Le point le plus discuté de la Charte de l’Education proposée sur ce blog ces dernières semaines est la formation des instituteurs. Chacun a son idée sur la question, chacun propose des solutions. Afin de nous y retrouver, je propose ce nouveau fil qui sera consacré à la question.

Je suggérais il y a déjà un an, dans « À bonne école », la création de CPEP — des Classes Préparatoires à l’Enseignement Primaire. Soumises au même type de recrutement (féroce et efficace) que les actuelles Classes préparatoires aux grandes écoles — un recrutement fondé sur un numerus clausus sérieux, fruit de la projection des besoins à venir à cinq ans —, ces CPEP formeraient à toutes les disciplines utiles dans le Primaire, et déboucheraient sur un vrai concours. La formation des reçus se continuerait en université sur trois ans, en alternance avec des stages dont chacun reconnaît qu’ils sont la clé de tous les apprentissages, en pédagogie.

L’un des avantages par rapport à ce qui se passe actuellement serait bien sûr de donner une vraie formation, une vraie expertise des savoirs, à celles et ceux qui, leur vie durant, apprendront aux autres. Un autre avantage serait d’en finir avec l’autarcie des IUFM, et les absurdes prétentions des « sciences de l’éducation ». Enfin, cela permettrait d’éliminer tous ceux qui se présentent aujourd’hui en « candidats libres », et réussissent au moins aussi bien que ceux qui sont passés par l’IUFM — signe infaillible d’une faillite de la formation : quel est le pourcentage de reçus, dans les grandes écoles, de ceux qui se présentent en candidats libres ? Il est très faible, parce qu’il est très difficile de rivaliser avec la formation très pointue des Classes préparatoires. Le tri se ferait donc en amont (juste après le Bac, sur dossier), et en aval — fruit d’un concours un peu plus relevé que celui qui existe aujourd’hui.

Bien sûr, on peut tout imaginer — y compris la création d’un « concours-bis » réservé aux plus de trente ans, à l’âge où, aujourd’hui, tant de mères de familles, tant de déçus du privé, retournent à l’école dans l’espoir d’y trouver leur place comme formateurs. Je rappelle qu’un tel concours existe aujourd’hui, — pour les mères de trois enfants ou plus, et pour les salariés du privé (pourquoi seulement du privé ?) qui peuvent justifier de cinq années d’exercice en entreprise.

Bien sûr, on doit pré-rémunérer, comme des élèves d’Ecole Normale Supérieure, les titulaires d’un concours exigeant — d’autant que je ne suis pas sûr que le seul amour du métier suffise, par les temps qui courent, à motiver des candidats pour transpirer sérieusement dans des classes sélectives. Je ne crois pas que la charge financière soit disproportionnée par rapport à ce que coûtent actuellement les IUFM — on sait que le coût par étudiant y est près de six fois supérieur à celui d’un étudiant ordinaire… Un audit général de ces structures inventées jadis par Philippe Meirieu pour la satisfaction d’une idéologie constructiviste qui a très vite affiché ses limites, et dont le marasme actuel de l’Education dépose le constat de faillite, permettrait d’évaluer exactement ce que coûte à l’Etat la pédagogie du vide… Je l’appelais déjà de mes vœux dans « À bonne école ».

En définitive, les instituteurs auraient, à la sortie de leur formation, un niveau Bac + 5 qui leur permettrait de revendiquer une rémunération égale à celle de leurs collègues certifiés. Et un profil de carrière comparable. Mais surtout, on pourrait mettre ainsi un terme à ces expérimentations pédagogiques qui opèrent sur du vivant — nos enfants —, pour la plus grande gloire de théoriciens fumeux.

J’attends les objections et les contre-propositions. Ce blog est une usine à idées, et les miennes ne sont pas plus qualifiées que celles des autres.

Jean-Paul Brighelli