Rentrer, disent-ils…

Seraient-ils sortis ? Et sortis de quoi ?

Seraient-ils partis ? Mais partis où ? Au camping le plus proche, précisent les gazettes. Par les temps qui courent, ceux qui ont déjà le pain quotidien relativement hebdomadaire, comme disait Prévert, ont toutes les chances de voir leurs vacances annuelles devenir décennales. Comme la crue du même nom, que l’on nous annonce pour l’hiver prochain — Parisiens fortunés, ramenez vos Zodiacs avec vous, le Marais sera sous les eaux en janvier, et on pêchera de vraies carpes rue du Roi-de-Sicile…

Rentrée politique, et « universités d’été » (1) : mais il ne m’est pas apparu que qui que ce soit ait décroché, en juillet-août. Les invectives et les coups bas n’ont pas attendu l’automne pour se ramasser à la pelle (2). Et je ne suis pas sûr que septembre donne à certains des idées nouvelles.

Rentrer : comme si un trop-plein succédait à un manque. Mais les manques risquent d’être encore plus criants, cet automne. Le chômage en expansion, l’industrie démantelée, les banques coulant les PME de façon à continuer à verser des dividendes à leurs traders et surtout à leurs actionnaires — saint Paribas, priez pour moi ! —, la dette publique au plus haut, les impôts nouveaux salués par les Verts… Que de motifs de satisfaction !

Rentrée littéraire, paraît-il. Chaque année, c’est comme si, quelque part en juin, nous étions entrés dans l’ère du vide. Ne restaient plus, pour combler le trou des vacances, que les bouquins de plage — le dernier Michael Connelly, ou une bleuette sur les éplucheurs de patates des îles anglo-normandes. Sauf pour les politiques qui, comme le remarquait récemment Marianne, ne s’abaissent pas à des divertissements si vulgaires, et relisent Hegel en villégiature… Et Nicolas Sarkozy ? Il a visité la Princesse de Clèves ?

Tiens, j’ai relu Madame Bovary. Un bon contrepoint au matraquage médiatique invraisemblable pour lancer l’autobiographie de Beigbeder (un remake du Roman avec cocaïne d’Aguéev ?), dont les « bonnes pages », parues dans le Figaro Magazine (qui en est à son cinquième ou sixième article sur le fils de pub, merci Yann Moix et les copains…) ne m’ont guère convaincu. Idem pour les Aimants, de Jean-Marc Parisis. Relisez les Liaisons dangereuses — ou le Guépard : la « rentrée », c’est l’illusion que tout change alors que tout reste de même — les chefs d’œuvre, et le reste.

Rentrée scolaire enfin.

La grippe va-t-elle sauver le ministère ? On n’a à peu près parlé que de ça : les classes fermées par anticipation, et les parents d’élèves mécontents qu’on veuille empêcher leurs bambins d’attraper le premier virus qui passe, et dont il s’avère, à l’usage, qu’il n’est pas plus contagieux ni plus virulent qu’une grippe « normale », mais qu’il constitue, en temps de crise, un écran de fumée opportun. Le ministre, manifestement doué pour la communication — c’est son métier, c’est sa vocation —, annonce d’abord la création d’une Agence centralisée pour fluidifier les remplacements, et en catimini y renonce. De même, il promet de poursuivre la Réforme du lycée à laquelle Xavier Darcos avait préféré donner du temps, beaucoup de temps, mais qui accouchera d’une souris pédagogique : qui prendrait le risque, en pleine année électorale, de mettre quelques millions d’élèves dans la rue ? Ce même ministre ne se hasardera pas à réformer le Collège, qui n’est plus le maillon faible mais le trou noir du système français : il sait parler aux syndicats, à tous les syndicats, cet homme… Et il ne modifiera en rien l’accès à la voie technologique, alors que le Bac Pro en trois ans réclame une préparation dès la Quatrième : mais il va bien falloir prendre trois ans pour évaluer les nouvelles dispositions, n’est-ce pas ? Et il passera un accord discret avec les « désobéisseurs » (3), qui ces jours-ci rendent publique une « charte » si dérisoire que l’on croirait presque qu’ils ont lu Shakespeare — Beaucoup de bruit pour rien (4).

Reste plus qu’à rentrer dans le lard.

Jean-Paul Brighelli

(1) Je serai samedi prochain à la Grande-Motte, pour celle du MoDem. Passez-y donc si vous êtes dans le coin : c’est charmant, une fois les touristes partis…

(2) Délicate allusion à une performance peut-être oubliée de Lionel Jospin chantant, à la télévision, « les Feuilles mortes » — un grand moment de kitsch que vous avez peut-être oublié — à tort.

(3) Evoqués en juin sur http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2009/07/17/desobeisseurs-galopins-et-turlupins.html.

(4) Je ne me hasarderai pas, les connaissant, à supposer qu’ils l’ont relu. Quant à ladite charte, elle est là (http://www.libetoulouse.fr/2007/2009/08/éducation-les-universités-dété-des-enseignements-désobéisseurs-aux-réformes-de-lenseignement-primaire-se-sont-a.html). Et on oserait me dire que je ne suis pas beau joueur avec cette bande d’imbéciles ?