« Peccavi, pater optime ! » dit-il d’un air contrit à Olivier Véran. Ce début eut un grand succès. Les gens adroits parmi les politiques virent qu’ils avaient affaire à un homme qui n’en était pas aux éléments du métier… » Voilà ce que Stendhal aurait écrit s’il avait sous-titré le Rouge et le Noir « Chronique de 2020 ».
Car il s’agit bien de faire acte de contrition. De nous repentir de nos fautes. D’accepter notre pénitence.
L’interdiction des parcs et jardins, la fermeture des espaces verts, la surveillance par drones des sommets pyrénéens et des causses du Larzac, les plages du Languedoc ou des Landes interdites, le massif de Marseilleveyre interdit aux excursionnistes marseillais, les pôvres, et des dizaines de millions d’euros d’amendes récoltés par les apôtres zélés du Pouvoir Médical n’avaient aucune utilité pratique, si tant est que le confinement en ait eu un. Mais il avait un sens moral. Nous avions fauté, nous étions suspectés de pécher encore — en actions, et grâce à la loi Avia, l’un des multiples à-côté du coronavirus, en paroles également.
Qu’aurait donné l’épidémie de SIDA si au lieu de se répandre dans les années 1980, elle avait éclaté en cette année 2020, où tant de gens pètent de trouille ? Aiguillonnés par des ministres imposant à la foule docile un nouveau code de conduite, aurions-nous béni les « sidatoriums » proposés par J.M. Le Pen pour circonscrire le « cancer gay » ? Qu’auraient fait les enseignants devant des élèves fraîchement transfusés, des étudiants sodomites ou des héroïnomanes en liberté ? Si la mortalité du Covid-19 est de 0,3% en moyenne, celle du SIDA en ces années d’avant l’AZT était de 100%.
Or, que fit-on alors ? On diffusa des spots publicitaires conseillant de « sortir couvert » (et encore, pas pendant les fêtes de Noël), , et c’est tout. Les back-rooms des boîtes du Marais restèrent ouvertes. Benetton en fit une pub. Pour inquiets que nous fussions à force de voir nos amis mourir, nous persistâmes à vivre et à aimer. Et sans confesser nos fautes, ni nous flageller en public, prêcheurs d’amour libre que nous étions…
Il a suffi aujourd’hui qu’un quarteron de scientifiques à compétences floues hausse le ton pour que la France ait peur. L’épidémie recule sur tous les fronts, mais des voix s’élèvent pour que les films ne célèbrent plus le rapprochement des corps, exaltent les gestes-barrières et les masques FFP2. Enfoncé, le Code Hays qui interdisait de 1930 à 1965 de montrer des époux dans la même lit sans que l’un de leurs pieds touche le sol — et tout habillés, encore. Ridiculisée, la chasse aux sorcières, où McCarthy fit trembler l’Amérique avec la peur du blob rouge géant qui allait engloutir tous les enfants de Coca-Cola et du beurre de cacahouète.
Un virus à couronne, appartenant à une vaste famille identifiée depuis des décennies et qui a déjà fait parler d’elle sans causer d’effroi particulier, a déstabilisé la France, et bon nombre de pays ordinairement peu réceptifs aux psychoses collectives.
Trop de bien-être. Trop de laisser-aller. Trop de couples enlacés, de mains tendues, et d’éternuements dans le soleil matinal. Trop peu de discipline. Un totalitarisme à prétexte scientifique s’instaure, instille une crainte massive, légitime toutes les exactions gouvernementales et patronales. Via le télé-travail institutionnalisé grâce au virus, vous bosserez 48 heures par semaine. Vous accepterez des réductions de salaire, comme British Airways qui a coronaviré ses pilotes, puis les a réembauchés avec 50% de baisse, après un sermon édifiant d’Alex Cruz, son PDG. Vos vacances, grignotées. Vos enfants, abêtis des pieds à la tête. Et vous, ubérisés jusqu’au trognon.
« Tu ferais mieux de gagner le pardon du gouvernement par ton repentir », dit encore Olivier Véran. Et le Français moyen qu’il sermonne ainsi de répliquer : « Ah ! Je me repens, Seigneur, si vous saviez comme je me repens, et ma fille aussi se repent, et mon gendre sacrifie une vache tous les ans, et mon petit-fils, qui va sur ses sept ans, nous l’avons élevé dans la repentance… » — enfin, c’est à peu près ce qu’ils diraient, pour peu qu’ils aient des lettres, et qu’ils aient lu les Mouches, où Sartre analyse (fort bien) le mécanisme de la culpabilité collective.
C’est dit : je vais de ce pas à la plage, et je dénoncerai aux brigades de la Vertu les parents inconscients qui s’étendent mollement sur leurs serviettes en attendant que leurs bambins aient construit leurs châteaux de sable : tous debout, tous en mouvement, tous « dynamiques ». Dans nombre de camps disciplinaires les détenus devaient marcher, marcher encore. Eh bien, nous y revoilà — et avec enthousiasme.
Jean-Paul Brighelli
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