Ce n’est pas tous les samedis que deux anars de droite sont encensés chez Ruquier…

L’autre samedi à On n’est pas couché, Jean Yanne revivait à travers Olivier de Kersauson, son ancien complice des Grosses Têtes dans les années 90. Tout ça en raison de la publication, aux éditions du Cherche-Midi, d’un recueil d’aphorismes et de répliques du premier, selectionnés et préfacés par le second.

Autant le dire d’emblée : ce recueil-là n’apprendra pas grand-chose aux amateurs des « Pensées » de Jean Yanne. En quinze ans,  la même maison d’édition en a publié une bonne demi-douzaine ; le précédent, il y a deux ans, se présentait même officiellement comme « le second  et dernier volume de l’intégrale Jean Yanne ».

Mais quand y’en a plus, y en a encore… Dans cet addendum à l’intégrale ( ?), on ne s’étonnera donc pas qu’il n’y ait guère de nouveautés – surtout que l’auteur nous a quittés il y a douze ans déjà. En revanche, le choix de Kersauson pour vendre le bébé était tout indiqué, tant les deux hommes partagent le même esprit gouailleur et le même tempérament de « bourrus bienfaisants ».

Dans son enthousiasme, Ruquier va jusqu’à qualifier son hôte de « génie, capable de fulgurances comme celles de Jean Yanne ». Un coup d’encensoir que repousse l’autre, protestant qu’il n’est qu’un modeste disciple ; sa vie à lui, rappelle-t-il, fut celle d’un homme de la mer avant de devenir, l’âge venant, un marin d’ondes douces.

N’empêche ! Pour mener à bien sa démonstration, l’animateur n’hésite pas chambouler sa propre émission en soumettant ses deux chroniqueurs à la question, sous forme de quiz sur le thème : Rendez à chacun ses saillies et pensées…

« La connerie, c’est comme le judo ; il faut utiliser la force de l’adversaire » (Yanne).

« Quand j’observe nos députés à l’Assemblée nationale, j’ai honte ! Je ne leur confierais même pas mon chien ! » (Kersauson).

« –  Votre personnage préféré dans la Bible ?

–  Charlton Heston ! » (Yanne).

« –  J’en connais qui seraient capable de tuer pour avoir le prix Nobel de la Paix » (Yanne).

« –  Je ne suis pas misogyne. C’est avec les connes que j’ai du mal » (Kersauson).

Test concluant, ma foi ! Ces deux-là font bien partie de la même famille d’esprit – comme Luchini dans son genre… Des clients qui inspirent au sieur Caron, d’ordinaire si prompt à bondir sur ses proies, une sainte prudence. En s’attaquant à de tels bestiaux, il le flaire bien, notre loup végétarien risquerait fort de finir déchiqueté. Plutôt attendre le prochain passage de Véronique Genest…

De fait, c’est Léa Salamé qui monte bravement à l’assaut :

« –  Il y a dans ce livre quelque chose de l’esprit français, voire franchouillard…

–  Ah non, pas franchouillard ! coupe Kersauson.

–  Mais pour moi « franchouillard » c’est pas « vulgaire », se défend Léa.

–  Ah ouais ? Et nager, c’est pas être dans l’eau ? » réplique l’autre sèchement, si l’on ose dire.

 La vaillante chroniqueuse n’aura guère plus de chance avec sa deuxième sortie : elle reproche à Jean Yanne « sa tendance à la paresse – alors qu’il aurait pu faire beaucoup plus… »

–  « Mais c’est parce qu’il est paresseux qu’il est charmant ! », s’exclame Olivier – et l’on note au passage qu’il parle toujours de son ami Jean au présent…

Nul ne songe en revanche à contredire Mlle Salamé lorsqu’elle conclut  en évoquant avec nostalgie, à travers Jean Yanne, « une époque où on pouvait assumer d’être un anar de droite. » Ma paye contre la vôtre qu’en l’absence de Kersauson, Caron n’aurait pas manqué de protester qu’un anar de droite est, par définition, à moitié suspect…

Là, il ne moufte pas.

Quant à moi, je jubile : un hommage à l’anarchisme de droite sur le plateau d’On n’est pas couché, c’est pas tous les samedis non plus ! En outre, contrairement à cette pessimiste de Léa Salamé, je ne crois pas du tout que l’esprit anar de droite soit mort – pour la bonne raison qu’il est consubstantiel à l’esprit tout court.

 

[Publié dans Valeurs Actuelles]

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