Les élections sont lancées. Alors, autant suggérer aux candidats futurs d’avancer des idées, plutôt que de rivaliser en tenues de plage plus ou moins seyantes par magazines interposés…

Qu’avons-nous à leur suggérer pour l’Ecole ?
D’abord, qu’ils en parlent. Quand l’ex-futur-ex-candidat Jospin sortit l’année dernière un livre intitulé « Le monde comme je le vois », cet ancien ministre de l’Education ne consacra pas une ligne à l’Ecole. C’était faire preuve de trop d’humilité…
Ensuite, qu’ils prennent la mesure de la catastrophe. Une génération entière, depuis le milieu des années 80, a été sacrifiée sur l’autel des « 80% d’une classe d’âge au Bac » — le même autel où l’on jette en même temps ces 50% d’étudiants qui échouent en première année, toutes options confondues, parce que pour la première fois on les soumet (un peu) à la vérité des prix. Sans parler de ceux qui n’ont pas même un Bac généreusement distribué par des correcteurs blasés ou obéissants — quelle estime d’eux-mêmes ont ces mômes laissés-pour-compte d’un système d’enseignement qui les a flattés dans le sens du poil avant de les larguer en rase campagne ? Il faut fabriquer un système scolaire qui permette à chacun d’aller au plus haut de ses capacités — qu’elles consistent à faire des études supérieures abstraites ou à se spécialiser dans un métier manuel.
Enfin, qu’ils fassent des propositions.
Et s’ils manquent d’idées, ce blog doit être, à mon sens, le laboratoire de l’école de demain.

Je souhaite que tous ceux qui viennent ici, régulièrement ou par hasard, fassent des propositions concrètes — de la Maternelle à l’Université, et peut-être au-delà, car nous sommes entrés dans une ère d’école permanente, comme d’aucuns parlaient autrefois de révolution permanente. Nous irons désormais à l’école tout au long de notre vie. C’est déjà vrai, en principe, pour les enseignants, depuis toujours, puisqu’on ne saurait être un passeur de connaissances sans renouveler, sans cesse, son Savoir. Ce sera vrai désormais pour toutes les catégories professionnelles : nous devons dire à nos élèves qu’ils n’en ont pas fini avec l’école en sortant du lycée ou de la Fac, qu’ils n’en ont pas fini avec la culture — et c’est justement ce goût pour le travail sans fin, pour la remise en cause de chaque jour, que nous devons insuffler dans les classes.
En un mot, le goût de l’effort. Et un sentiment d’incertitude : heureux mes élèves si j’ai réussi à leur faire passer un doute…

Cela suppose, déjà, une refonte complète de la formation des maîtres. Quand j’appelle à un recentrage sur les Savoirs, cela implique aussi une remise en cause permanente de ces savoirs.
Mais on ne peut se remettre en cause si l’on ne sait rien.
Et, par définition, un recentrage sur des fondamentaux — à définir. Bien sûr, il faut Savoir Lire / Ecrire / Calculer / Compter (en abrégé : SLECC…). Mais je prêche depuis toujours pour une connaissance approfondie d’une Histoire enseignée chronologiquement, pour une base artistique / musicale de bonne qualité — nous en sommes loin —, et pour un épanouissement physique qui consiste à nouveau à favoriser la performance — contre soi, parce que le sport est dépassement de soi, et non compétition.
Bref, pour l’enseignement d’une culture.
Et pas forcément de cultures plurielles — une ambition démesurée, et, quand on y pense, une expression vide de sens, qui n’a pour effet que de favoriser le n’importe quoi / n’importe comment. L’école doit être le moteur d’une nouvelle intégration. La « citoyenneté » dont les Pédagogues nous ont rebattu les oreilles depuis quinze ans, et dont les fruits les plus évidents, et les plus étranges, sont la ghettoïsation des quartiers difficiles, les émeutes et la montée des barbaries nouvelles, ne se trouve, au fond, que dans l’apprentissage de la tradition républicaine. On doit pouvoir dire cela sans être, forcément, identifié comme un chevènementiste ou un lepéniste…

Cela ne va pas sans choix économiques drastiques. Le budget de l’Education est important. Mais peut-être est-il mal distribué ? Ne pourrait-on pas transfuser ici des sommes inutilement dispensées là ? Qu’un étudiant d’IUFM coûte près de six fois plus qu’un étudiant « standard » est sans doute excessif — surtout si l’on prend en compte le rapport qualité / prix…
Les enseignants français sont les plus mal payés du monde occidental, Italie exceptée. Le salaire n’est toutefois que l’un des facteurs qui entrent en compte dans l’évaluation d’un métier. Il faut songer à rendre cette fonction à nouveau attractive : dans deux ou trois ans arrivera au collège la génération du boom de l’an 2000, et nous aurons besoin d’enseignants là où actuellement on supprime des postes au nom des « classes creuses », au moment même où les 400 000 survivants de baby-boom prendront leur retraite. Si nous ne voulons pas connaître dans tous les secteurs de l’enseignement la type de catastrophe qui engloutit actuellement le corps médical, il faut inciter sérieusement les jeunes à aller vers l’enseignement — par choix, et non, comme aujourd’hui, par défaut. Et pour cela, redonner ua métier une vraie noblesse.
Il faut lever un nouveau corps de « hussards ».

Ces quelques éléments ne sont que des lanceurs d’idées. À vous désormais d’offrir le meilleur de vous-même — vos suggestions et vos critiques.

Jean-Paul Brighelli