Lire avec Leo et Lea

Leo et Lea ont sur ce blog — et ailleurs — des partisans farouches. Dans le cadre du grand débat sur la refondation d el’école, j’ai donc pensé demander à Michelle Sommer, l’un des auteurs, de présenter les buts et les méthodes de l’association LIRAS (http://www.leolea.org/lirasnet.htm), qu’elle a créée après le succès de son manuel.
Ci-dessous sa réponse.
Bonne lecture à toutes et à tous…
JPB

Association Lire avec Léo et Léa
Siège : chez Madame Sommer, 197 Montée de Saint-Michel l’aiguille, 04100 Manosque
Site Internet : http://www.leolea.org
info3@leolea.org

Quelles bases pour la refondation de l’école ?

Nous présentons ici ce qu’a été le travail de l’association lire avec Léo et Léa. Nous ne prétendons pas que ces recommandations soient l’unique réponse à apporter, encore moins à imposer. Nous voulons simplement témoigner de sa recherche et des problèmes d’apprentissage de la lecture.
L’association Lire avec Léo et Léa
L’association Lire avec Léo et Léa a pour objet de lutter contre l’illettrisme par la recherche d’apprentissages structurants.
Les membres de l’association sont des orthophonistes, des enseignants, des parents, des personnalités civiles. Elle a été créée à l’origine par des orthophonistes alarmées par la consultation de nombreux enfants dont les problèmes ont clairement pour cause une « dyspédagogie », bien plutôt qu’une « dyslexie », même quand les choses sont un peu plus complexes, comme nous allons le voir.
Les recherches des fondatrices de l’orthophonie ont dès les origines conduit à une profonde rénovation de l’apprentissage de la lecture : il s’agissait de faire face aux dyslexies, fausses ou vraies. En effet, l’école se déchargeait auprès des orthophonistes en médicalisant les causes supposées des nombreux échecs des apprentissages qu’elle mettait en pratique.
L’association s’est donc créée autour de l’élaboration et de la publication d’une méthode de lecture ( Lire avec Léo et Léa ). Cette méthode s’est élargie à un ensemble d’ouvrages, dont nous sommes les auteurs, qui couvre désormais tout le cycle 2 de la GS AU CE1, (langage – développement de la conscience phonoalphabétique – lecture – transcription – grammaire) élaboré conjointement par les mêmes orthophonistes et des enseignants en charge de classe.
Les méthodes qui vont du simple au complexe ayant déserté l’édition scolaire, il s’agissait d’expérimenter sur le terrain proprement scolaire l’intérêt et l’efficacité de méthodes de lecture synthétiques phonémiques, repensées et modernes. C’est chose faite. En témoignent les très nombreux messages d’enseignants et de parents sur les deux forums du site www.leolea.org. Ceux-ci confirment ce qui avait été constaté dans les cabinets d’orthophonie : les enfants qui accèdent au CP sont souvent peu structurés, relativement immatures. La conjonction de ce facteur avec une méthode d’apprentissage à départ global les mène tout droit à l’échec, tandis qu’ils entrent dans l’apprentissage si on leur fournit dès le départ, de manière structurée et progressive, les repères qui permettent de lire.
Le réseau Liras
(Lutte contre l’Illettrisme par la Recherche d’Apprentissages Structurants).

Au-delà des membres actifs de l’association, il devenait opportun de rassembler aussi largement que possible les enseignants, les orthophonistes, les rééducateurs, les parents qui s’interrogent et cherchent, comme nous, des pédagogies susceptibles de ne plus laisser tant d’enfants sur le bord du chemin dès le C.P.
L’association a donc créé le Réseau L.I.R.A.S. L’inscription au Réseau est gratuite, elle suppose simplement le respect de la Charte que l’on peut consulter sur le site.
L’Internet facilite la communication, c’est un outil commode d’information et de formation. Nous avons voulu saisir cette opportunité de partager les savoirs à partir des expériences et des pratiques.
Animé par l’association, le Réseau LIRAS veut promouvoir des apprentissages structurants (en lecture d’abord, puis dans toutes les matières).
Le site Internet est l’outil privilégié du Réseau : forums de discussion sur nos ouvrages, sur la pédagogie du langage, de la lecture, de la grammaire. Bibliothèque de documents mis en commun.

Apprentissage de la lecture :
L’analyse :
La démarche, commune à toutes les méthodes mixtes – de loin les plus utilisées – qui consiste à mémoriser la physionomie des mots écrits préalablement à leur décryptage, ne convient ni à l’enfant de six ans en pleine structuration, ni à la matière enseignée : la langue française écrite. La structuration de l’enfant requiert que lui soient fournis les éléments réels qui permettent de sortir du monde magique et fusionnel de la petite enfance pour aller vers la socialisation, le désir des savoirs, et la symbolique des signes (Cf Dire, lire et écrire, ouvrage ci-joint, chapitre 3). La transcription du français, quant à elle, obéit au principe alphabétique : la base de ce code est que les lettres ou graphies, transcrivent les sons qui constituent la parole. (Cf. Dire, lire et écrire, chapitres 1 et 2).
Les conclusions :
Il faudrait au contraire :
• En Grande Section : Développer la conscience de chaque son de la parole en l’associant à la lettre qui le transcrit, sur un mode ludique adapté à cet âge.
Développer la compréhension et le maniement des structures fondamentales du langage oral, qui permettent de construire et préciser la pensée et la communication. Un bon langage est nécessaire pour aborder la lecture.
• Au Cours Préparatoire : Dans une méthode synthétique phonémique, chaque leçon procède du simple au complexe en permettant à l’enfant d’acquérir 1/ la graphie qui transcrit tel son, 2/ l’association des consonnes et voyelles acquises, qui permet l’accès aux structures syllabiques de mots, 3/ la lecture autonome et la compréhension de phrases, constituées à partir de ces éléments connus, 4/ la lecture autonome d’un texte ne comportant que des graphies connues. L’enfant élargit ainsi, leçon après leçon, la richesse des textes qui lui sont accessibles ; il prend confiance en lui, confiance dans l’enseignant qui lui transmet son savoir. Les parents comprennent la progression et peuvent aider l’enfant si besoin est.
Ainsi l’enfant s’approprie intimement la langue qu’il parle, devient capable de la lire et de la transcrire, a du plaisir à lire.
Il en va de même des acquisitions grammaticales qui structurent le langage et la pensée ; elles sont empêchées par les pratiques pédagogiques actuelles.
Grammaire :
L’analyse :
L’enseignement de la grammaire connaît, en effet, les mêmes dérives que celui de la lecture. Il procède également du complexe au simple, commençant par le groupe fonctionnel au détriment de l’étude du rôle grammatical de chaque mot .Toute progression rigoureuse est donc abandonnée au profit d’une observation hasardeuse de la langue à partir de textes. Les conséquences sont graves : les enfants confondent nature et fonction, ce qui leur interdit toute mise en pratique des règles du langage écrit. Les notions grammaticales abordées dans le désordre n’ont pour eux aucun sens, ils se détournent donc, et souvent pour toujours, de ce qui représente à leurs yeux un pêle-mêle fastidieux, inutilisable.
Les conclusions :
Il faudrait au contraire rétablir une programmation précise et rigoureuse dans l’apprentissage de la grammaire, qui corresponde à la logique interne de cette matière enseignée, en procédant du plus simple au plus complexe. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante : il faut aussi privilégier le lien entre le langage oral et le langage écrit. Un travail oral systématique doit permettre à l’enfant de prendre conscience de la valeur et du rôle des différents éléments de la phrase dans son propre langage. Ensuite, des exercices oraux et écrits lui permettront de s’approprier ces connaissances, enfin interviendra la mémorisation des règles quand elles auront été bien comprises.
• En Grande Section de maternelle : le développement du langage est primordial. Il faudrait travailler, en particulier, sur la prise de conscience de toutes les relations logiques qui construisent la phrase et l’emploi des termes qui les expriment (pronoms, prépositions, conjonctions, indicateurs de temps et de nombre…). L’enfant appréhenderait ainsi, par l’usage, le rôle des différents éléments qui permettent de la construire intelligiblement, et en acquerrait progressivement une conscience intuitive.
• Au CP : l’apprentissage de la lecture est l’occasion de poursuivre cette découverte à travers l’écrit ; on observera par exemple les premières chaînes des accords, les déterminants … La lecture et la compréhension dépendent d’un déchiffrage fiable et rapide, mais aussi de la reconnaissance de l’organisation grammaticale d’une phrase.
• Au CE1 : l’expérience que nous avons menée montre que les bases de la lecture courante peuvent être acquises à la fin du CP. Le CE1 peut alors être consacré à la consolidation des acquis en lecture (la grammaire y contribuera efficacement) et à l’apprentissage progressif des règles propres à la langue française, pour que l’enfant soit en mesure d’exprimer correctement sa pensée, à l’oral comme à l’écrit.
L’enseignement doit conduire les élèves vers l’identification précise de la nature des principaux éléments de la phrase, en procédant du simple au complexe : la notion de nom doit être comprise avant d’aborder le pronom ou le groupe nominal ; seule la fonction du « sujet » sera abordée, mais dans un second temps, quand la « nature » des éléments sera bien assimilée. Pour que l’enfant soit en mesure d’exprimer clairement une pensée à l’oral et à l’écrit, il doit non seulement acquérir beaucoup de mots (le vocabulaire) mais encore apprendre à quoi ils servent, pour les utiliser à bon escient en construisant les phrases.

L’évaluation des acquis
La nouvelle évaluation des acquis en lecture au début du CE1, beaucoup plus précise que la précédente, et donc plus révélatrice, est un pas en avant.
Néanmoins une évaluation de l’acquisition des bases devrait prendre place au CP en janvier ; elle permettrait de dépister à temps les enfants en difficulté et de leur donner immédiatement l’aide appropriée.
Une deuxième évaluation en fin de CP, permettrait de discriminer les redoublements indispensables. Elle devrait être 1/ conçue de manière à permettre l’analyse des résultats et leur comparaison en fonction des méthodes, 2/ conduite par un organisme indépendant de l’Education Nationale. La publication des résultats et de leur analyse permettrait à chaque enseignant de faire le point et de progresser dans sa démarche.
La formation et l’évaluation des enseignants
La responsabilité du nombre croissant d’échecs n’incombe nullement aux enseignants, mais à leur formation en IUFM, uniquement consacrée à imposer l’idéologie pédagogiste, plutôt que d’apporter au futur enseignant les savoirs qui lui seraient utiles ainsi qu’une bonne maîtrise de la langue française, et une réelle connaissance des fondements théoriques et de la pratique des méthodes entre lesquelles il aura à choisir.
Très souvent l’inspection tient compte, non des résultats obtenus par l’enseignant, mais de sa soumission ou insoumission à l’idéologie dominante. Il s’ensuit non seulement une dépréciation de la note d’inspection, mais aussi une entrave à la progression de carrière, et donc une pénalisation financière.
En conclusion
D’autres partagent notre expérience et nous sommes loin d’être isolés dans nos analyses. Diverses études et de nombreux témoignages démontrent la meilleure efficacité des méthodes synthétiques phonémiques .
Quelles mesures faudrait-il prendre ?
Chercher à imposer d’en haut une pédagogie à des enseignants formés (formatés) dans l’idéologie pédagogiste, ne peut provoquer que désarroi et réactions d’opposition.
Il faudrait au contraire :
• refaire les programmes et, dans ce cadre, donner toute liberté aux enseignants de choisir leur méthode ;
• reconstruire une vraie formation pour les enseignants.
• évaluer les résultats, en confiant cette mission à un organisme tiers, indépendant de l’Education Nationale.

Le manifeste que nous proposons ci-joint précise ces bases, indispensables à une vraie refondation de l’école.

L’école primaire peut obtenir des résultats bien meilleurs si on la met en capacité de le faire.
L’efficacité de l’enseignement en Primaire dès le CP conditionne la réussite de chacun.

Michelle Sommer, Thérèse Cuche, Jean-Gérard Dutoit, Jean Flaven,
Orthophonistes Professeurs des Ecoles