Petite histoire de voile

Pas facile, le métier d’inspecteur ! Coincé que l’on est entre ses convictions, ou celles de ses amis, ou celles de son parti, et les textes du ministère…
(À noter qu’on l’a un peu voulue, cette situation inconfortable… Et même que parfois on a tout fait pour ça…)
Un exemple ?
Il y a quelques jours, une mère de famille de Dourdan s’est vue refoulée par la direction de l’école où sa fille est scolarisée en CM2 — au motif qu’elle se proposait d’encadrer une sortie pédagogique (les enfants sortent beaucoup, dans la Nouvelle Pédagogie) affublée du hidjab dont elle a fait son ordinaire. Son credo, si je puis dire, rapport par le Parisien : « Se couvrir et porter des vêtements amples pour ne pas susciter le regard des hommes ».
Il y a sa photo avec l’article. Honnêtement, la pudeur est un pur prétexte… Non pas un défi à la concupiscence masculine, mais une déclaration de principes religieux. Un défi à la laïcité.
Il s’est néanmoins trouvé un inspecteur local, Jean-Yves Cotty, pour lui donner raison, et expliquer que la directrice, qui avait très sagement invoqué la loi qui prescrit le port de tout signe religieux dans l’exercice de la scolarité, avait tort.
C’est suivant ces raisonnements tordus que le MRAP porte plainte chaque fois que l’on critique les formes exacerbées de l’Islam, au risque de susciter, et de plus en plus largement, les réflexes carrément racistes d’une bonne partie de la population. Les jusqu’auboutistes du droit à l’expression engendrent le rejet bien plus sûrement que la critique des excès religieux. Exactement de la même manière que le slogan « égalité des chances », souvent ânonné par les mêmes, fabrique des inégalités à tour de bras.
Il s’est heureusement trouvé un second inspecteur, Alain Seksig, co-coordinateur de « L’Ecole face à l’obscurantisme religieux » (le rapport Obin commenté par une vingtaine de vrais militants des Droits de l’homme, dont votre serviteur, aux éditions Max Milo — indispensable), pour affirmer que la directrice avait raison : la mère d’élève n’intervenait pas en tant que telle (ce qui serait le cas si elle demandait un rendez-vous à l’institutrice de sa fille, par exemple, ou participait au Conseil d’école), mais au cours d’un exercice pédagogique — un cadre qui interdit l’ostentation religieuse. « La directrice a refusé que la maman porte son voile pendant la sortie, elle n’a pas refusé la personne en elle-même, c’est une nuance de taille », ajoute-t-il.
Certes, souligne-t-il, encore si l’on en est à devoir expliquer ces nuances byzantines, c’est que la loi est restée floue, comme souvent. Cette même loi qui interdit les signes religieux à l’école, mais les autorise lorsque l’école (le collège, le lycée) devient centre d’examen, car elle rentre alors dans la loi commune des « espaces publics ».
Et si j’avouais que le voile islamique me gêne partout ? Si je répétais ce qu’a dit Jack Straw, ex-secrétaire au Foreign Office de Tony Blair, un Travailliste réputé pour son libéralisme et ses bonnes manières diplomatiques, qui a lancé sans préambule que porter un voile en Angleterre était une manière de signifier son refus de s’intégrer — quasiment une déclaration de guerre dans un pays qui est effectivement en guerre et a eu à souffrir du terrorisme ?
J’entendais hier une militante de Ni putes ni soumises, cette organisation de femmes qui font un boulot si remarquable, et souvent aux dépens de leur sécurité, affirmer que l’on ne porte pas impunément un hidjab. C’est une déclaration de foi jetée à la face d’un pays laïque. On est là très largement au-delà de la coutume. On est dans le défi.
Que certains, à gauche et à droite, ne le comprennent pas m’afflige. Parce qu’à force de tolérance, ils font le lit de toutes les intolérances.
C’est un débat qui a commencé à l’école — deux mois après le vote de la « loi Jospin » sur l’école, et ce n’est pas une coïncidence. C’est aujourd’hui un débat qui a envahi la rue, — pour le pire.
Si nous voulons ôter des arguments aux vrais racistes qui empoisonnent les esprits fragiles, il faut réagir, très vite, — au nom de la République.

Jean-Paul Brighelli