Les propositions concernant les nouveaux programmes de français au collège sont désormais – au moins indirectement – connues. Plutôt que de vous proposer une énième polémique, j’ai préféré vous mettre en ligne le texte d’une amie militante de mon syndicat unique et préféré. A votre tour d’amender le texte du ministre…

JP Brighelli.

 

Entre mise en place du socle commun et affirmation constante par X. Darcos de la nécessité de revenir aux « fondamentaux », les nouveaux programmes de français en collège étaient particulièrement attendus, au point d’avoir été proposés, en avant-première mais à titre payant sur certains sites de la Toile[1].

 

Rappelons tout d’abord les principes de la lettre de mission adressée au groupe d’experts :

 

         Une articulation nécessaire avec la logique du socle commun, les programmes de français au collège devant notamment contribuer à l’acquisition de plusieurs grandes compétences des piliers 1 –« Maîtrise de la langue française» et 5 –« Culture humaniste ».

 

         Un « resserrement » sur les contenus, les démarches pédagogiques ne devant pas être explicitées dans le corps même du texte des programmes mais restant réservées aux documents d’accompagnement (en cours d’écriture).

 

         Une lisibilité par tous, ce qui impliquait la suppression du « discours » comme principe fédérateur des programmes… La « pratique de l’écriture », nouveau fil conducteur semble en effet plus pertinente !

 

         Progressions rigoureuses en grammaire, orthographe et lexique.

Face à l’incohérence et au verbiage pompeux des programmes actuellement en vigueur, et malgré l’obsessionnelle référence au socle, avatar pédagogisant de la loi Fillon, le SNALC ne pouvait que souscrire à cette volonté de simplification lexicale, de recentrage sur l’apprentissage cohérent des outils de la langue et de préservation d’une certaine liberté pédagogique du professeur.

Il n’empêche cependant que la « séquence », principal avatar des programmes de 1996 reste a priori en vigueur : les auteurs de ces programmes en réfèrent ainsi au nécessaire « décloisonnement » des apprentissages, la séquence en constituant la modalité principale de mise en œuvre ! Alors certes, il est désormais prévu que des leçons d’ « étude de la langue » puissent être conçues de manière autonome en grammaire, orthographe ou lexique -et nous avons bien fait préciser à l’Inspection Générale que les collègues rétifs au galimatias de la séquence ne pourraient désormais plus être sanctionnés pour leur « cloisonnement » des apprentissages, dans la mesure où ils respecteraient une certaine logique, chronologique en particulier. Mais le maintien d’une telle approche pédagogique « globale », qui loin d’introduire une cohérence dans les apprentissages laisse dans l’ignorance des pans entiers de connaissances grammaticales et conduit à l’instrumentalisation systématique des textes littéraires ne peut être que hautement discutable… Cette même volonté, ô combien discutable, de contenter les uns et les autres se retrouve dans l’articulation des programmes de grammaire : si l’on en revient ainsi judicieusement à la grammaire de phrase en 6°-5°, la grammaire de texte (et de l’énonciation) conserve sa prédominance en 4°-3°… A noter toutefois que les progressions sont relativement claires et bien construites et que le vocabulaire en a été considérablement simplifié.

 

En lecture en revanche, la volonté de fonder une culture commune semble l’avoir emporté sur le relativisme triomphant de ces dernières années, magnifiquement exprimé dans les programmes de 1996 par le très caractéristique « lire des écrits de toutes sortes ». Les grandes œuvres littéraires du patrimoine français sinon européen retrouvent droit de cité, au sein d’une approche volontairement chronologique (hormis le théâtre) au détriment des « lectures d’aujourd’hui » et de la littérature jeunesse, dont l’étude n’est pas supprimée mais réservée aux productions « de qualité » ou « classiques », ainsi qu’à la lecture cursive : en 6°, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll ou des extraits des Mille et Une Nuits remplaceront ainsi avantageusement l’étude compulsive des œuvres complètes d’Azouz Begag…

 

Enfin, il semblerait que l’argumentation ait désormais une part réduite parmi les exercices proposés aux élèves (limitée au programme de 3°), ce dont nous ne pouvons que nous féliciter tant elle tendait à appauvrir jusqu’ici les formes d’expression écrite au triomphe d’un « Moi » plus qu’envahissant à l’école…

De manière générale, on ne peut donc que constater le « mieux » de ces nouveaux programmes, en regrettant toutefois le manque de courage de leurs rédacteurs : à vouloir ménager les thuriféraires de l’Observation Réfléchie de la Langue et en conservant le principe même de décloisonnement des enseignements, le risque est bien évidemment une fois de plus de ne contenter personne…. Comme de laisser sur le terrain des professeurs démunis face aux contradictions et multiples interprétations possibles de ces textes !

 



[1] Ces programmes auraient dû être mis officiellement en ligne le 15 avril, si l’on s’en tient au calendrier initial. Ils devraient donc être consultables très prochainement…