J’ai, comme presque tout le monde, jeté un coup d’oeil – et un peu plus – sur les retransmissions des Jeux. Du coup, j’ai eu l’occasion d’entendre 9547 fois les journalistes déplorer les résultats dérisoires des Français. Tout en constatant la razzia chinoise de médailles…

Je raconte, dans Fin de récré (chapitre 16) qu’en 2007, 9 millions de Chinois (sur 1,3 milliards) ont passé l’examen d’entrée en Université – ce qui est le plus proche du Bac français. Et que 58% le réussirent. Donc, en première année en 2008, à peu près 5 millions de Chinois en fac(s). Contre 2,3 millions de Français…

Vous avez dit élitiste ?

J’avais ironisé dans une Note déjà ancienne sur l’enseignement du sport à l’école, qui comme toutes les autres matières, évite soigneusement de mettre les enfants en concurrence. Surtout, ne pas opposer les performances des uns aux contre-performances des autres. Ni les talents des uns aux autres talents des autres. Tous pareils, tous ététés, tous ébêtés.

J’ai enseigné des années durant en sections sport-études. Et j’ai pu apprécier l’univers schizoïde dans lequel on obligeait à vivre des gosses sommés d’être compétitifs dans leur sport d’élection, et conformes dans les autres domaines.

Pendant ce temps, on propose à notre admiration des « modèles » sportifs qui se battent comme des chiens contre d’autres compétiteurs ou contre le chronomètre. Pendant ce temps, on s’étonne de constater que nous sommes en récession (l’information date un peu, nous le savions déjà l’année dernière, mais en l’affichant aujourd’hui, on croit préparer les Français à des mesures qui permettront à quelques-uns de gagner toujours autant sur le dos de ceux qui se serreront la ceinture), et que les Français ne se battent guère pour s’en sortir – et je ne vois en l’état d’autre moyen de le faire qu’en arrachant des concessions d’envergure, non en acceptant de travailler plus pour ne pas mourir de faim.

Nous avons perdu l’envie de nous battre. Un entraîneur heureux (étranger, forcément) auquel on demandait comment ses poulains arrivaient à de tels résultats répondit, sidéré, au journaliste français : « Avec du travail, beaucoup de travail… »

Mais certains, chez nous, en savent davantage, et un ancien ministre (toujours le même : la Gauche étant aux abonnés absents, il a décidé de représenter l’opposition à lui tout seul, c’est-à-dire de quémander un poste en faisant semblant de faire de l’opposition : dois-je vraiment le nommer ?) persiste à reprocher à Darcos des programmes du Primaire où il était question, pour la première fois depuis trois décennies, que les enfants travaillent davantage. Et le ministre a partiellement entendu cet argument étrange en acceptant que la Grande Section de Maternelle n’apprenne pas certains rudiments de lecture, que la division ne soit plus étudiée qu’en CE2, et que passé et futur antérieurs disparaissent des programmes jusqu’au collège – après que les élèves auront appris les temps simples, pour lesquels il faut bien cinq ou six ans d’études…

Alors, ne gémissons pas sur le fait que la Corée du Sud ou la Jamaïque (ou la Grende-Bretagne, ou…) réussissent mieux que nous. Ne nous étonnons pas sur le fait que les Chinois, vivant au sein du système le plus férocement darwinien au monde, raflent tout ce qui passe de doré à leur portée. Et reprenons les choses à la base.

Evidemment, l’Ecole ne peut pas tout. Les parents pourraient aussi accepter de faire transpirer Moncoeur et Monchéri – ou, tout au moins, d’enlever la télé de leurs chambres. Mais là, je rêve.

 Jean-Paul Brighelli

 

PS. Je sais : j’ai promis une Note sur le Nouveau Lycée. Mais il est comme le Beaujolais, il n’est pas encore arrivé. J’aurai plus d’éléments à la fin du mois.