Chacun (sauf le CRAN, le PIR, tous ceux qui les soutiennent et mettent un genou à terre pour s’excuser des crimes supposés de leurs ancêtres, et Virginie Despentes, qui est à la Culture ce qu’un poisson est à une bicyclette) — chacun donc sait que le fondement de l’iconoclasme, que ce soit au VIIIe siècle, quand les chrétiens de Léon III tentèrent de se faire aussi bêtes que les Arabes qui leur étaient frontaliers, au IXe quand les sujets de Léon V récidivèrent, ou au XVIe, quand les Protestants, non contents d’adhérer à une religion qui interdisait pratiquement le plaisir, détruisirent les églises et les cathédrales partout où ils passèrent, est essentiellement religieux. Persuadés de prêcher la vraie foi, les barbares se déchainèrent contre tout ce qui leur était hostile — l’Art et la Culture au premier chef.
Le mouvement de destruction des statues, amorcé déjà depuis quelques années au nom de la lutte contre le colonialisme (il faudra m’expliquer en quoi massacrer Cecil Rhodes en effigie légitime les massacreurs noirs qui ont pris le pouvoir au Zimbabwe depuis qu’il ne s’appelle plus Rhodésie) ou le racisme — et la destruction des statues de Schoelcher à la Martinique est un sommet d’inculture et de méconnaissance historique : ça me rappelle ces Viêt-Congs qui coupaient le bras de leurs concitoyens vietnamiens sous prétexte que des médecins américains les avaient vaccinés.
La nouvelle religion de ces nouveaux barbares s’appelle l’antiracisme — ou, si vous préférez appeler les choses par leur nom, le racisme anti-Blancs, avec un codicille spécial antisémitisme. Ce qui explique que le souvenir de la traite soit à sens unique — l’Atlantique — et ne tienne pas compte du nombre bien plus élevé de Noirs vendus à d’autres Noirs — ou aux marchands d’esclaves arabes. Intersectionnalité des luttes oblige.
Nancy Pelosi, qui dirige la minorité démocrate au Sénat, a ainsi fait acte de contrition en public. Une pure descendante d’émigrés italiens venus s’installer aux Etats-Unis au début du XXe siècle doit forcément se faire pardonner la traite négrière et le massacre des Indiens, auxquels ni elle ni ses ancêtres n’ont pris aucune part. Romain Gary racontait déjà dans Chien blanc le sentiment de culpabilité, vis-à-vis des « Native Americans », développé à Hollywood par des acteurs d’origine juive est-européenne… À l’époque, il en riait. Aujourd’hui, nous sommes sommés de nous flageller publiquement en gardant notre sérieux.
Il y a quelques années, un élève noir m’a lancé : « Ouais, vous me mettez de mauvaises notes parce que je suis black » — à quoi je répondis que je le sanctionnais parce qu’il était nul — et de surcroît, ajoutai-je, bête à bouffer du foin. J’ai dans l’idée que par les temps qui courent, Castaner me révoquerait directement.
Heureusement que je ne dépends pas du « premier flic de France », l’homme qui a tenté de faire croire que tous les policiers étaient des racistes impénitents. C’est peut-être lui qu’il faudrait révoquer ?
Lui et pas mal d’autres. Entre ceux qui s’excusent de ne pas être des femmes, afin de mieux se sentir violés à chaque pas, les transgenres qui accusent J.K. Rowlings d’être transphobique, les voyous qui ont découvert que hurler au racisme leur assure l’impunité auprès des lecteurs de Libé, et tous les communautaristes qui prennent en marche le train de la bêtise universelle, cela finit par faire du monde. Mais nous le savions : quand il s’agit des connards, leur nom est légion.
Entendons-nous : des racistes, il y en a — et les plus à craindre ne sont pas les supporters français du Ku-Klux-Klan, qui se comptent sur les doigts d’une main. L’essentiel des actes racistes, rapportés à ce que représentent en prportion les diverses composantes du tissu français, ce sont les Juifs, comme d’habitude, qui les encaissent. Ils ont le désavantage d’être Blancs, une bonne excuse chez certains (il faut entendre les discours de Louis Farrakhan et de sa Nation of Islam aux Etats-Unis, ou de ses épigones européens) pour les accuser de tous les crimes.
Nous n’avons pas à nous excuser d’être ce que nous sommes, Blancs, Noirs, Jaunes ou Métis, hommes ou femmes, homos ou hétéros — j’en oublie sûrement, l’une des beautés du communautarisme contemporain est de fragmenter en sous-groupes, puis encore en sectes ou en bandes. Ni de ce qu’ont fait nos ancêtres — je ne suis pas de ceux qui croient que les fautes des pères doivent retomber sur la tête des fils. Nous ne sommes comptables ni des exactions ni des souffrances de nos aïeux : ni les unes ni les autres ne nous octroient un quelconque droit ou devoir.
Parce que nous sommes ce que nous faisons, nous sommes la somme de nos actes, et des gens qui renversent des statues ou décapitent Joséphine de Beauharnais parce qu’on leur a fait croire des sornettes sont juste des crétins patentés. Je me fiche pas mal que mon interlocuteur soit Noir, juif, ou pastafarien. La seule question intéressante est : « Que fait-il ? » « Que vaut-il » — étant entendu que la valeur humaine en soi est une affirmation théorique, en démocratie, mais que la vraie qualité se déduit de ce que l’on réalise. En soi, mon frère, tu ne vaux pas plus que la somme de tes actes — et c’est sur cette base que je te jugerai, pas sur la couleur de ta peau, ta pratique religieuse ou le fait que tu sois l’heureux bénéficiaire d’un vagin ou d’un phallus.
Jean-Paul Brighelli
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