medium_lafforgue.jpgLa loi Fillon avait institué le Haut Comité à l’Education, successeur de la Comission Thelot, chargé de définir aussi bien un « socle commun » pour les élèves que les nouvelles modalités de la formation des enseignants.
Parmi les membres de ce comité, le très éminent Laurent Lafforgue, mathématicien, médaille Fields (l’équivalent du Nobel pour les mathématiques, puisqu’il n’y a pas de prix dans cette discipline), acteur éminent de l’éducation (il est professeur à l’Institut des Hautes études scientifiques et membre de l’Académie des sciences), avait manifesté quelques doutes sur la capacité, la représentativité, en un mot la compétence de certaines personnes cooptées par ladite commission.
Sans doute les a-t-il exprimés trop haut : nommé le 26 octobre, il vient d’être débarqué du HCE.

Que disait Lafforgue ? Que faire appel aux Inspecteurs de l’Education nationale, aux directeurs de l’enseignement scolaire du ministère, à tous les prétendus spécialistes auto-proclamés de l’enseignement, c’était « exactement comme si nous étions un Haut conseil des droits de l’homme et (que) nous envisagions de faire appel aux Khmlers rouges pour constituer un groupe d’experts pour la promotion des droits humains. »
Et d’expliquer en quoi les officiels — et pas mal d’officieux — sont responsables de la « destruction totale » de notre système éducatif, dont tant d’ouvrages récents se sont fait l’écho ou les témoins. « Ces politiques, ajoute-t-il, ont été inspirées à tous ces gens [inspecteurs, administrateurs, responsables d’IUFM et autres didacticiens et « autres spécialistes des soi-disant sciences de l’éducation »] par une idéologie qui consiste à ne plus accorder de valeur au savoir et qui mêle la volonté de faire jouer à l’école d’autres rôles que la transmission du savoir, la croyance imposée à des théories pédagogiques délirantes, le mépris des choses simples, le mépris des apprentissages fondamentaux, le refus des enseignements construits, explicites et progressifs, le mépris des connaissances de base couplé à l’apprentissage imposé de contenus fumeux et démesurément ambitieux, la doctrine de l’élève « au centre du système » et qui doit « construire lui-même ses savoirs ». »
On aura reconnu, dans les critiques de cet éminent mathématicien, qui n’appartient à aucun appareil, l’ensemble des préoccupations de tous les parents qui s’indignent, jour après jour, de voir leurs enfants rentrer de l’école avec la tête si bien vide.
Un conflit majeur est aujourd’hui ouvert dans l’Education, entre ceux qui se sont hissés au pouvoir depuis une vingtaine d’années et ont si bien réussi à démanteler un service public de qualité, et à arrêter, ce faisant, l’ascenseur social, et ceux qui, sans autre ambition que le bien public, les combattent.
À chacun désormais de se situer, dans cet affrontement entre les tenants d’une école de qualité presque défunte, sauf dans quelques établissements privilégiés — et aussi partout où les enseignants, ulcérés, font de la résistance —, et ceux qui, à force d’égaiser par le bas, réussiront bientôt à détruire l’espoir de la nation.

Le texte complet de la protestation de Laurent Lafforgue, et les pièces du dossier, sont disponibles sur http://www.ihes.fr/~lafforgue/dem/courriel.html.