambar ?
Mais voici que le 1er avril est passé, et décidément ça se confirme : l’ardeur de ce vrai-faux néophyte n’est pas une blague, même juive ! Elle repose sur deux solides piliers : la certitude mûrement réfléchie d’une filiation entre Ancien et Nouveau Testaments, et l’évidence de se sentir « enfant de Dieu » au sens de saint Jean.
« Vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux si vous ne redevenez pas des enfants », disait Jésus. C’est exactement ce qu’a fait notre ardent prosélyte – mais pas tout seul quand même…
Avec une inlassable insistance, le Christ n’a cessé de frapper à sa porte, à temps et à contre temps, avant d’entrer par la fenêtre ! Un tel empressement divin me rendrait presque jaloux, moi le catho redoublant – si ce n’était pas un péché.
(La version abrégée de cette chronique a été publiée dans Valeurs Actuelles, le Jeudi 11 avril 2013.)