Degas, Intérieur (ou Le Viol, dénomination réfutée par le peintre), 1868-1869

Ci-dessous, le début d’un roman consacré aux mœurs éditoriales — jadis. Il ne saurait en être question de nos jours, où tous les hommes sont si polis et toutes les femmes si réservées.


Frédérique frappe à la porte, mais d’un index si léger qu’elle-même n’entend pas le « toc » du doigt contre le chêne, et elle entre — comme d’habitude.
Curieusement, le bureau du patron est dans le noir. Seule passe, de biais, à travers les doubles rideaux, la lueur jaunâtre du lampadaire planté sur le trottoir d’en face. L’éditeur est-il sorti ? Mais il n’éteint jamais derrière lui : les femmes de ménage, qui officient après neuf heures du soir dans le grand hôtel particulier transformé en maison de verre, s’en chargent, en fin de service.
Frédérique hésite un instant, sur le pas de la porte. Elle s’avance tout de même, avec l’intention de poser sur le bureau les épreuves du livre. Tant pis, s’il est déjà parti, il les feuillettera lundi. À moins qu’il ne repasse pendant le week-end au bureau. Après tout, il habite trois étages au-dessus.

Elle ne les voit, l’un et l’autre, qu’en approchant fort près de l’immense table d’acajou sombre — une merveille ramenée de Cuba à la Belle Epoque. L’épaisse moquette a merveilleusement étouffé le claquement de ses talons haut, et le couple affairé de l’autre côté de la table, partiellement dissimulé derrière une grande pile de livres et de manuscrits entassés en désordre, n’a apparemment rien entendu.
Le directeur est bien là, à demi vautré en avant sur son fauteuil de cuir blond.
Frédérique s’est faite à l’obscurité, et dans le rayon transversal du lampadaire, elle distingue nettement le pantalon ouvert, les pans blancs de la chemise écartés comme des rideaux de théâtre, et la masse blonde des cheveux de la femme agenouillée, penchée sur le ventre de l’éditeur.
Alors seulement Frédérique voit qu’il la regarde fixement. Il ne sourit même pas. Il ne cherche pas sa complicité. Il la regarde droit dans les yeux.
Elle se sent bizarrement subjuguée.
La position de la femme à genoux, le mouvement du cou et des épaules, le léger bruit de succion (Qui est-elle ? La masse de cheveux en désordre, mal retenus par une barrette indécise, ne lui dit rien. Une amie ? Un auteur venu implorer les bonnes grâces de cet homme si puissant ?) ne laissent aucune part au doute. Mais un noir total règne au-dessous de la ceinture ouverte du patron, le grand bureau trace une ligne de démarcation nette entre la lumière blafarde du lampadaire latéral, et la zone de nuit où se perdent les jambes de l’homme affalé.
Frédérique pose délicatement le jeu d’épreuves sur le bureau. Comme elle va se retirer, l’éditeur étend la main gauche, et allume la lampe de bureau.
La femme agenouillée esquisse un mouvement de surprise. Mais l’homme pose la main droite sur sa nuque, et elle reprend sa lente fellation — à présent en pleine lumière.
C’est une très jeune femme, plutôt une jeune fille. Elle serre la base de la verge dans l’anneau de ses doigts, — sans parvenir à refermer sa main, il s’en faut de beaucoup, constate Frédérique. La bouche, très maquillée — « un rouge Dior », pense la directrice littéraire — descend et remonte le long de la hampe avec une bonne volonté touchante. « Et une réelle habileté », songe la jeune femme. « À sa place, je serais secouée de nausées », — tant elle descend bas, frottant son nez aux poils du pubis de l’homme.
L’éditeur oriente la lampe, au bout de son bras flexible, de façon à ce que Frédérique puisse suivre en détail le jeu des lèvres, régulier, puissant. Il reprend aux cheveux la femme agenouillée, et tire à lui le visage enfoui entre ses cuisses. La jeune fille abandonne sa proie, lentement, comme à regret.
Frédérique est sidérée de la longueur de la verge ainsi mise en lumière. Quand la fille lâche enfin le gland qu’elle grignotait, Frédérique réalise que le phallus enfin libéré de son fourreau de chair peut faire 24 ou 25 centimètres de long, sur sept ou huit de diamètre. Un pieu.
L’éditeur tient la fille par les cheveux, lui tirant visage en arrière. Elle est vraiment toute jeune, la lumière de la lampe joue sur sa peau veloutée, elle a de grands yeux clairs, naïfs. Son chemisier est partiellement déboutonné. Les seins, pour ce qu’on en voit, sont assez volumineux, et très fermes.
L’homme regarde Frédérique, pose un doigt sur ses lèvres, pour lui intimer le silence, puis lui indique un coin du bureau, là où les ombres restent épaisses. Elle s’y rencogne, vaguement gênée de sa docilité à obéir, et de l’excitation qu’elle sent monter en elle.
Il relève tout à fait la fille, en se levant lui-même, et lui fait contourner la grande table de bois sombre (« pour qu’elle soit en pleine lumière », pense Frédérique). Il fait un geste. Aussitôt, la fille entreprend de se déshabiller complètement — chemisier, soutien-gorge et jupe. « Elle ne porte pas de slip », nota Frédérique. Il ne lui reste que ses bas, et un porte-jarretelles de dentelle bleu sombre attaché haut. « L’arsenal de la séduction… » La jeune femme tente de trouver tout cela convenu, dérisoire, sans y parvenir.
Les seins, comme elle l’a pensé, sont considérables, et admirablement galbés.
L’homme reprend la fille par les cheveux, et la couche sur le bureau, sur le ventre. La peau de lait de la fille paraît encore plus claire sur l’acajou rouge sombre.
À nouveau l’homme manipule la lampe, pour mieux exhiber le buste étroit, la taille si mince, le cul offert, les jambes bien droites. Il murmure quelque chose que Frédérique ne comprend pas. La fille ramène ses mains en arrière, et écarte ses fesses.
Il se campe derrière sa proie — le mot est venu spontanément aux lèvres de Frédérique —, et la pénètre en levrette, difficilement. La fille gémit, elle pousse deux ou trois cris étouffés, tandis que la sublime barre de chair lui force le vagin. L’homme pousse aussi loin qu’il peut, comme s’il voulait s’engloutir tout entier dans ce ventre. En vain. Abouté tout au fond du fourreau, il garde encore dix bons centimètres de chair à part lui.
Il la besogne ainsi trois ou quatre minutes. La fille gémit, grogne, râle. Frédérique la sent monter à toute allure vers l’orgasme — certaine, en même temps, que l’homme ne la laissera pas jouir si facilement. Enluminé par le jet de lumière crue, l’acte a quelque chose d’irréel, presque clinique. La verge va et vient, sans émotion. Frédérique, curieusement, pense même un instant que c’est un sexe mécanique, une barre de latex moulée sur quelque hardeur célèbre. Elle note avec émotion les aspérités noueuses de la queue, les veines saillantes, et, parfois, brièvement, l’éclat grenat du gland, quand l’homme ressort du fourreau avant de s’y renfourner avec la même violence muette.
Il se retire enfin complètement de la fille. En se penchant légèrement en avant, Frédérique peut voir le vagin béant, palpitant, que la lumière crue modèle comme une planche anatomique — elle pense aux écorchés de cire de l’autre Fragonard. Les cuisses de la jeune fille sont trempées, peut-être s’agit-il d’une femme-fontaine, ce mythe dont Frédérique a si souvent entendu parler sans jamais en rencontrer. Les muqueuses dégoulinent littéralement de mouille. « Il le fait exprès, pense-t-elle. Qu’attend-il ? Que je me précipite à genoux pour adorer son sceptre ? » Au moment où elle formule la phrase dans sa tête, elle réalise qu’elle en a diablement envie. Son corps a réagi bien avant son esprit. Son propre sexe bave dans le satin sombre de son string. Elle glisse une main dans la fente latérale de sa jupe, effleure sa motte et suit la fente, au milieu du triangle soyeux. Elle est trempée. Elle appuie sans trop le vouloir sur son clitoris. Ses jambes fléchissent.
L’homme, à deux mètres d’elle, pose sa queue phénoménale à l’horizontale du cul offert, et pousse à nouveau. La fille gémit, mais très faiblement, pendant qu’il lui écartèle l’anus. De toute évidence, elle a l’habitude d’être pénétrée ainsi, et Frédérique pense avec horreur aux dégâts que ferait en elle une intromission pareille. Son ventre se contracte, et elle doit se mettre en apnée pour ne pas jouir elle-même tout de suite.
Docilement, la fille écarte ses fesses, pour faciliter le travail de l’homme. Quand il est entré tout entier, quand il commence à aller et venir dans ce rectum pris d’assaut, elle se met à râler d’extase.
Avec une lenteur calculée qui permet à la belle sodomisée comme à la voyeuse de ressentir en elles chaque centimètre du boutoir qui les force, l’éditeur s’enfonce jusqu’à la garde, revient presque à l’orée de l’anus, et se renfonce immédiatement, jusqu’à ce que les poils poivre et sel de son ventre râpent l’épiderme de lait des fesses fendues comme par un coin.
La fille parle, de façon continue, une langue bizarre, barbare, dont Frédérique ne comprend rien — la langue même du foutre. À peine si elle reconnaît, de temps à autre, les exclamations ordinaires de la sodomie — « poussez, poussez encore, déchirez-moi, oh, vous me tuez… » —, et tout ce qu’elle retient, c’est ce vouvoiement étrange.
Frédérique jouit juste avant la fille, quand elle passe enfin un doigt sous le satin du string et touche son bouton de chair vive. Sur le coin de la table, la jeune fille pousse des cris, à présent. « Oh… Oui… Je jouis… Je jouis… » L’homme la poignarde au plus profond, et Frédérique, revenue à elle, se dit qu’il éjacule — mais sans en être bien sûre, tant il paraît toujours maître de lui.
Enfin il ressort complètement. Frédérique, en se penchant en avant, voit l’anus palpitant comme une bouche de carpe, ouvert sur une gaine sombre. L’érection formidable se maintient. Sur la peau tendue, sur le bourrelet du gland, les veines dilatées, des sécrétions brunes et visqueuses s’étalent.
Ce qui suit est le plus inattendu. L’homme dégage la ceinture de son pantalon, et par trois fois, cingle à la volée les fesses de la fille.
Elle ne cherche pas à éviter les coups. Elle crie trois fois, et immédiatement des marques violettes se dessinent sur les globes charnus.
La fille enfin glisse au sol, à genoux à nouveau. L’éditeur la reprend aux cheveux, tourne vers lui le beau visage épuisé, et appuie le gland souillé sur les lèvres entrouvertes. Docilement, la fille offre à nouveau sa bouche. Comme tout à l’heure, elle s’efforce d’avaler au plus profond l’impitoyable barre de chair. L’homme immobilise enfin le visage, et jouit à son tour.
Frédérique déglutit comme si c’était dans sa bouche qu’il venait d’éjaculer. Le sens de cette scène lui apparaît enfin. C’est elle qu’il vient de baiser de toutes les manières — par personne interposée. La fille ne compte pas. Elle se sent ravagée par devant et par derrière, elle a dans la bouche le goût aigre-doux du sperme de son patron, et elle le mâche lentement, avant de l’avaler — salé comme une huître grasse…
La fille saisit la main de son tortionnaire, et la baise à plusieurs reprises. Alors seulement il lui permet de se relever.
À nouveau il regarda Frédérique, posant son doigt sur ses lèvres. Puis il lui désigne la porte, tout en lui intimant l’ordre de ne faire aucun bruit.
La queue dilatée a à peine fléchi, au sortir de la bouche complaisante

17 commentaires

  1. Rien de bien nouveau dans cette chronique.
    Tout le monde sait que pour convaincre un éditeur, il ne faut pas s’économiser, pas mégoter.
    L’amitié de la boîte, c’est loin d’être suffisant.
    Oui…

  2. « Grignotages » de bittes (d’amarrage), chevelures épaisses, seins volumineux, soutiens gorges, jarretelles – « dentelle »… « arsenal de la séduction », tout comme le « rouge Dior » ! –
    Quel tableau !

    Seul celui (le tableau) de Degas apporte une autre touche : une certaine délicatesse.
    Car rien n’est pire que ce violent examen de ces deux corps, en pleine lumière.

    Nous sommes comme plongés dans l’antre d’un médecin légiste : c’est aussi peu ragoutant.

    Non pas une autopsie, mais une description minutieuse de certains organes – en plein déchaînement paroxystique.
    On relève d’ailleurs les mots : « acte… clinique », « sexe mécanique », « planche anatomique », « écorché de cire », « muqueuse », « bave », « sécrétion visqueuse »…

    De quoi vraiment donner… la « nausée » !

    • Je remarque que seules la table en acajou et la moquette ont le droit à une remarque sur leur esthétique, ce sont des merveilles ; aucun adjectif flatteur pour ces deux femmes… Si, peut-être « des gros seins fermes », mouai…

  3. –  » Une amie ? Un auteur venu implorer les bonnes grâces de cet homme si puissant ? »
    Ô mazette « puissant » !
    Il porte la moustache, est normalien, a l’accent de Marseille ?

    – « La peau de lait de la fille paraît encore plus claire sur l’acajou rouge sombre. »
    Vous saviez qu’un ris de veau de qualité doit présenter une couleur de chair blanche et non rosée ? Oui, vous le saviez.

    Bonne année à tous !

  4. L’éditeur porte une ceinture et non un ceinturon;et c’est avec cette ceinture qu’il fouette la meuf…et pas au début !

  5. L’amitié de la boîte, c’est loin d’être suffisant.

    La mOItié de la bIte, c’est loin d’être suffisant.

    • J’allais y venir… et je balance quand même mon post !

      « Le maestro et les… quinquas, sur Causeur –
      Oui mais cette fois, des quinquas « périmenopausées » (ouaf !) – nouvelle mode évidemment ricaine – qui s’envoient en l’air avec des jeunes gens.

      Encore du sperme perdu… donc un genre qui sera forcément interdit sur le sol de la vieille Russie… en manque d’enfants.

      Après un « grand succès romanesque » – « The first great perimenopause novel », s’enthousiasme le New York Times (re-ouaf),
      deux films : le 1er (2022) avec Emma Thompson, qui doit valoir le coup (!),
      le 2d « Baby girl » (re-re-ouaf, rien que le titre…) avec la N. Kidman, un tas d’os tout refait.
      P*tain khon, quelle avancée révolu-tionnaire dans les « moeurs »…

  6. le grand hôtel particulier transformé en maison de verre
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    Whose house is of glass, must not throw stones at another.
    Celui qui habite une maison de verre ne doit pas jeter de pierres à autrui.

    Jacula Prudentum [Prudentes éjaculations],de George Herbert

    https://quod.lib.umich.edu/e/eebo2/A74632.0001.001/1:10?rgn=div1;view=fulltext

    Ce proverbe,qu’on rencontre dans bien des pays d’Eurpoe,est interprété ainsi:ne critiquez pas un défaut chez quelqu’un si vous même souffrez de ce même défaut.

    Alors pourquoi cette maison d’édition est-elle une maison de verre ?

    Frédérique est aussi vicelarde que son patron et se garderait bien de le blâmer.

  7. Petit calcul:
    Frédérique réalise que le phallus enfin libéré de son fourreau de chair peut faire 24 ou 25 centimètres de long
    Abouté tout au fond du fourreau, il garde encore dix bons centimètres de chair à part lui.

    Donc la profonedeur de la chatte est de 15 cm au plus.

    (Mais des dents à la gorge il y a 24 ou 25 cm)

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