J’étais hier mercredi invité à Lyon par le CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement), un organisme fort respectable qui, entre autres missions, organise des rencontres, débats et autres symposiums. Au programme, « l’architecture enseignée à l’école ». Au menu, des interventions variées, des « Nouveaux enjeux de la sensibilisation d el’architecture dans le cadre scolaire » (Rose-Marie Benoît, qui arrivait tout droit du ministère de la Culture) à « l’Implication d’un pôle culturel dans l’enseignement des arts appliqués et des arts plastiques (Laurent Tardieu, architecte, arrivait de Bordeaux, ce qui nous fut une occasion de parler du collège Clisthène, cher à Luc Cédelle).

   Bref, tout devait baigner dans l’huile — ou, plus exactement, dans les eaux un peu glauques de la Saône toute proche, qui commençait à baigner jusqu’aux portières les imprudents qui s’étaient garés sur ses berges.

   Je suis descendu au métro Hôtel de Ville, et j’ai continué à pied, sous la neige fondue lyonnaise, jusqu’au quai Saint-Vincent. J’aime bien cette ville…

   J’ai fini par trouver le lieu, je suis entré discrètement — une intervention était en cours, qui résumait les projets encadrés par les architectes du CAUE et les professeurs de collège et de  lycée. Il n’y avait pas grand monde — une quinzaine de personnes peut-être. « Bah, peu importe, il y aura la qualité à défaut de la quantité… » Il m’est déjà arrivé de me déplacer fort loin pour dix pèlerins que j’étais enchanté de rencontrer.

   En me voyant entrer, deux personnes, qui se sont immédiatement présentées comme les responsables de la journée, sont venues à ma rencontre. Un peu gênées.  « Bien peu de monde… » « Aucune importance… » « C’est que… Voyez-vous… Il aurait dû y en avoir bien davantage… Pour Tony Garnier, nous avions un amphi plein… Mais…

   Il y avait donc un secret ?

   Oui, il y avait un problème. Le CAUE travaille d’ordinaire la main dans la main avec la Délégation aux Affaires Culturelles, organisme dépendant du Rectorat (bonjour, monsieur le recteur Roland Debbasch, je vais vous en raconter une bien bonne…) et dirigé, si je ne m’abuse, par un certain Serge Ferreri — un Corse, peut-être, mais, en tout cas, un garçon qui a son idée sur les missions du service public.

   « Quand ils ont appris que nous vous avions invité, ils ont décrété tout net que leur service ne transmettrait pas l’information aux lycées et collèges qui sont notre bassin naturel. « La DAC ne fera pas de publicité à monsieur Brighelli ». Point barre. Je suis petit chef et je fais ce qui me plaît.

   – C’est un peu particulier… Voici un garçon dont la fonction est, entre autres, de répercuter l’information, et qui décide, de façon abrupte, de la bloquer ?

  Mon interlocuteur a hoché la tête. « Nous sommes à Lyon, monsieur Brighelli. Nous sommes dans le fief de Meirieu. Je suis passé sur votre blog, vous n’êtes pas tendre avec le grand homme — sans compter des prises de position politiques qui peuvent défriser, ici… » 

   Effectivement… Dans les kiosques de la gare, j’avais parcouru une revue locale expliquant combien, à l’occasion du congrès de Reims et de ses suites, le maire de Lyon, Gérard Collomb, s’était fait « ROYALement » entuber. Le même Gérard Collomb qui a confié à Meirieu une chaîne « éducative » que ce grand pourfendeur de la télévision s’est empressé de trouver à son goût.

   Les organisateurs étaient confus, je les ai rassurés, depuis que j’ai écrit la Fabrique du crétin, nombre d’imbéciles et d’administratifs qui s’y sont reconnus ne me portent pas dans leur cœur — et la journée s’est passée au mieux — en toute confidentialité. J’ai proféré sur le lien entre l’architecture scolaire et les résultats des élèves quelques énormités que les quelques étudiants de l’Ecole d’Architecture présents ont eu l’amabilité de trouver stimulantes.

   N’empêche… Je trouve fort bizarre qu’un organisme officiel, dépendant de l’Education Nationale, décide par oukase de stigmatiser un membre de cette même Education, simplement parce que ses opinions ou son discours défrisent un chef de bureau. Depuis quand un fonctionnaire fait-il passer ses humeurs politiques avant sa mission de service public ? Il est arrivé à Meirieu et à ses séides de me traiter de fasciste, chemise brune ou noire, pétainiste et autres joyeusetés — ces gens ont l’injure à la boche — pardon, à la bouche. Mais c’était dans le feu d’un débat — et les gens qui encensent le Grand Homme de l’IUFM (fort contesté d’ailleurs au sein même de son propre IUFM, dont il n’a pris la direction que sur décision personnelle du ministre de l’époque) sont des Croyants qui ânonnent les thèses du Messie de la Pédagogie sans rien y comprendre : recrutez des imbéciles, au moins,ils vous sauront toujours gré de les avoir tirés de leur médiocrité.

   C’est une aventure minuscule, mais révélatrice de l’emprise, sur les organes internes du Mammouth, de parasites qui, à force de se coopter les uns les autres, ont fini par gangrener la Bête. En vérité je vous le dis, Monsieur Ferreri, les temps viendront où nous éradiquerons les microbes.

 

Jean-Paul Brighelli