Ainsi donc, l’oracle a parlé : mardi 7 décembre, la Pythie PISA a déclaré que :
– Le niveau des collégiens français a globalement baissé, particulièrement dans les matières scientifiques ;
– L’écart entre garçons et filles se creuse — ce qui donne encore une fois raison à Jean-Louis Auduc (1), qui voudrait bien sauver les garçons, mais qui n’en peut mais, dans un système qui laisse les petits caïds accabler les « intellos ». De façon significative, les garçons s’en tirent mieux que les filles dans le décryptage des « textes non continus » (les graffitis ?), alors que ces demoiselles, probablement, dit l’enquête, parce qu’elles ont des habitudes de lecture différentes, sont plus à l’aise avec Guerre et paix ou Harry Potter ;
– Pire : le fossé entre les meilleurs élèves (dont le nombre s’accroît très légèrement) et les gosses à la ramasse est désormais un gouffre. Nous sommes désormais champions du monde du grand écart (et seuls ces 32% d’élèves de bon niveau, taux vraiment considérable par rapport à nos partenaires et concurrents, permettent au pays de figurer dans la moyenne de l’OCDE). Ce qui ne peut signifier qu’une chose : nous sommes désormais installés dans une école à deux vitesses. Quand je pense qu’il y en a encore pour exiger un collège encore plus inique — pardon : unique — et des ZEP toujours plus ghettoïsées… L’assouplissement de la carte scolaire a profité aux initiés, et coulé davantage ceux dont la compréhension fine du système laisse à désirer. Et les pédagogies molles ont fini de détruire ceux à qui elles s’adressent prioritairement. Cela fait des années que nous dénonçons la collusion du pédagogisme et du libéralisme le plus débridé. Eh bien, les résultats nous éclaboussent en pleine figure. Je ne prends PISA que pour ce que c’est — une vision flash d’un certain état du système, qui demanderait des affinements particuliers, au niveau des programmes par exemple. Mais le fait est que l’enquête internationale nous tend un miroir peu séduisant ;
– Pire encore : PISA nous apprend que l’origine sociale a un impact déterminant sur le niveau — en clair, les riches ne sont pas forcément plus intelligents, mais ils sont diablement mieux informés que les pauvres ;
– L’Ecole maternelle est encore ce que nous avons de plus fiable : les élèves scolarisés précocement ont 100 points d’avance en moyenne sur ceux qui ne l’ont pas été, particulièrement lorsqu’ils arrivent de l’étranger et ont commencé leur cursus dans des pays sauvages non signalés sur les repères PISA ;
– Les relations avec les enseignants s’améliorent, par rapport à PISA 2000 — ces salauds d’enseignants qui s’acharnent pourtant à mettre des notes et à prononcer des redoublements…
– Et ce ne sont plus les pays à système éducatif compréhensif qui sont en tête du classement, mais les contrées les plus sauvagement coercitives — Chine (Shangaï et Hong Kong particulièrement), Corée du Sud, Singapour et Japon. Quelques pays anglo-saxons, avec un système d’écoles privées performants, s’en tirent bien (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). La Finlande commence à pâlir, comme l’ensemble des pays scandinaves — à quoi ça servait que les ministres y aillent régulièrement en pèlerinage, hein… La France, jadis modèle universel, est dans le ventre mou du classement, quelque part entre Etats-Unis et Portugal. Bravo. Encore un effort, et nous sombrerons tout à fait.

Pour être tout à fait complet, précisons que cet écart infâme entre bons élèves et élèves en difficulté caractérise, outre la France, quelques pays violemment démocratiques, comme Israël, le Qatar ou Dubaï, ou merveilleusement égalitaires, comme l’Argentine ou Trinité-et-Tobago. Ou des pays dans lesquels le poids du privé confessionnel se fait rudement sentir,  Belgique ou  Luxembourg. On applaudit bien fort.

Aucune nouvelle réelle dans ces informations. Nous payons cash les pédagogies mises en place après la loi Jospin — ce sont des élèves d’une quinzaine d’années qui sont évalués, ceux dont la scolarité s’est entièrement déroulée sous l’ère Meirieu, Dubet et alii.
Aucune surprise non plus dans les réactions qui déjà se font entendre. Puisque l’écart entre les classes (sociales et scolaires) se creuse, réduisons-le en descendant encore le niveau, en cassant les derniers thermomètres, en imposant aux meilleurs, comme cela se pratique en ce moment au lycée Honoré de Balzac (2), de se dissoudre parmi les pires — ce qui ne fera aucun bien à ces derniers. Aucune chance que cet indice catastrophiquement médiocre incite PS ou UMP à modifier leurs programmes pré-électoraux : qui veut parier que Bruno Julliard restera vissé dans ses convictions ?
Notre Ecole est en état de coma dépassé, et aucun électro-choc (PISA aurait pu en faire l’effet) ne le ranimera plus, si nous ne mettons pas en place, et très vite, un plan Marshall scolaire pour imposer des programmes qui tiennent debout, des pédagogies qui sachent les appliquer, et des maîtres qui aient envie de le faire — tant qu’il y a des maîtres (3).

Jean-Paul Brighelli

(1) Que Philippe Meirieu ait hébergé sur son site (www.meirieu.com/FORUM/auduc_fillesgarcons.pdf) les conclusions d’Auduc pourrait paraître intelligent — sauf que les enseignements qu’il en tire vont à l’inverse de ce que l’on devrait en déduire.
(2) Voir http://www.causeur.fr/c’est-balzac-qu’on-assassine,8012
(3) Qui veut un CAPES facile ? Il est beau, il est frais mon CAPES…
Il y avait 3000 inscrits au concours en Lettres Modernes). Jean Ehrsam, Inspecteur Général qui le préside, souhaitait donc 1800 candidats admissibles… Mais, petit problème, il n’y a eu que 1491 candidats qui ont composé les épreuves jusqu’au bout, CAPES et CAFEP inclus…
Résultat des courses la sélection se fera principalement à l’écrit, car les correcteurs ne choisiront que 2/3 des candidats ayant composé, soit un peu moins de 1000 candidats pour les 920 postes proposés… Ehrsam a précisé que l’objectif restait de pourvoir tous les postes : je vous laisse faire le calcul…
Petit récapitulatif (public et privé confondus):
3000 Candidats inscrits
1491 Candidats ont composé
1000 Admissibles environ
920 Postes
Bref, il reste à évacuer à l’oral… 80 pékins. Ou, si vous préférez, on prendra un peu plus de 90% des candidats — des candidats présents.
Après avoir pris 75% des présents à l’écrit.
Ce n’est plus un concours. C’est une formalité. On félicite encore l’administration qui a eu l’excellente idée de modifier les dates de l’écrit (d’où le pourcentage de candidats qui se sont désistés, puisqu’ils ne pouvaient être prêts). Et d’imposer une modification de l’entrée en professorat (plein exercice dès le début, sans formation ni aide), qui amène des néophytes dans le mur à grande vitesse (les démissions de néo-certifiés atteignent cette année des sommets).