Tous les romans ne sont pas adaptables en films. Parce que le cinéma, par son étymologie même, est mouvement — et que certains livres décrivent (parfois fort bien) l’immobilité.
Ainsi le livre d’Annie Ernaux, Passion simple, adapté par Danielle Arbid, qui a cru intelligent de montrer les échanges de fluides, si je puis dire, entre cette femme et l’homme dont elle est prise et éprise. Alors que dans le récit A. n’apparaît jamais — puisqu’elle l’attend sans cesse —, il est omniprésent dans le film, à commencer par l’affiche. Danielle Arbid n’a rien compris.

Les scènes érotiques, au cinéma, ne peuvent se contenter d’être de jolis moments filmés dans des lumières solaires (c’est le cas dans Passion simple) ou des clairs-obscurs suggestifs — rappelez-vous l’Amant, le film le plus raté de Jean-Jacques Annaud, tiré du roman homonyme tout aussi inadaptable de Duras (d’ailleurs, Arbid montre l’héroïne regardant Hiroshima mon amour, ah ah, l’étrange étrangeté de l’amant, japonais chez Duras, russe ici, patati-patata). Elles doivent avoir du sens — c’est ce qu’a fort bien réussi Oshima (mais bon, on se situe à un tout autre niveau) dans l’Empire des sens, qu’Ernaux évoque d’ailleurs dans son roman. Ou Pasolini dans Salò, l’un de ces films-limites qui ont marqué l’histoire du cinéma.
Pratiquement, une ellipse élégante (vous rappelez-vous la scène sur la plage entre Burt Lancaster et Deborah Kerr dans Tant qu’il y aura des hommes ?) ou une métaphore amusante (ah, la fin de la Mort aux trousses, avec ce train s’engouffrant dans un tunnel — ou la couverture qui s’effondre à la dernière image de New York-Miami, quand Clark Gable sonne les trompettes de Jéricho avant de se jeter sur Claudette Colbert) sont d’une efficacité bien supérieure, que ce soit au cinéma ou en littérature : « Elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et, défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure, elle s’abandonna. » Et puis c’en est fini de cette « baisade », comme disait le bon Gustave, qui l’inquiétait si fort. Un blanc, le temps que l’acte s’accomplisse. Le moins, c’est le plus.
Frédéric Dard, qui n’a jamais hésité lui-même devant le radada, mais en l’explicitant de façon rabelaisienne, explique dans l’un de ses San-Antonio que le sommet de l’érotisme, pour lui, c’est Julien Sorel qui dans le noir prend la main de Mme de Rênal. Ces dix doigts qui s’étreignent — et rien de plus.

Je ne m’attendais pas, je l’avoue, à ce qu’Annie Ernaux soit en lice pour le Nobel. Il y a quatre jours, les paris allaient bon train, et les bookmakers la plaçaient quasi à égalité avec Haruki Murakami. Patatras, ce fut Abdulrazak Gurnah, qui cochait quelques cases de plus dans le politiquement correct : Ernaux se contente d’être une femme, mais dans le registre de l’intersectionnalité des luttes, Gurnah est noir, Africain et anticolonialiste. Irrésistible. Au passage, ses œuvres sont pour le moment introuvables en France, la petite maison d’édition qui le publiait a fait faillite.
Et j’avoue qu’Ernaux n’est pas ma tasse de thé. Pas du point de vue littéraire — cette « fameuse « écriture blanche » qui tend vers ce degré zéro de l’écriture que Barthes croyait une fiction inatteignable… Et pas du point de vue personnel, la dame ayant signé toutes les pétitions les plus absurdes, dans le genre intersectionnel, des dernières années. Mais cela arrive, en littérature, on peut ne pas aimer un écrivain, on peut même le trouver d’une bêtise à bouffer du foin et lui reconnaître un vrai talent — voire du génie.

Ernaux, dans Passion simple, part d’un postulat (auquel le film n’a rien compris) d’une lumineuse évidence : être en passion, c’est être possédé par l’Autre — et donc, dépossédé de soi. De la narratrice, prof de Lettres (que fut Ernaux), mère de famille (mais ses enfants sont grands, l’idée du film de ne lui en affecter qu’un, et enfant, participe de la recherche désespérée de scènes à faire) et quinquagénaire (là aussi, le film, qui met en scène Laetitia Dosch, alerte quadra, a choisi de tricher) amoureuse d’un homme plus jeune (mais pas le danseur professionnel transparent qu’est Sergei Polunin) qui ressemble un peu à Delon, il ne reste dans le livre qu’une voix qui tente de ne pas sombrer dans la passion et cherche des traces de son aventure dans tout ce qu’elle lit, d’Anna Karénine à la presse féminine — d’où l’exergue emprunté à Barthes : « Nous deux — le magazine — est plus obscène que Sade ». Comme aurait dit Starobinski, on est en plein concernement, dans la manie de se reconnaître dans des textes qui n’ont pas été écrits pour vous.

Réduite à n’être qu’une voix — d’où la nécessité de faire court, Ernaux règle tout en 60 pages —, la narratrice erre ainsi entre des lambeaux d’elle-même, tente de se réunifier en s’achetant de jolies choses à porter lorsque l’Autre — qui n’en a cure — viendra la déshabiller, feuillette des magazines pour midinettes parce qu’elle se sent des affinités avec toutes les Bovary ou Karénine modernes, et jongle (fort bien) avec les pires lieux communs de l’amour, en restant sur la croûte supérieure de Nous deux et d’Harlequin. Parce que la passion rend idiot — c’est même sa marque de fabrique : on peut être amoureux et intelligent, mais la passion ravage l’intellect plus sûrement qu’un Alzheimer.

Mais surtout, Ernaux évite de décrire l’amour physique. Le mot « sexe » apparaît trois ou quatre fois, de façon désincarnée (il s’agit alors de celui de l’Origine du monde) ou purement clinique. C’est toute la différence avec Christine Angot, degré zéro du degré zéro, qui dans le Marché des amants racontait dans le détail combien « Bruno » / Doc Gynéco la sodomisait bien. Et alors ? Flaubert en montrant Emma tendre un nerf de bœuf à Charles, ou Mme de La Fayette décrivant la Princesse de Clèves qui caresse les rubans de la canne du duc de Nemours, en disent cent fois davantage que ces romanciers ou cinéastes interrompant la narration pour que leurs personnages jouent à la bête à deux dos. Quand on veut écrire d’amour, le moins est le plus. « Tu es… tellement tellement », dit fort bien Yves Montand dans un sketch célèbre joué avec Simone Signoret.

Evidemment, vous pouvez inverser le mécanisme, et vous concentrer sur les scènes d’amour physique. Primo, c’est très difficile si l’on ne veut pas lasser le lecteur. Ensuite, cela appartient à un autre genre : la pornographie, justement, s’écrit et se montre — mais ce n’était pas le propos d’Ernaux, et malheureusement, c’est un peu celui de Danielle Arbid. Beaucoup d’étreintes — et encore reste-t-on à mi-chemin de l’amour physique réel, avec gros plans, pénétrations variées, contractions sphinctériennes et dégoulinades.
La nouvelle (parler de roman serait exagéré) travaille dans l’hypotypose, cette capacité à faire surgir des images dans la tête du lecteur sans les décrire. Aussi bien l’héroïne est-elle elle-même travaillée par le mécanisme, qui imagine les étreintes de son amant avec son épouse- — toujours sans nous en faire part, et c’est heureux.

C’est que l’amour tend vers le silence. « Je t’aime », « je t’aime aussi » — et après on se tait, le gémissement et le cri sont des variétés du silence. Barthes a merveilleusement expliqué cela dans les Fragments d’un discours amoureux. Sans doute aurait-il apprécié le récit d’Ernaux, qui reste constamment en-deçà, parce que c’est le seul moyen littéraire d’exprimer cet au-delà des mots qu’est la passion réelle.

Jean-Paul Brighelli

PS. Gallimard a sans doute fait sur le film la même analyse que moi : ils n’ont pas cru bon de rééditer le petit roman d’Ernaux, que l’on ne trouve que dans les soldes.

102 commentaires

  1. JPB a écrit :
    « Le sommet de l’érotisme, pour (…) Frédéric Dard , c’est Julien Sorel qui dans le noir prend la main de Mme de Rênal. Ces dix doigts qui s’étreignent — et rien de plus. »

    Dans le genre elliptique minimaliste, il y a aussi, dans L’Education Sentimentale, le récit de la dernière rencontre entre Frédéric Moreau et Mme Arnoux, et le comble de l’érotisme est atteint lorsque Frédéric Moreau lui avoue : « La vue de votre pied me trouble. »
    Flaubert met fin à cette rencontre avec le génialement laconique « Et ce fut tout. »
    Alors oui, à coup sûr, C. Angot a beaucoup à apprendre. Annie Ernaux a, quant à elle, beaucoup de talent. Et merci à JPB pour ce très beau billet.

    • « La vue de votre pied me trouble. »
      Fée, passion et longs pieds ont toujours fait de l’effet, mais parler de comble de l’érotisme me semble exagéré.
      Oui, il y a une contrepèterie .

      • Passion/longs deviennent « llation/pom ».
        Une contrepèterie pour la bonne bouche !

  2. Ravi de pouvoir à nouveau lire votre prose, Jean-Paul. Je vous souhaite un excellent retour.

    (Vous auriez pu prévenir.)

  3. Le roman était vraiment mauvais…A l’époque, on s’était pas mal moqué d’Annie E. pour avoir écrit une bluette type Harlequin…

  4. Trouvé sur Babelio
    « C’est l’histoire d’une bourgeoise qui s’est fait motoculter par un alien venu de l’est. Le hussard, il lui a fait le coup de l’Orient-Express, tu vois, par-dessus le mur de Berlin en misant sûrement tout sur son cierge… Mais la pouliche, elle le kiffait tellement grave qu’elle en mouillait ses serviettes Tena rien qu’à se remater le making of.
    La meuf elle est plus trop fraîche, tu vois, du genre date limite courte, et elle se tape des soirées bridge avec des as de la cafetière, des mannequins qui chauffent du bulbe mais pas tellement de la braguette. Or voilà qu’elle est tombée sur un James Bond roumain, tchèque ou ruskof — on sait pas trop — avec la devanture d’Alain Delon dans Les Aventuriers.
    Ça l’a fait chavirer la gonz, tu penses bien, en plus il est pas de la même promo qu’elle, facile dix rouleaux de moins dans l’almanach, et même s’il siphonne autant que Boris Eltsine, il pète la calamine mieux que Pop’eye, il est sapé Armani et il se la joue BMW. Toutes les bergères, elles le passent aux rayons X, tu penses, et voudraient bien se faire presser le pamplemousse mais lui il préfère la vioc pour le changer de sa routinière.
    La nana avec son bic et ses crayons de rimmel, elle se doute bien qu’il finira par lui lâcher le compotier un jour ou l’autre, mais elle se projette pas trop dans son planning. Alors, entre deux petits coups de polish, elle carpe diem tout son flouze dans les boutiques Nelcha, elle champollionne des mots croisés en regardant Roland Garros ou se fait tirer la courte paille dans l’horoscope du Figaro madame. »

  5. Sept commentaires en trois jours:
    Le BdA nouveau, inspiré par le voeu et l’acquis, ne motive pas les lecteurs.
    Je le répète, il faut revenir aux articles politiques et polémiques.
    Pour qu’il réagisse, il faut fâcher le lecteur !
    Oui, il y a… (deux)

    • Patience. Vous vous souvenez sans doute qu’après l’élection de Macron nous ne devions plus entendre parler que de cinéma et de littérature.

      En attendant il y a Josip, l’amant secret de Raphaël Enthoven.

      • Mais est-ce que le lectorat reviendra dans ce bouge infâme… ?

        Tous les caprices ont un prix.

      • Enthoven? Il y a erreur sur la personne. Dans l’ancienne version de BdA, c’est l’excellent cyrano58 qui avouait un penchant certain pour le bellâtre philosophe de salon…Et puis penser une seule seconde que je puisse m’intéresser aux kleenex usagés de Carla B…., c’est fort désobligeant !
        Quant à moi c’est plutôt pour un autre auteur de blog que JPB que j’en pince. « La pompe à phynances », ça vous dit quelque chose? Toujours bluffant de rigueur, de cohérence et d’humour stylé. Essayez, vous verrez.

      • Vous souvient-il, Brighelli, que naguère, suite à une de vos remarques très marxisante, je vous fis la proposition d’écrire pour vous quelques billets polémiques fortement ancrés à gauche, que naturellement vous signeriez? Vous aviez alors répondu, amusé, que c’était bien la première fois que quelqu’un se proposait d’être votre nègre, vous qui l’aviez été si souvent pour d’autres…
        Eh bien je crois que ma proposition serait validée par abcmaths, sinon par vous! Dommage.

    • Les plus anciens d’entre nous se souviennent aussi qu’à l’époque où il ne racontait pas n’importe quoi Jean-Noël Brighelli arborait un Daniel Craig musculeux sous le doux nom d’Abraxas.

  6. Onfray s’interrogeant sur ce qui pourrait, aujourd’hui, se faire pour rendre les honneurs à la grande hauteur qui sont dus à Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération.

    Vous vous étiez surpris, Monsieur Brighelli, d’entendre la bande son de la publicité Frolic accompagnant la dépouille de Bébel quittant la cour d’honneur des Invalides (Ennio Morricone ayant cédé les droits de son vivant à la célèbre marque alimentaire pour chien) suscitant un torrent de larmes parmi les invités présents ; l’émotion fut à son comble, nous nous souviendrons des crispations de mâchoires de Brigitte sur l’intro de Chi mai afin de garder toute la dignité que sa fonction oblige . La question du philosophe se pose légitimement.

    https://youtube.com/watch?v=a58iYI6e1GM&feature=share&fbclid=IwAR3Ez6OV7UUwzAJNBnk0V0_YNmWZ2JBjuD_fncBL_EDIqCFbsxTDHsKQpRc

    • Question qui aurait passionné l’intervenant Dugong, dans un temps ancien sur Bonnet d’âne. Il se serait plié à l’exercice, aurait offert une proposition de célébration d’une grande modernité, sans commune mesure et de ce goût tellement sûr et approprié qu’on lui connaît, gagnant l’avis de tous à n’en pas douter, sauf, peut-être, celui de P. Driout.
      Ces deux messieurs manquent cruellement, qu’on leur fasse savoir.

  7. Il y a des moments où il faut nommer les choses pour ce qu’elles sont : si le racisme (car c’est bien de cela qu’il s’agit) clairement assumé et revendiqué de l’un de ces deux messieurs vous manque, grand bien vous fasse.

    • Le racisme d’un homme qui a hébergé un migrant d’origine africaine et ce durant une longue période (pouvez-vous en dire autant ?) me fait doucement sourire. Homme à qui il serait difficile de faire la leçon sur le rejet social, sa fonction, son mode d’emploi, il n’a rien à apprendre de personne sur la question.

      Que voulez-vous , leurs échanges passionnels étaient savoureux.

      • cher Pedro, peut être n’est-il pas toujours si facile pour une sirénien de refaire surface !

      • Un jour, si vous êtes sage, je vous raconterai ce que mes convictions m’ont amené et m’amènent encore à faire de concret. Ce qui me donne le droit de répondre à votre question : oui, je peux en dire autant, a minima.

  8. 1) intervention d’Onfray : laquelle ?
    2) les gens de gauche, c’est bien connu, n’hébergent pas d’africains (migrants par ex) ; ils les utilisent pour faire la popote ou promener leur marmaille ;
    3) si Dugong a tenté de se pendouiller à l’un de ses cerisiers, et si c’est la faute à JPB, attention ! ça va faire mal !

  9. Dugong is alive !
    Je me repose de toutes les khonneries que j’ai pu proférer durant toutes ces années. Le champ des possibles est encore très ouvert (aussi bien dans le khul que dans le politique, voire dans le khul des politiques). De même, en ékhologistreries, tout ce qui n’est pas impossible est fatal.
    A suivre…

    • Ce n’est effectivement pas la mer à boire sauf s’il s’agit d’une installation off-shore

  10. « Dugong is alive ! »

    Damned. Inflation d’hydrure de potassium et d’apostrophes balkanoïdes à prévoir…

  11. en réponse à Denis F : il semble en effet urgent de voler au secours du Pierrot qui se noie, depuis le 1er juin, dans une ritournelle sans fin pour les beaux yeux de feu Patou – hormis quelques escapades dans la réalité ;
    il était très bien ici, aimé comme il se doit !
    (je n’arrive plus à me twitteriser – comme tout le monde, ce soir – pour le lui dire ; je commence d’ailleurs à m’y perdre dans les pseudos, les trucs et les machins).

  12. « je commence d’ailleurs à m’y perdre dans les pseudos, les trucs et les machins. »
    Attention à ne pas confondre Sandrine et Paul !
    Sandrine, c’est pas Paul.
    Oui, il y a …

    • « Scarred old slaver knows he’s doing alright », ça peut tout de même interroger, non?
      Cela dit, on sait bien que Jagger était prêt à vendre père et mère pour réussir une bonne vieille provoc’, susceptible de faire le buzz autour des Stones pendant x semaines…Sacré filou, le Jagger !

      • Il paraît que c’est Lordon qui a écrit les paroles de Brown Sugar, sur un coin de table, un soir de beuverie avec Assa Traore (groupie) et Lucky Melench (rocker hologramme).

        • Possible en effet. On perçoit clairement la thématique marxo-spinoziste dans ce texte plein d’une ambiguïté savamment voulue. Et les temps forts de la scansion tombent systématiquement sur les accords en open tuning de Keith Richards, signe qui ne trompe pas. C’est du Lordon tout craché.

  13. https://www.marianne.net/culture/marianne-vous-remet-a-niveau/ce-17-octobre-1961-a-paris-une-manifestation-du-fln-algerien-reprime-dans-le-sang
    « A day of infamy » . Ça s’est passé en plein Paris il y a 60 ans, au temps béni des colonies (mais leurs jours étaient comptés) où on faisait suer le burnous.
    Je tiens à rappeler ici la chaîne des responsabilités dans cette soirée de honte, par ordre croissant de pouvoir décisionnaire:
    – Maurice Papon, Préfet de Police de Paris
    – Roger Frey, Ministre de l’Intérieur
    – Michel Debré, Premier Ministre
    – Charles De Gaulle, Président de la République.
    Mais bon, hein, après tout, les victimes, ça n’était que des sales bicots, avant-garde du grand remplacement, à qui les flics voulaient donner gracieusement des leçons de natation.
    Vive la République, garante de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité,
    Et vive la France, pays des droits de l’homme.

    • Larem(non « ontada ») continue sa distribution d’enveloppes et de bons sentiments ; il s’agit de ratisser large ; après un plaque dévoilée (!) à Moussa Ouakid, des « pardons » au Harkis, voici enfin venue la reconnaissance Du « crime d’Etat » ;
      Sans vouloir comparer – il ne s’agit que de petites bavures lors d’une petite lutte de classe – y aura t’il un jour reconnaissance d’un crime d’Etat pour avoir éborgné et gravement blessé quelques gueux ?

    • Calmez-vous, Josip !
      Repentant à l’approche de l’élection, le candidat roule quelques badins, c’est tout !
      Oui, …

    • merci à vous ; vu et lu ; cette fois, je vais m’arranger pour le voir ! hors de question de laisser filer un Ridley Scott !

  14. À chaque message de Josip, un petit chien de philosophe analytique meurt dans d’atroces souffrances.

    • Vous m’encouragez à persévérer : je déteste les clébards. Presque autant que les vers à soie.

        • La philosophie, analytique ou pas, est obligée de s’incliner devant les faits. Ceux du 17 octobre 1961 sont avérés. J’en connais, comme vous sans doute, tous les tenants et aboutissants, grâce notamment aux travaux de recherche de Jean-Luc Einaudi (les avez-vous lus?). Dès lors, le sort des clébards, fussent-ils de philosophes, m’indiffère au plus haut point.

          • Bon. Vous n’avez manifestement pas compris où je voulais en venir.

            Mais tant que vous avez tonné…

          • Il n’y a aucun doute sur les faits.
            Pour ce qui est de leur interprétation, c’est autre chose. C’était une manifestation du FLN, et nous étions en guerre contre ke FLN, qui se livrait en Algérie à des exactions (un joli euphémisme, n’est-ce pas) abominables.
            À dire vrai, je m’étonne que l’Etat d’alors (mais De Gaulle avait déjà pris sa décision sur les accords d’Evian) n’ait pas ordonné de tout massacrer. C’était un pari (gagné) du FLN? alors même que l’OAS tentait d’assassiner De Gaulle. Mon père venait de rentrer d’Algérie, où il avait passé 18 mois à traquer les fellaghas. Je me rappelle très bien ce que cet homme de gauche pensa alors de cette manif.
            Je vais écrire quelque chose sur le sujet sur Causeur, tiens. Après tout, « rente mémorielle » est une très jolie expression — et il est fort rare que je sois d’accord avec Macron. Vu ce que le FLN arrivé aux affaires a fait de sa victoire, et de la rente du pétrole et du gaz, vu la misère dans laquelle le pouvoir là-bas a maintenu les Algériens, pendant que le Maroc et la Tunisie décollaient, je ne vois pas trop ce que l’Etat algérien présent, responsable des 250 000 harkis massacrés (c’est autre chose quand même que trois douzaines de manifestants) peut réclamer à la France. AU mieux, enterrons le passé et balle au centre. Mais ils en sont incapables, la France sert d’excuse à leur impéritie.
            Vous étiez né en 1961 ? Vous avez vu débarquer les Pieds-Noirs — les petites gens massacrés par le FLN ? Moi, je les avais comme voisins — et en classe. L’ambiance était… torride.

          • Vérités au delà de la Seine dans laquelle tant de ponts Mirabeau se sont écroulés ? Les thuriféraires des pires raclures cocos sont heureusement devenues einaudibles.

  15. A Bombyx:
    La compréhension étant un cas particulier du malentendu, il vous reste à clarifier pour moi où vous vouliez en venir. Car en effet, cela, je ne l’ai pas compris. Mais je reste ouvert à l’échange.

    Tonner pour tonner n’a pas grand intérêt. Le fameux « Indignez-vous » avait quelque chose de pathétique. Ce qui me paraît important, c’est de rappeler que les démocraties sont capables du pire, et que ce pire peut être commis par ceux-là mêmes qui n’ont que le mot de démocratie à la bouche. Actuellement, en France, ce rappel me semble indispensable.

  16. « je m’étonne que l’Etat d’alors […] n’ait pas ordonné de tout massacrer »

    Moi aussi.

  17. « au mieux, ENTERRONS LE PASSE et balle au centre. Mais ils en sont incapables, la France sert d’EXCUSE à leur IMPERITIE ».

    En 1961, ici, dans les provinces, c’est alors qu’on a recommencé à fermer sa porte à double tour et ses volets ; c’est du moins un de mes rares souvenir de l’époque, entre ma grand-mère, d’un côté, qui affichait les portraits des généraux sur un mur de sa cuisine, et de l’autre, mon grand cousin, à Paris, que ses parents allaient, de temps à autres, cueillir au poste de police du quartier…

    Beaucoup plus tard, mon chum pied noir m’a parlée, peu raconté à vrai dire – rares sont ceux qui ont souffert, qui s’épanchent sur les blessures endurées, gamin.

    Grand-parents, italiens d’un côté, espagnols de l’autre, partis pour fuir des temps difficiles ; de petites gens, comme beaucoup là-bas, dont les enfants ont pu commencer à se bâtir une vie meilleure, sans problème particulier de voisinage, si je puis m’exprimer ainsi ; on savait alors vivre en bonne entente.

    Puis sont venus les temps troubles, et les temps de l’horreur ; comme le jour où, le bus, à Alger, avait un tel retard, que sa mère et lui ont continué à pied, et, au bruit d’une très forte explosion, se sont retournés pour voir l’arrêt de bus voler en éclats.

    Et jusqu’au jour où, rentrant après l’école pour le goûter, chez son copain, ils ont trouvé les parents de ce dernier, salement égorgés.

    C’est alors que le retour en France, en catastrophe a été décidé… pour d’abord quelques temps à… Rennes ; très lourdes images pour un gamin qui n’a pas ouvert la bouche d’une année, isolé au milieu des autres à l’école, avec ses terrifiants souvenirs et… la grisaille bretonne, si loin du bonheur simple, et surtout de la mer et du ciel bleu.

    C’était la guerre, et, comme toujours, avec les pires exactions commises, de chaque côté, et ce qui peut en rester dans les mémoires.

    Je ne sais quoi penser de cette « rente mémorielle », mais je sais que JPB saura, lui, en dire quelque chose d’utile.

  18. Dugong a écrit :
    « Les thuriféraires des pires raclures cocos sont heureusement devenues einaudibles. »
    Cette phrase est pitoyable et ne vous honore pas.
    Thuriféraires : des noms !
    Pires raclures cocos : des noms!
    Einaudibles: sans J-L Einaudi, ce qui s’est réellement passé le 17 octobre 1961 serait inconnu de vous et moi.
    Et surtout : l’inaudibilité est variable et volatile. Cassandre en est l’archétype. En 1934/35, Churchill était inaudible. Les inaudibles d’aujourd’hui sont les porteurs de vérité d’hier ou de demain.

  19. JPB a écrit :
    « Je vais écrire quelque chose sur le sujet sur Causeur, tiens. »
    Bonne idée. Mais alors faite preuve de hauteur de vue et adoptez une vraie perspective historique. Évoquez le 8 mai 1945 à Sétif, qui explique tout. Cette sale guerre d’Algérie a commencé ce jour-là, pas en 1954

  20. La vérité sortira donc d’un puits de science, de celui qui aura le plus de lectures à son actif, de références, qui fera preuve de « hauteur de vue », de « perspective historique »… !
    (c’est comme votre fierté d’avoir un jour évoqué Guingouin, aperçu au détour d’une émission, ou que sais-je) ;
    la chair, le sang, l’humain, le vécu, les sentiments ce n’est pas pour vous ;
    Ah, si seulement les « inaudibles » d’aujourd’hui étaient porteurs de « vérité », pour éviter le pire qui s’amène, à pas de géants, dans un très proche avenir !

    • Ne parlez pas sans savoir. Guingoin, je l’ai découvert par les mémoires de guerre de De Gaulle. Oui, De Gaulle y exprime son admiration pour ce communiste qui entre en résistance en juillet 1940. Guingoin, probablement le seul communiste compagnon de la libération.
      Pour ce qui est de la hauteur de vue et à la perspective historique, je pense surtout à notre hôte JPB : dès qu’il s’agit de l’Algérie, son jugement me semble sous influence. Influence du souvenir de son père, influence de ses souvenirs personnels. Ça me paraît un peu léger pour prétendre à l’objectivité.
      Quant à me croire imperméable à la chair, aux sentiments, aux ravages du vécu, franchement c’est mal me connaître.

  21. je ne vois pas comment un jugement pourrait être « neutre » ; un jugement est toujours sous influence(s), me semble t’il ; et dans tout ce qu’il écrit, JPB exprime opinions, sentiments, visions, analyses (cf « mon » Dumas, parmi moult autres), bref, rien « d’objectif » ; l’objectivité n’existe pas ; il a vu, lu, réfléchi,comparé, etc… et s’y mêlent, forcément, et inévitablement – nous sommes humains – des souvenirs, des bonheurs et des meurtrissures ; c’est ainsi ; et sans cela, ni Histoire, ni Littérature, ni cinéma !… ni rien, d’ailleurs.

  22. Eh bien croyez-moi, je suis entièrement d’accord avec vous. L’objectivité n’existe pas, elle est hors d’atteinte.
    Mais : quand on évoque l’Histoire avec un grand H, on DOIT essayer de s’en approcher au plus près. J’ai l’impression que notre hôte fait fi de cette obligation intellectuelle.

  23. bien ! cher hôte, vous savez ce qui vous reste à faire ; c’est une « obligation intellectuelle » : soyez « objectif « ! quand bien même l’objectif d’un appareil photo ne révèle, lui aussi, que ce que votre oeil, et donc votre subjectivité, en ont décidé.

    • Traveller, svp, soyons clairs : je pense que quiconque aborde la guerre d’Algérie (et ses événements périphériques) sans évoquer son déclenchement réel, Sétif 8 mai 1945, manque à une obligation intellectuelle impérieuse.
      Or si notre hôte évoque parfois l’Algérie, il ne parle jamais des événements de ce jour-là…Oubli? Autocensure ? Ignorance ? Chi lo sa…

    • demain est un autre jour ! il est objectivement vraisemblable que je pisserai d’une autre façon.

  24. et en maths et physique : quid de l’objectivité ? – je n’y connais rien – mais quand on constate ici qu’abcmaths s’amuse et que dugong dit TDPQQRSR, nous n’avons, objectivement, aucune chance d’en savoir plus.

      • vache, teckel, « papy…  » : tout ça n’est pas sérieux ; néanmoins, objectivement, niveau nombre de commentaires, nous voici repartis, comme en 40.

  25. Je ne suis pas ennemi du colloque : je suis tout prêt à recevoir de Bombyx des leçons de philosophie analytique et de défense de la cause animale. De Traveller, des leçons de sentiments, de blessures du vécu, de stigmates divers et variés témoignant d’un certain degré d’humanité.
    Mais de leçons d’Histoire et de réflexions sur la subjectivité du travail de l »historien, non, vraiment pas. Les leçons viendraient-elles de Braudel ou de Toynbee, oui, je les recevrais avec plaisir et humilité. Mais n’est pas Braudel qui veut, ni Toynbee. En tout cas je n’en vois pas sur ce blog…

  26. « Réflexions sur la subjectivité du travail de l’historien » : 🐶 🐶 🐶

    (Réponse ce soir ou demain.)

Comments are closed.