Le 20 novembre 1977, Anouar el-Sadate prononça devant la Knesset un discours historique qui déboucha l’année suivante, le 17 septembre, sur la signature des accords de Camp David. Pour ce geste de paix, cette espérance un instant partagée, Sadate et Begin reçurent le Prix Nobel de la Paix.
On sait rarement que le discours du président égyptien fut filmé par les services secrets israéliens avec des caméras ultra-rapides — le meilleur moyen pour se repasser l’événement au ralenti. Les maîtres-espions, épaulés de quelques linguistes de premier ordre, scrutèrent attentivement le visage de Sadate, pour y déceler une contradiction éventuelle entre ce qu’il disait et ses intentions profondes. Parce que 80% de ce que nous disons appartient à ce que le grand linguiste américain Edward T. Hall appelle le « langage silencieux ». Mimiques, gestes, inflexions de voix, tout participe de la véracité de notre discours — ou de nos mensonges.
Les spécialistes conclurent que Sadate était sincère. Les terroristes arabes tirèrent la même conclusion, et assassinèrent Sadate le 6 octobre 1981.
Que se passerait-il aujourd’hui si un émule de Sadate venait devant la Knesset ? L’obligerait-on à mettre un masque ? Et qui nous dirait, alors, si les avions des mollahs ne bombarderaient pas Tel-Aviv une heure plus tard ?
J’ai expliqué déjà que l’on ne peut pas enseigner masqué. Et que l’on va probablement amuser le populo à la rentrée avec des considérations sanitaires qui feront oublier les mesures économiques drastiques, les manifestations non réprimées de la racaille et les églises brûlées. 80% de ce que l’on dit en classe passe par le langage silencieux — gestes, mimiques, inflexions de voix. AH, essayez donc de moduler votre voix avec des épaisseurs de tissu sur le visage ! Il faut être idiot pour croire que la transmission des savoirs passe exclusivement par le discours verbal — sinon, autant l’écrire, et tous les « distanciels » du monde ne valent pas un cours en « présentiel ».
Le masque que l’on veut nous imposer dans toutes les circonstances importantes de la vie. Les « milieux fermés » sont à géométrie variable, mais ont vocation à se développer : qui veut parier avec moi que le masque sera imposé en fonction de la taille des magasins, de façon à ce que les grandes surfaces s’en mettent plein les poches et finissent de ruiner les commerces de proximité ? Une timide reprise économique se dessinait, on la flingue dans l’œuf — personne ne me fera croire qu’on fait les mêmes achats avec un masque sur le visage ou à l’air libre.
Et dans toutes les moments où il est essentiel de savoir ce que pense l’autre, il en sera de même. Comme dans le tableau de Magritte en tête de cet article, les amants se disent « oui » désormais à la mairie avec un masque sur la bouche — et pourtant, c’est un moment où il vaut mieux savoir si le partenaire que nous avons choisi est ou non sincère. Croyez-vous qu’au Cap d’Agde ou ailleurs, les amateurs de radada se rencontrent masqués ? C’est pourtant essentiel, de décrypter, juste avant l’instant fatal, les vraies intentions de l’autre…
C’est pour le coup que l’on en arriverait à dire, toujours comme Magritte : « Ceci n’est pas une pipe »… L’amour au temps du coronavirus, quelle aventure !
Je ne porte pas de masque, et je n’en porterai pas, quitte à slalomer entre commerces intelligents et espaces dédiés à la trouille. Je ne suis pas doué pour l’hystérie collective (et j’en arrive à postuler que les gens masqués dans la rue, sur les plages et même dans leur automobile et alors qu’ils y sont seuls, sont des hystériques, surtout s’ils le nient), quand de toute évidence elle a pour but de nous pré-vendre un illusoire vaccin qui remplira les poches des géants de la pharmacie. Quand je pense que certains de mes collègues refusent déjà de revenir en cours tant qu’un vaccin n’est pas au point… Quand je constate que les syndicats ont imposé au ministre des règles drastiques sur la « distance » entre élèves — et comment vais-je « distancier » les 45 ou 50 élèves de mes classes dans un espace de 40M2 maximum, hein ?
Les rumeurs distillées par les médias sont d’admirables vecteurs d’hystérie. « Reprise de l’épidémie à Marseille », clame un toubib en manque de notoriété. En fait, 11 nouveaux cas en quinze jours pour 850 000 habitants. Reprise de l’épidémie en Meurthe-et-Moselle — sauf que dix jours plus tard, on s’aperçoit que c’était faux. Et le chiffre des décès baisse partout.
Le Bac 2020 fut une mascarade, encore plus outrée que les Bacs précédents. Les Licences 2020 sont une forfaiture — tant d’étudiants se sont vantés publiquement d’avoir triché qu’on devrait les radier à vie de tout cursus. Vous tenez vraiment à dévaloriser le peu qu’il reste de transmission en classe ? Vous tenez vraiment à jouer au maître ou à la maîtresse toute l’année ?
Gardons un peu de raison. Protégeons effectivement les personnes âgées (80% des décès sont des gens de plus de 80 ans — et cela tient souvent au fonctionnement immonde des EHPAD). Multiplions les tests, si ça peut rassurer : après tout, les acteurs pornos en font, et fort exigeants, tous les mois, voire toutes les semaines, et ils n’en meurent pas. Ayons un peu d’hygiène personnelle — j’espère que les lecteurs n’ont pas attendu le coronavirus pour se laver les mains plusieurs fois par jour, au moins chaque fois qu’ils se rendent aux toilettes, et pour ne pas éternuer dans le visage de son voisin : il y a de vieilles règles qu’on appelle d’un mot global, politesse, et qu’il faudrait penser à remettre au goût du jour.
Jean-Paul Brighelli
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