Ce blog a pour vocation de s’occuper d’enseignement — et c’est à ce titre que j’avais, il y a quelques semaines, examiné les offres éducatives des différentes listes en concurrence au Parti socialiste.
Mais devant les réactions des perdants, je me sens un peu obligé de commenter les déluges de manipulation et de mauvaise foi qui, depuis cette nuit, noient le champ médiatique.

Voici donc Martine Aubry élue à la tête du PS. De peu — il est des grandes victoires qui se jouent sur le fil : après tout, Kennedy ne l’a emporté que de 500 000 voix contre Nixon, une paille dans le contexte américain des années 60. Ce n’était pas joué d’avance, la loi de Murphy me rendant circonspect sur l’anticipation de tout résultat. Et hier soir, dès 19 heures, un secrétaire national de ce parti au bord de l’implosion annonçait une victoire de Ségolène Royal avec une marge considérable, alors même que l’on votait encore dans les fédérations. Sainte Intox est de retour.
Puis, dans la nuit, arrivèrent les résultats de Lille, qui (et j’ai du mal à comprendre que l’on s’en étonne) donnait une avance décisive à son maire. Et — clin d’œil qu’un ami comprendra —, ceux de Seine Maritime, où les fabusiens n’ont laissé aucune chance aux forces de la réaction.
Car il faut bien le dire : le vote Royal est un vote éminemment réactionnaire. Cette quinquagénaire qui n’a jamais été qu’une apparatchik a tenté de surfer sur le slogan qui a réussi à Barak Obama, le « changement » — beau changement qui prévoyait de porter à la tête de l’un des plus vieux partis de France une équipe qui piaffe depuis des années autour de François Hollande, avec lui tant que le couple fatal a semblé uni, contre lui depuis que madame a choisi de croquer Guimauve le Conquérant. Vote réactionnaire d’une ligne tellement obnubilée par le centre qu’elle louche carrément à droite. Demandez donc à Manuel Valls qui l’a contacté, ces derniers temps, pour participer à un gouvernement Fillon-bis.

« Nous ne nous laisserons pas voler notre victoire ! » barrit aujourd’hui ce même Manuel Valls — mais aussi Vincent Peillon ou Julien Dray, tous ceux qui avaient uni leur destin à celui de la Madone des liftings, et se partageaient déjà les postes après son futur et inévitable succès à une présidentielle où les Français, culpabilisés d’avoir voté contre une femme en 2007, ne sauraient manquer de la porter au pouvoir… On se rappelle Ruy Blas : « Donnez-moi l’arsenic, je vous laisse les nègres… » Bon appétit, messieurs !
Et la Bernadette Soubirous de l’ex-gauche, la Jeanne d’Arc du libéralisme à la française, de réclamer immédiatement un troisième tour — puis un quatrième, puis un cinquième, jusqu’à ce que les urnes excédées crachent enfin, après quelques bourrages adéquats (voir les résultats de La Réunion), quelques pressions pas forcément amicales (voir les Bouches-du-Rhône de Guérini ou le Languedoc de Frèche), le résultat conforme à ses ambitions…
Curieuse démocratie que la nôtre, où l’échec n’est pas rédhibitoire. Les Américains, au moins, ne laissent pas une seconde chance aux bras cassés de l’élection précédente. Mais il faut croire que notre personnel politique est bien pauvre, pour que sans cesse les mêmes perdants s’offrent à nos suffrages.

Parlons net. Martine Aubry n’est pas une révolutionnaire, sa gauche est d’un rose un peu passé, mais je veux croire, non que ses intentions sont pures (le mot, en politique, prête à sourire), mais qu’elle est bien entourée. Pour en rester au chapitre éducation, je fais davantage confiance, parmi les soutiens du maire de Lille, à quelqu’un comme Claude Roiron (1) qu’à l’inévitable et insubmersible Pierre Frakowiack, penseur du pédagogisme à la sauce Ségo, ou à Philippe Meirieu, l’oracle de Collomb — autre soutien inconditionnel de Sainte Ségo — en Rhône-Alpes. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres : les vrais trentenaires, le sang neuf du PS, il est là — pas dans les ambitions tristement recuites des frustrés qui ont préféré attendre les résultats du vote dans les salons feutrés d’un édifice bien parisien plutôt que rue de Solférino, où ils se savent mal aimés — les pôvres !
Je ne crains qu’une chose : que le goût létal des « synthèses » n’amène le PS — dont je ne suis pas, je le répète — à hésiter à trancher dans le vif. Mais si certains veulent arriver en bon ordre en 2012, sans attendre 2017, il est indispensable qu’ils se constituent en Comité de Salut Public — quitte à faire tomber quelques têtes qui iront, selon leur pente naturelle, rouler dans les ornières gouvernementales.

Jean-Paul Brighelli

(1) Elle a participé à côté de Jean-Pierre Obin à la rédaction du fameux rapport dénonçant l’entrisme, à l’école, de l’obscurantisme religieux
(ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/syst/igen/rapports/rapport_obin.pdf). Rapport qui a été finalement publié chez Max Milo (2006) sous le titre L’Ecole face à l’obscurantisme religieux : comme j’ai participé à ce livre, je renvoie le lecteur à une analyse faite par des adversaires (http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=3005), et au débordement de haine d’un autre partisan de Madame Royal, l’ineffable Jean Baubérot, partisan de la « laïcité ouverte » — comme les cuisses du même nom :
(http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com/archive/2006/10/28/l-obscurantisme-fonctionnel-du-rapport-obin-suite.html)