Ci-dessous le discours de clôture de Vincent Peillon.

C’est un discours presque purement politique — mais l’Ecole, présente et future, c’est aussi de la politique.

Je ne vais pas tout reprendre. Pour les autres, voir le site du Rassemblement, http://www.le-rassemblement.fr/

Cher(e)s ami(e)s, cher(e) camarades, mesdames, messieurs

Comme je le craignais, cette journée a été trop courte. Je le craignais, et en même temps je m’en réjouis. C’est, à tout prendre, plutôt bon signe. Signe que nous avons des choses à nous dire, des idées à échanger, et même des propositions à faire; et aussi signe que nous avons plaisir à être ensembles. Par les temps qui courent, ce n’est pas rien. C’est pourquoi, et c’est une bonne nouvelle, nos débats vont se poursuivre. Ils vont même s’amplifier. Ils vont même se démultiplier. Et d’autres journées vont se tenir qui nous permettront de nous retrouver et d’avancer sur ce chemin original que nous avons décidé d’inventer ensemble pas après pas, et où nous sommes attendus, croyez le bien , par beaucoup de nos compatriotes.

Permettez-moi, pour commencer, de remercier très chaleureusement, notre hôte, mon ami François Rebsamen, et l’équipe qui l’entoure, en particulier Thierry Coursin, de nous avoir accueilli, et bien accueilli, dans leur belle ville. Il y a un peu plus de vingt ans maintenant, j’étais professeur à l’école normale mixte de la Nièvre, où j’enseignais la philosophie, la pédagogie, la psychologie, où je m’occupais de l’école maternelle et de l’enfance en difficulté. A cette époque déjà, à Dijon, un socialiste menait le combat dans l’opposition, et rares étaient ceux qui pensaient que sa cause, la notre, n’était pas désespérée. C’est pourquoi d’ailleurs, tu me permettra, cher François, d’être un peu intéressé, je suis vigilant à ce que tu sois de toutes nos entreprises. Je te considère comme un véritable porte bonheur. Dijon n’a pas été reçu en héritage par François Rebsamen, elle n’a pas non plus été conquise par effraction, dérobée, mais beaucoup désirée, progressivement séduite et finalement bien méritée. C’est assez républicain, et ça ne m’étonne pas de toi. Merci à l’équipe, Yves, Benjamin, Maud, Philippe Guibert, JF, et à notre ami Marc Mancel. Merci à Jean Paul Delahaye et Daniel Assouline de leurs conseils éclairés.

De quoi s’agissait-il pour nous en organisant ce rassemblement et en choisissant d’y réfléchir sur l’école? Après Marseille, il nous fallait relever un triple défi, répondre à une triple exigence:

D’abord l’exigence de poursuivre ce que nous avions entrepris. Cela peut paraître simple, et de bon sens. Sachez pourtant que beaucoup de bonnes ou de mauvaises fées, je ne sais comment dire, ne partageaient pas ce point de vue, et que beaucoup de personnes, éminentes parfois, puissantes souvent, respectables toujours m’ont fait valoir beaucoup de raisons pour que Marseille s’arrête ….à Marseille.

Je refuse la politique des coups médiatiques. Il y en a qui s’en satisfont. Grand bien leur fasse. Pour ce qui me concerne, je crois, tout au contraire, à la durée, au travail et à la persévérance. Ce dont la France a besoin ce n’est pas d’une photo, c’est d’un projet porté par une majorité de progrès. Notre rassemblement est une intuition sans doute, comme je l’ai entendu, il porte une vision, mais c’est aussi, un peu, une réflexion, on l’a vu aujourd’hui, et c’est aussi, à nul doute, une expérience inédite.

Pas de politique progressiste sans durée. Et c’est un des enjeux politiques majeurs des temps qui viennent. Pourquoi? Parce que nous ne sommes ni des dieux ni des révolutionnaires et qu’il nous faut du temps, pour penser, pour débattre, pour agir. Pas de politique progressiste sans travail. Si nous voulons gagner en 2012, et tous ceux qui sont là le veulent, il n’est pas trop tôt pour commencer à travailler ensemble

C’était vrai il y a deux siècles. Ceux qui ont construit des régulations démocratiques et sociales dans le cadre de la nation l’ont fait en sachant qu’ils se battaient dans un horizon temporel qui n’était pas celui de leur existence propre, ni même celui de leur génération; idem pour ceux qui ont voulu l’Europe. C’est encore vrai aujourd’hui où la tâche qui nous attend est de construire ces régulations, économiques, écologiques, sociales, démocratiques dans un monde multipolaire. Nicolas Sarkozy, qui a vendu la part molle de nos cerveaux à ses amis du béton médiatique et du papier armé, a besoin d’une politique sans mémoire, où un événement chasse l’autre, où un jour on peut faire l’apologie de l’ultra-libéralisme et le lendemain celui de l’Etat, où l’on engage chacun à la seule poursuite de son intérêt particulier.

Cette affaire n’est pas nouvelle.

Nous, nous devons nous adresser à l’intelligence de nos concitoyens et agir dans la durée. Nous devons réintroduire le sens de l’intérêt général, et celui du temps, dans la vie politique.

Marseille n’était donc pas qu’une jolie photo.

Construire, aujourd’hui, où tant d’énergies se consacrent à entasser des ruines sur des ruines, n’est pas le plus aisé. Mais c’est ce que nous avons décidé de faire. C’est une tâche historique et une tâche exaltante, qui dépasse toutes nos personnes et toutes nos ambitions individuelles. Pourquoi?

La gauche de demain ne sera pas celle d’hier. Comment pourrait-elle l’être, alors que des mutations profondes ont lieu dans la vie politique française, comme elles ont lieu dans la société française et bien entendu en Europe dans le monde.

Mutations profondes dans la vie politique française?

J’en vois au moins quatre, qui sont peu contestables, mais dont il faudra bien tirer les conséquences.

La première, c’est l’effondrement du Parti communiste, mais c’est aussi son évolution.

La seconde, c’est l’installation dans le paysage idéologique de la gauche, et peut-être même plus largement, de la préoccupation écologique.

La troisième c’est l’évolution du centre, qui a toujours été à droite, et qui maintenant, comme c’est le cas dans d’autres pays, se situe dans l’opposition à la droite et cherche donc à travailler avec la gauche républicaine, démocratique et réformiste française.

La quatrième, c’est l’émergence d’une nouvelle droite qui vampirise le Front national.

Il faut bien en tirer les conséquences. C’est ce que nous faisons et, à ce stade, nous sommes les seuls à le faire.

Il ne s’agit pas de faire du bouche à bouche à la gauche d’hier, voire d’avant-hier et de jadis. Il s’agit d’inventer la gauche de demain: sociale, démocratique, écologiste, une gauche capable de s’ouvrir, une gauche qui veut pouvoir gouverner à nouveau et gouverner dans la durée, et qui propose un autre chemin, pour notre pays, pour notre patrie, pour la France, que celui qui est proposé par ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.

C’est une tâche historique.

On ne peut éternellement répéter ce qui a été, et courir après des fantômes, et porter des deuils, et vivre de commémorations, et circuler parmi les spectres, demi-vivants et demi-morts.

On ne peut faire croire que l’on fait des grandes avancées lorsqu’on rature de petits textes, ni que l’on incarne la tradition lorsqu’on ne sait même pas en épeler les noms propres ni en deviner le courage.

La vraie fidélité aux fondateurs, c’est d’être capables de faire droit en notre temps, comme ils l’ont fait dans le leur, à ce qui advient, à ce qui demande à naître, à ce qui est neuf. La tradition, ce n’est pas l’histoire antiquaire, ce n’est pas l’hypocrisie du souvenir et la forme froide de la répétition, c’est l’audace des commencements, c’est ce qui nous crée «le devoir de recommencer autrement».

Ce ne seront donc ni l’union de la gauche ni la gauche plurielle qui seront demain les formes nouvelles de la victoire des républicains de progrès.

L’histoire ne se répète jamais.

Ce ne sera plus l’union de la gauche, non seulement parce qu’il nous manque Robert Fabre, mais parce que le PCF ne fait plus 20%. D’ailleurs cette union n’avait pas duré au-delà de 1983.

La gauche plurielle? Son propre inventeur, Lionel Jospin, l’a jugé sévèrement. Il y a ici, dans cette salle, avec Robert Hue, avec Jean Luc Benhamias, des responsables de premier plan qui l’ont fait vivre. Non seulement nous ne pouvons nous satisfaire d’accords de partis, comme si un intérêt général pouvait résulter d’une addition d’intérêts particuliers, toujours prêts à se démembrer à nouveau, mais l’idée qu’il revient vert de s’occuper du réchauffement climatique, des énergies renouvelables, des parcs naturels, aux communistes des transports, aux citoyens de sécurité est une idée dépassée: nous voulons tous nous occuper de tout ensemble, d’un nouveau modèle de développement, de l’école, de la fiscalité, de l’aide au développement…

Or cela répond à une exigence qui nous concerne, nous, socialistes, au premier chef, dans notre histoire et dans notre identité. Comme vous le savez, comme c’est l’évidence, la gauche a peu gouverné dans l’histoire française. Et lorsqu’elle l’a fait, elle n’a jamais réussi à inscrire son action dans la durée.

Certes, avec François Mitterrand, nous avons gagné par deux fois l’élection présidentielle. Mais à chaque fois, ne l’oublions pas, même avec François Mitterrand, nous avons été battus aux élections législatives, et nous n’avons jamais pu agir deux législatures consécutives: 1986,souvenez-vous, la défaite fut sérieuse, 1993, oublions, c’est préférable, elle fut violente et tragique.

Jospin, en 1997, est conscient de cela, et il se fixe comme objectif d’inscrire notre action dans la durée. Le 21 avril 2002 aura sonné le glas de cette espérance.

Pourquoi cela?

C’est lié sans doute à nos institutions: et il faudra les changer.

C’est lié à nos formes d’organisation politique: et il faudra les faire évoluer.

Mais c’est lié aussi, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, à la nature de notre action gouvernementale. Et c’est lié à l’écart entre nos discours et nos actions.

C’est tout cela que nous devons résoudre à la fois. Depuis 1905, le Parti socialiste, la SFIO d’abord,a fait son unité sur la séparation entre la doctrine, marxiste, et la pratique, souvent opportuniste, les discours, radicaux, et les actes, timorés, la Révolution et la réforme. C’est cette orientation qui le tient si longtemps à l’écart des responsabilités: c’est aussi celle-ci, par les déceptions qu’elle provoque lorsque nous arrivons aux responsabilités, qui explique que nous ne restons pas au gouvernement.

Dans cette affaire, la puissance du Parti communiste, la pression qu’il exerce sur la SFIO puis sur le Parti d’Epinay joue un rôle considérable. Or je considère que l’évolution du PCF est aussi importante que son affaiblissement. En 1997, le PCF a gouverné jusqu’en 2002. Heureusement qu’il a été là. Je regrette que parfois nous ne l’ayons pas plus entendu: sur la précarité, sur la politique salariale, sur la prévention des licenciements. On pourrait dire la même chose concernant nos amis verts sur le développement durable, ou nos amis citoyens sur les problèmes de sécurité: attention à la surdité, à l’hégémonie, mais attention aussi à la sous-traitance. Elle n’est pas une vision dynamique de ce que doit être un nouveau mode de développement, où le démocratique, le social, l’écologique se tiennent ensemble.

Faut-il revenir en arrière?

J’entends qu’on nous reproche de vouloir un renversement d’alliance. C’est mensonger, et ce serait idiot. Nous souhaitons rassembler la gauche, et l’ouvrir à ceux qui veulent travailler avec elle. Je ne me souviens pas que personne n’ait jamais fait autrement. Mais ceux qui, maniant sciemment le mensonge, nous reprochent cela, d’où parlent-ils, ont-ils opérés le rassemblement de la gauche, quel rassemblement d’ailleurs ont-ils opérés? Peut-être pas même celui de leur propre parti. Et n’est-ce pas pour masquer leur impuissance qu’ils s’agitent tellement à dénaturer nos initiatives?

Posons la question clairement, c’est la seule divergence entre nous. Aujourd’hui, le PCF de Marie-George Buffet a t il choisi d’assumer son alliance avec le Ps ou est-il dans le dialogue avec le front de gauche et parfois même avec le NPA?

Si le Parti communiste fait ce choix, il s’engage dans une impasse: électorale sans doute, politique assurément. Et déjà il semblerait avoir, sur cette ligne de régression par rapport à la mutation qu’avait opéré Robert Hue, perdu du terrain face au Parti de Gauche de J.L.Mélenchon.

Seule notre alliance peut permettre une victoire demain. Et Sarkozy le sait bien, qui fera tout pour nous empêcher de nous unir.

Mais cette question est déterminante car elle ne concerne pas seulement la conquête du pouvoir. Elle en concerne aussi l’exercice. Car si nous recommençons le divorce des discours et des actes, de la radicalité, dans l’opposition, et de l’opportunisme, aux responsabilités, si nous prolongeons les formes anciennes, nous organiserons nous-mêmes les déceptions et les désaveux de demain, nous perpétuerons la malédiction d’une gauche française qui gouverne peu et qui ne gouverne jamais dans la durée.

Des avancées seront faites lorsque nous gouvernerons; mais nous ne gouvernerons pas dans la durée parce que les nôtres ne reconnaîtront pas dans notre action ce que nous avions promis dans nos discours; et ces avancées seront alors pour grande partie détruites par les conservateurs revenus au pouvoir.

Et voilà pourquoi notre tache est historique, difficile et suppose du temps. Ce faisant, nous ne rompons pas avec notre tradition parce que nous reprenons le flambeau de Jean Jaurès, de Léon Blum, de Daniel Mayer, de Pierre Mendès France et de François Mitterrand. Car ceux- là ont toujours été, dans le mouvement socialiste, les artisans du rassemblement, des socialistes d’abord, et nous n’y manquons pas, des progressistes ensuite, et c’est ce que nous proposons.

Préférons des discours moins tonitruants, moins de «fanfares d’assaut» comme disait Jaurès moquant les révolutionnaires de tréteaux qui sévissaient déjà de son temps et plus d’actions concrètes, patientes, efficaces pour réformer notre société vers plus de justice et de lumière.

Ce que nous faisons ici, notre Rassemblement, sans polémique stérile avec nos camarades et les directions de nos partis respectifs, c’est cela. Au moment où nous sommes tellement incapables, aux européennes déjà, mais aux régionales encore, au premier tour, de faire le rassemblement des forces sociales, écologiques, démocrates, notre volonté commune est de montrer que cela est possible, de prouver le mouvement en marchant, de donner le signal qu’un espoir est possible, que des femmes et des hommes de bonne volonté sont disponibles pour cela. Nous défrichons l’avenir. Nous inventons le possible. Nous entretenons l’espérance. J’ai bien compris qu’il ne fallait pas en attendre des remerciements. Mais nous n’avons pas non plus, je vous le dit, à nous en excuser.

Ensuite, notre deuxième exigence, après Marseille, face à cette tache historique, c’était d’être capable de nous dépasser et de nous ouvrir à la société civile. Pourquoi? Parce que nous ne pouvons pas contredire par notre méthode notre idéal, dans nos actes nos discours, parce que nous avons a être à la hauteur, par nos comportements, dans nos pratiques, de la tâche qui est la nôtre.

C’est pourquoi nous avons souhaité dépasser ce que nous sommes, et c’est pourquoi nous devrons toujours chercher à dépasser ce que nous sommes, parce que c’est ce dépassement, ce mouvement perpétuel, remise en cause, arrachement, effort,qui fait de nous des femmes et des hommes de progrès. Se borner, se fixer, s’assurer, c’est mourir. A Marseille, un courant, le premier sans doute, du Ps, accueillait des invités pour leur dire notre désir de travailler avec eux. Chacun de nous est attaché à son Parti et à sa famille. Cela est légitime. Chacun de nous y mène son propre travail. Cela semble, pour le moins, nécessaire. Mais nous savons très bien et nous, socialistes, au premier chef, que nous ne pouvons prendre en otage de discussions internes à notre Parti le projet qui est le nôtre d’inventer ensemble la France de demain.

Nous avons désormais, à égalité de droits et de devoirs, un lieu commun. A Partir de maintenant, c’est le Rassemblement. Soyons clairs et évitons les faux débats. Le Rassemblement n’est pas un parti politique. Son objet est de créer des passerelles entre des personnalités, des militants, des citoyens qui veulent construire un projet pour 2012. C’est une matrice de débats, de propositions et, pourquoi pas, de sérieux et de fraternité.

Mais le Rassemblement n’est pas qu’un rassemblement de personnalités politiques désireuses de construire ensemble la victoire de 2012. La gauche n’est pas la droite. Si nous voulons construire une alternative et dégager une majorité, si nous voulons pouvoir demain conduire les réformes de structure dont notre pays a besoin, nous avons besoin d’une société éclairée, engagée, mobilisée. Nous avons besoin de travailler avec les syndicats, avec les associations, avec les citoyens, besoin de vérité et de clarté.

S’il y a des malentendus, ils doivent être levées. S’il y a des incompréhensions, elles doivent être identifiées. S’il y a des divergences, elles doivent être argumentées. S’il y a des oppositions, elles doivent être identifiées et circonscrites, assumées et dépassées autant que faire se peut. C’est pourquoi je remercie très chaleureusement les responsables syndicaux, les dirigeants de grandes associations, les spécialistes qui sont venus participer à nos débats, enrichir nos points de vue, partager leurs analyses, dans le respect des rôles de chacun. Il y a bien longtemps mes amis que l’on ne nous avait pas vu ensemble.

Ce débat n’est pas clos. Il va se poursuivre. Il doit se poursuivre avec tous ceux qui le souhaitent, dans un esprit d’ouverture, de respect et de sérieux. Personne n’est propriétaire du Rassemblement. Il appartient, comme la France républicaine, à toutes celles et à tous ceux qui partagent une communauté de valeurs et veulent construire ensemble un destin commun.

Notre débat sur l’école, initié aujourd’hui, va se prolonger. Les propositions que nous présentons aujourd’hui doivent être approfondies, précisées. Et d’autres débats vont être engagés. Parce qu’il a coûté à la gauche de vouloir conduire ses réformes dans des institutions faites par la droite pour la droite, parce que nous ne pouvons pas conduire les réformes sans l’adhésion de nos concitoyens et une mobilisation de la société, nous avons besoin d’inventer de nouvelles formes d’engagement et de travail, nous avons besoin, pour mener les combats de justice, d’outils démocratiques nouveaux. C’est pourquoi nous nous réunirons, le 23 janvier prochain à Paris, pour des deuxièmes rencontres du Rassemblement consacrées à la république nouvelle, à la République moderne, à la VI République que nous voulons construire. Le Rassemblement social écologique et démocrate doit être aussi celui du renouveau républicain dans notre pays.

Enfin, le troisième défi que nous avions à relever, c’est d’être capable de débattre sur le fond et de faire ensemble des propositions. Les français qui veulent pouvoir dégager un autre chemin pour 2012 n’attendent pas de nous des querelles d’ambitions et de personnes ou des concurrences de Parti. Ils en sont abreuvés jusqu’à l’écoeurement. Ils veulent pouvoir adhérer à un projet, partager une vision, s’engager sur un chemin. Nos problèmes ne sont pas des problèmes de parti, de boutique ou d’égos . La tactique, c’est formidable; la stratégie, c’est magnifique. Mais il y a aussi la politique. Une ambition personnelle ne fait ni un rassemblement ni un projet. Une arrière-pensée ne remplace pas une pensée. Nos problèmes sont ceux du pays: problèmes de logement, de transport, de sécurité, de formation, de pouvoir d’achat, d’emploi. C’est à ces problèmes que nous devons apporter des réponses. C’est à ces problèmes que nous allons apporter des réponses.

Nous avons décidé de commencer par l’école. Parce que l’école, c’est le commencement, et c’est aussi l’avenir: parce que l’école, c’est la France. Au moment où le gouvernement voudrait lancer un débat sur l’identité nationale, en le couplant à l’immigration, nous rappelons que toutes les Républiques ont liés leur projet à l’école. La République française, qui est notre projet national, communauté de valeurs s’adressant à toutes les femmes et tous les hommes sans distinction d’origine, de fortune, de culte, de race, s’est construite par l’école et autour d’elle, en référence à la raison, à la liberté de jugement, à une certaine idée de la liberté des personnes et du droit, à un respect pour l’universalité du genre humain, à une laïcité qui n’est ni simple tolérance, il y a des maisons pour cela disait Clémenceau, ni simple neutralité, il n’y a que le néant qui soit neutre disait Jaurès.

En France, nous n’avons pas de religion civile; nous avons l’école et nous avons la laïcité. Lorsque l’école se porte mal, je l’ai dit, c’est tout le pays qui va mal, et pour nous, héritiers de cette tradition humaniste, libérale, démocratique, c’est notre vocation qui est atteinte. Lorsque l’école suscite le désarroi des professeurs, la colère ou l’inquiétude des parents, qu’elle ne répond plus aux missions qui sont les siennes, nous sommes atteints dans notre foi, notre espérance et notre identité. L’école, c’est pour nous cet héritage, et c’est la société de demain. C’est pourquoi nous avons décidé de commencer par le commencement.

Dans cette réflexion, nous devons fixer quelques préalables:

D’abord, que les choses soient claires, il n’appartient pas à l’école de résoudre tous les problèmes de la société. en d’autres termes, aucune réforme de l’école ne sera efficace si elle ne peut prendre appui sur des réformes qui concernent l’extérieur de l’école: les luttes contre les discriminations, les politiques de logement et d’urbanisme, les politiques familiales, la politique de prévention et de sécurité.

Ensuite, si l’école a besoin de grandes réformes, elle ne pourra les réussir sans associer tous ceux qui y ont leur mot à dire. La volonté même de faire bouger les choses exige le sens du débat et du compromis, le respect et la mobilisation des acteurs.

En outre, pour avancer, il faut solder les faux débats, en tout cas les aborder de façon apaisée, en particulier ce débat entre prétendus pédagogues et prétendus républicains où chacun se caricature. Que celles et ceux qui aiment l’école ne soient pas les responsables de leur propre dénigrement, et puisqu’ils sont des professeurs, qu’ils soient exemplaires.

Enfin, comprenons que nous sommes précisément à ce lieu, pour la gauche et les républicains de progrès, ou le passé doit inventer des formes nouvelles et donc la réforme. Nous devons être ambitieux pour l’école parce que nous devons l’être pour chacun de nos enfants, pour notre pays et pour notre idéal. Mais alors il faut comprendre que cela va supposer de bouger, qu’il ne pourra suffire d’entretenir la nostalgie d’un âge d’or de la République qui n’a jamais existé pour répondre aux défis qui sont les nôtres aujourd’hui. L’école a besoin de bouger et la France de se remettre en mouvement.

C’est pourquoi nous proposons de passer un nouveau contrat entre l’école et la nation, un nouveau pacte de confiance. Ce nouveau contrat doit engager les réformes du métier d’enseignant, de son évolution, de sa revalorisation, et du temps scolaire. C’est la clé d’entrée. Si nous sommes capables de faire cela, nous pourrons tout faire et tout poser sur la table: service public de la petite enfance, réforme du collège, prérecrutement, orientation, programmes. En contrepartie de ces réformes du temps scolaire et du métier d’enseignant, ce contrat doit proposer de garantir des moyens, d’améliorer les conditions de travail et les carrières des personnels de l’éducation nationale. Nous devons remobiliser l’école, et nous devons remobiliser la nation autour de son école. C’est notre ambition et c’est ce sur quoi nous avons déjà dégagé entre nous une orientation et des propositions communes.

Sommes nous d’accord sur tout? Bien entendu non, et c’est très bien ainsi. Mais nous avons suffisamment de valeurs en commun, d’analyses partagées et de volontés d’agir ensemble pour pouvoir explorer les possibilités d’un travail en commun au service de notre pays.

Nous avions à relever un triple défi, à répondre à une triple exigence: défi de la persévérance et du travail, défi de l’ouverture et du débat, défi du projet et des propositions.

Merci à Dany, à Gaby, à Christiane, à Marielle, à Robert, à François, à Jean-Louis, à Jean-Luc, à tous mes camarades, de nous avoir permis de le faire. Encore à tous, merci.

Merci à toi, Pierre, de nous accompagner avec intelligence et générosité sur ce chemin, pour la seule et unique raison que tu le crois juste.

Je sais bien, mes camarades, mes amis, qu’à chaque fois que nous ferons un pas vers l’avenir les forces de la pesanteur, du dénigrement et du doute recommenceront leur oeuvre de critique rongeuse et de découragement. Mais nous avancerons quand même, comme d’autres ont avancé avant nous et, à force d’endurance, de courage, de conviction, nous finirons par fatiguer le doute et par vaincre les conservatismes, par fatiguer le doute, comme disait Jaurès, et par frayer un chemin à l’espoir.

Aujourd’hui nous avons bien travaillé, et nous avons été utiles. L’espoir qu’une autre France, plus juste, plus démocratique, plus ouverte sur le monde soit possible pour 2012 est plus fort ce soir qu’il n’était ce matin. C’est cela seul qui importe. Cet espoir sera encore plus fort chaque jour qui passera si nous y mettons la générosité, l’amitié, la rigueur nécessaires. Je vous propose que nous nous retrouvions à nouveau l’année prochaine, à Paris, pour débattre ensemble de la VI République, une République démocratique, sociale, laïque et durable, celle que nous aimons, celle que nous voulons, et dont je sais qu’une majorité de français partagent l’idéal et la volonté avec nous.