Comment noter le Bac avec justice

Geneviève Fioraso, qui se croit de plus en plus ministre de la Chose éducative depuis que Vincent Peillon est aux abonnés absents, s’est longuement expliquée ce mercredi sur l’info parue dans le Figaro (1) et (2).
Rappel des faits : l’Académie d’Orléans-Tours probablement peuplée d’élèves ignares, a eu l’année dernière l’un des taux de réussite au Bac parmi les plus bas de France. Et l’administration, qui compte ses sous (voir ma Note précédente) d’appeler les correcteurs, cette année, à faire preuve de plus de mansuétude…
Inutile de noter sur 24 — ce qui s’est fait par le passé dans certaines épreuves de Maths du Bac S). Il suffit d’appuyer un peu plus que d’habitude sur les épaules des enseignants.
Quels sont les arguments de Geneviève Fioraso, qui a en haine tout ce qui ressemble à un bon élève ou à un prof indépendant ? Comme elle est passée par le privé, la ministre ose des comparaisons : « Quand vous faites des évaluations dans les entreprises ou dans tout organisme, quand vous voyez qu’il y a une différence avec d’autres notations, vous vous interrogez sur vos critères de notations, ça, ça me paraît tout à fait normal. »
Et le « zéro défaut », ministre, tu en as entendu parler ?
Et d’avancer qu’une notation sévère (mais juste…) « pénalise » les lycéens, qui n’ont pas l’habitude d’être évalués sur leurs capacités réelles. Il faut « regarder les qualités des lycéens », et penser positivement. Au besoin en s’alignant sur les académies les plus performantes (comprenez : celles dont les taux de réussite correspondent aux désirs de la ministre des pédagos). Sinon, ce serait une « injustice ».

Je vais faire bref.

Collègues, mes collègues, qui cherchez depuis des années un moyen d’exprimer votre colère, vos frustrations, vos ressentiments, face à une administration qui vous a jetés en pâture à la FCPE, je vous en prie, obéissez à la ministre : notez justement.
Notez les copies et les élèves pour ce qu’ils valent : à copie nulle, mettez 1 (pas 0, il faut faire un rapport). Et des copies nulles, il y en a. Il y en a même pas mal. Refusez d’obéir aux injonctions d’un ministre de passage qui ne peut rien contre vous — c’est le moment ou jamais de vous souvenir que vous êtes fonctionnaires, et intouchables : notez le Bac, épreuve après épreuve, avec un sentiment d’équité parfait : appréciez les bons élèves, et renvoyez les autres, tous les autres, à la case Terminale. Ah, « ils » veulent 85% de réussite, au moins : mais bougres d’enfoirés, si les postulants-bacheliers sont notés en fonction de ce qu’ils valent, cela fera 85% de recalés.
Parce qu’il y a des années que les tripatouillages s’accélèrent. Déjà en 2000, la dernière fois que j’ai été convoqué au Bac : mais les pressions étaient encore orales, ils n’osaient pas l’écrire — maintenant, ils en sont aux menaces, alors qu’ils ne peuvent rien. Cette année-là, j’ai noté selon ma conscience (et c’est tout ce que je vous supplie de faire), et je n’ai plus jamais été convoqué au Bac — tu parles d’une frustration ! Plus jamais je ne me suis levé dans le petit matin blême pour courir à l’autre bout du département corriger des copies incohérentes et interroger des élèves tout farauds de ne rien savoir. À bon entendeur…
Oui, CORRIGEZ ET NOTEZ EN VALEUR REELLE. N’HESITEZ PAS. INUTILE DE SACQUER : LES COPIES PARLENT D’ELLES-MÊMES.
Et si la France entière, mise à genoux par une génération entière de grands sorciers de la pédagogie, le laxisme des uns, le libertaro-libéralisme des autres, se retrouve demain sans bacheliers, alors peut-être s’interrogera-t-elle sur ce que ces salauds ont fait de l’Ecole de la République. Peut-être s’interrogera-t-elle sur ce que nous devons tous aux enseignants, qui se désolent de ne pouvoir réellement infuser des connaissances solides et notent des TPE, et autres fariboles pédagogiques, en soupirant et haussant les épaules. Notez selon votre conscience, la ministre ne peut pas vous atteindre — et dans trois mois, six mois, elle sera remplacée et partira ailleurs mener le même travail de destruction bien intentionnée.
Oui : mettez aux copies les notes qu’elles méritent. Corrigez à fond. Allez-y.
Si vous obéissez ce coup-ci aux injonctions (mais qui est-elle, quels diplômes a-t-elle pour vous donner des ordres ? Pas même le CAPES — comme d’ailleurs la plupart des membres de son cabinet), il ne faudra plus jamais vous plaindre. Plus jamais.
Oui : c’est maintenant ou jamais. 2013, l’année de la Note juste. Notez-les pour ces belles années perdues, pour la morgue de leurs parents, pour la stupidité des ministres, pour la folie des pédagogues, pour les IUFM défunts et les ESPE en formation. Notez-les à leur juste valeur — juste en dessous du niveau de la mer.

Jean-Paul Brighelli

(1) http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/le-petit-tripatouillage-des-notes-du-baccalaureat-2196/
(2) http://lelab.europe1.fr/t/bac-genevieve-fioraso-dement-une-notation-sur-24-mais-reconnait-des-consignes-de-bienveillance-9693

35 commentaires

  1. Le BAC va ressembler aux bords de l’Erèbe après le passage de tous ces bébés-Brighelli … Brighelli serait-il la réincarnation du grand Charon le nautier corse ?

  2. Merci beaucoup pour cet article !!! Et bravo !

    Mais les inspecteurs n’ont-ils pas le pouvoir de remonter les notes d’une simple mouvement de cil ?
    bien cordialement
    ffffffffffffff

    « mais qui est-elle, quels diplômes a-t-elle pour vous donner des ordres ? Pas même le CAPES »

    Merci de m’avoir fait comprendre que je n’ai rien à faire sur ce blog. Pas assez diplômé.

    • Le CAPES n’est pas un diplôme mais un concours.
      Dans la fonction publique le niveau hiérarchique est construit sur celui-ci, qui est à la base du « mérite républicain ».
      C’est ce qui fonde la légitimité de la critique brighellienne.
      Au nom de quelle « compétence » (on notera ici la concession faite à la novlangue!) le ministre conteste-t-il les notes délivrées par des professionnels alors que lui-même (et ses sbires) n’ont jamais été étalonnés, même au premier niveau de recrutement, ce qui constituerait le minimum pour avoir un avis éclairé (dans la République française, bien sur, pas dans l’Hollandie éthérée).
      Dès lors on est fondé à penser qu’il y aurait d’autres objectifs derrière la remarque de la pécore, oui, mais lesquels?
      Serait-ce économique, démagogique, va savoir, ces choses-là sont rudes, il faut pour les comprendre avoir fait des études, ce nous rend donc indéchiffrables pour Fioraso…

      • Ce n’est pas parce que Bidochon 1er est en panne constante d’inspiration qu’il faut aussi lui retirer l’aspiration de son H.

        Ecrivons donc LA Hollandie même si la forme ne sauve pas le fond de sa vacuité abyssale.

        À la réflexion, le rendre… muet, ça se défend.

  3. Pour l’entrée à l’Université, suivons l’exemple de la merveilleuse Finlande prise en exemple par nos pédagogistes éclairés : sélectionnons drastiquement avec un nombre de places limité !

    Et allons plus loin dans l’imitation : permettons aussi aux lycées généraux de recruter eux-mêmes leurs élèves après l’enseignement fondamental (jusqu’à 16 ans).

    Pas sûr que ça plaise à tout le monde…

    • Hi iPid
      Tout vient à point à qui sait attendre. Welcome to the club, dont je suis membre avec bonheur depuis 30 ans.

  4. Cher Jean Paul,
    Je relaie bien volontiers ton appel à la résistance contre la sottise. Mais à ton « Notez juste !’, je substitue un mot d’ordre selon moi plus facile à suivre parce que plus rigolo : « Enseignants mes frères, faites ce qu’on vous demande, notez les tous 24 ! »

  5. Lorsqu’on voit les épreuves de mathématiques du bac S, il n’est pas besoin de relever les notes.
    Si un candidat n’a pas la moyenne, c’est qu’il est bien au dessous du niveau du baccalauréat et qu’il ne peut suivre un enseignement scientifique universitaire, sauf à baisser le niveau d’un enseignement universitaire.
    La question n’est pas celle du baccalauréat, c’est celle de l’enseignement donné.

  6. Le « pas même le CAPES » sonne très mal …

    Quel mépris pour les bataillons de professeurs des collèges, qui ont obtenu un concours extrêmement exigeant il y a vingt ou trente ans et n’a plus rien à voir avec les derniers reçus aujourd’hui …

    Ces « Capésiens » sont le dernier filtre avant le lycée : ils bataillent pied à pied pour ne pas envoyer des élèves effondrés en seconde.
    Mais ils ne sont pas écoutés par le principal qui les désavoue ou qui les envoie en commission d’appel, où ils sont bien souvent démolis.

    Votre condescendance les aidera pas …

    • Extrêmement exigeant ? Pour quoi « extrêmemement » ? N’est-ce pas un peu fort et même contre-productif dans le cas présent qui est de savoir comment noter le bac ?
      Disons, pour corroborer les propos brighelliens, que le CAPES fut longtemps un concours convenablement exigeant et qu’il peut l’être encore.
      Le bac fut extrêmement exigeant, puis convenablement exigeant, puis peu exigeant puis laxiste.
      Mais le bac est un examen et peut être exigeant. le CAPES étant un concours, il se soumet à la loi de l’offre et de la demande et son exigeance se plie aux capacités des candidats

    • Hmm… Aucun d’entre eux n’est ministre des univesités,n que je sache. Et ne se mêle donc pas de donner des ordres et des conseils à des gens infiniment plus diplômés et compétents qu’eux.
      Ma formulation est peut-être maladroite — mais l’idée est juste. Ils n’ont donc pas un seul diplômé, au PS, pour entrer rue Descartes ?
      Ce que je dis là je l’ai dit face à face au dernier Inspecteur général venu m’inspecter, et qui avait décroché l’agrégation sur tapis vert — au mérite, comme on dit chez les lèche-cul.

    • Pas de khondescendance chez JPB, mais la juste appréciation des faits et il a répondu d’avance à cette accusation injustifiée: « tout complexe d’infériorité se soigne en dénigrant ceux qui vous dépassent »

      Ite missa est

  7. Ça me rappelle mon professeur d’anatomie !

    « Quand la barre était à huit, vous aviez tous sept. Vous avez voulu la barre à cinq ? Ne vous y trompez pas ! Vous aurez tous quatre … « 

    • Oui, mais si ma mémoire est bonne, vous nous aviez raconté un jour que ce professeur-là était un sadique…

  8. Le délai d’apparition d’un post est-il si long, ou une censure abrupte a rejeté mon post d’hier?!

  9. Ah? Aujourd’hui ça marche…mea culpa, j’ai ptet ben fait une couillonnade dans mon adresse mail!

  10. Qu’ai-je donc posté hier soir? Volatilisé…en gros: au Collège, cassez-vous le c…et les gosses passent en 2 GT avec 6 en F/HG/LV1/LV2 ! Comm’ d’appel oblige.
    Pendant que nous nous éreintons à essayer d »intégrer » des inintégrables coranisés et des sousprolétaires décérébrés, le tout étant nourri aux extraits de nabila&Co, et bien, pendant ce temps, les asiatiques -chinois, coréens, japonais…- et les indiens forment des milliers d’ingés. Pour rappel, ces peuples représentent le tiers de la population mondiale.
    Vieille France…trop vieille, bientôt à l’hospice, poussée dans le précipice par les politicards démago prêts à tout pour se remplir les poches.
    Le pays n’ayant plus assez de bras valides pour une saine révolte, conseillons à nos enfants de fuir le navire avant qu’il ne coule; pour nous les quinqua-sextagénaires c’est trop tard.

    Ah, les vacances arrivent! Tout ira mieux dans quelques jours, n’est-ce pas…

  11. Peine perdue : le Moloch est rempli de petits membres qui sont toujours prêts à corriger selon les canons en langueur.

    Pour rester relativement propre, vous pouvez aussi ne plus prendre de classes d’examen.

  12. Noter le bac avec justice c’est permettre à de nombreux cas désespérés d’être repêchés de justesse. On les appellera donc des repris de justice.

    Surtout s’ils n’ont rien fait …

  13. Est ce un hasard si ce texte est daté du 19 juin ?

    Malheureusement, le 19 juin 2013 ne sera pas le lendemain du 18 juin…

    L’appel du château d’If ?

    Mais avec des if, on remettrait tout l’univers dans une bouteille.

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