Hans Baldung (1484-1545), Les Trois âges et la mort, 1543
J’ai connu M*** en 1974. C***, avec qui je vivais, me l’avait présentée comme sa plus vieille amie. Puis, comme nous projetions d’aller dîner, elle ne s’est pas sentie bien — et de fait elle couvait une grippe de qualité —, et je suis parti avec M***, avec l’idée de rentrer tôt.
Il bruinait sur Paris, nous nous sommes promenés sur les bords de la Seine, rive gauche, et une chose entraînant une autre…
Elle était farouchement jolie, et vivait dans une minuscule chambre de la Cité U de Nanterre — d’où est parti le mouvement de 1968 : le règlement empêchait les garçons d’aller visiter les chambres des filles et réciproquement ; Cohn Bendit, alors étudiant, a trouvé que c’était une offense à sa libido de rouquin tombeur de demoiselles. Le « Mouvement du 22 mars », qui devait accoucher de Mai 68 a trouvé là sa source et son prétexte — même qu’un ministre a cru malin de conseiller à ces messieurs dévorés de désir de se calmer en faisant un saut dans la piscine.
La nuit que j’y passai fut fort inconfortable. Elle était fort mince, je n’étais pas gros, mais dans un petit lit de 90 cm de large, l’un de nous était en trop. Pour jouer à la bête à deux dos, passe encore, mais pour s’affaler « dans la poussière, les bras en crois », c’était insuffisant.
Nous avons entretenu une liaison éphémère pendant quelques mois, dont je rendais un compte exact à C*** — ainsi était l’époque.
Puis la vie nous a séparés. Diplôme en poche, elle est partie enseigner en Nouvelle-Calédonie, s’y est mariée, et y a fait des enfants…
Nous nous sommes revus quarante ans plus tard, à Marseille — où elle était passée juste pour me voir — et sans doute espérait-elle confusément autre chose que ce qu’elle trouva. Longue promenade dans les rues pittoresque de la ville, jusque sur l’esplanade de Notre-Dame-de-la-Garde, avec une femme que je ne reconnaissais pas, sous son bronzage tropical, sinon les yeux, toujours fort beaux, mais étrécis par l’âge. C’est le lot commun, comme si une méfiance s’était glissée en nous en vieillissant.
J’ai incidemment revu E***, grande amie des années 7O — mais comme dit Retz à propos de Mme de Chevreuse, « elle n’avait plus même de restes de beauté quand je l’ai connue ». Et son insuffisance intellectuelle, dès lors qu’elle n’était plus camouflée par un joli minois, des formes suaves et une docilité exemplaire, éclatait aux yeux de tous — et aux miens particulièrement.
Même scène avec B***, rencontrée sur les bancs d’une fac quand nous préparions l’agrégation. Fort aimée quand elle vivait en Charentes, fort aimée quand elle est rentrée des Antilles, avec qui j’aurais pu vivre si j’avais été moins paresseux. Je l’ai revue, elle m’a expliqué qu’elle avait « fermé boutique », je m’en suis poliment désolée — mais avions-nous encore quelque chose à nous dire ? L’image ancienne peinait à se superposer aux désastres présents – les siens et les miens.
Parce que le choc que j’ai éprouvé à chaque fois, en revoyant d’anciennes amies, était bien sûr le même, mutatis mutandis, en ce qui les concernait. Etais-je bien celui qu’elles avaient aimé, avec mes cheveux clairsemés par l’abus de testostérone, pas mal de kilos en plus, des taches sur les mains, le cou moins ferme, la bouche de plus en plus fine, décidément plus apte à dire des méchancetés qu’à échanger des baisers… On se surprend à regarder en soi-même en voyant l’autre — et ce que l’on constate alors n’est pas bien enthousiasmant.
Seul l’esprit peut, jusqu’à un certain point, servir de masque à la déchéance — jusqu’à ce que le désastre intime ne soit plus camouflable.
Le hic, c’est cet espace de temps pendant lequel on ne voit plus l’autre — quinze ou vingt ans, parfois plus, c’est un gouffre. Quand on vit avec quelqu’un, qu’il vieillit sous nos yeux en accord avec notre propre déchéance, le décalage est insensible. Il faut se plonger dans les archives et les vieilles photos pour penser soudain que le temps n’a pas fait de cadeau.
On connaît le poème de Villon, « Celle qui fut la Belle Heaulmière », qui a inspiré à Rodin la sculpture impitoyable qui clôt cette page. Tout le génie de l’artiste ne peut occulter longtemps le fait qu’il s’est lui-même décati, abîmé, et que ce qui tenait fièrement toutes ses fibres en l’air les précipite désormais vers la terre, qui commence à s’ouvrir. J’ai eu souvent des envies de remettre le couvert avec telle ou telle, et comme dit Ronsard, de « rassiéger Ilion pour conquérir Hélène » — non plus une Hélène pimpante et fraîche, mais une Hélène d’autrefois, dont la beauté a fondu comme les neiges d’antan. La vieillesse de l’autre est toujours le reflet de la sienne. Et dans cette chair qui ne tient que grâce à son emballage de peau, dans ce désastre annoncé, on hume sa future fumée.
Jean-Paul Brighelli
« … et comme dit Ronsard, de « rassiéger Ilion pour conquérir Hélène … »
Vas-y, Hélène le veut !
Et ça vaut le coup, les filles de Troie offrent leurs deux joues !
Oui…
(deux, assez faciles)
On voyage en lisant JPB.
Les ballades des mythes, cela va ravir Lormier.
Oui…
Troie : coup double ?
Hélène ne se vautre pas dans la fange (première solution).
Certains aimeraient bien le pouvoir (seconde solution)
Voyage : peut être un vaccin existera-t-il un jour ?
La première solution aurait été plus précise avec la formulation :
Hélène le veut, vas-y !
(sous réserve d’accepter de ne pas marquer de pause à la virgule)
Passer la septantaine : déclin implacablement amorcé…
Rassurez-vous maestro : si le comte de Monte-Cristo, version 2024 et bientôt césarisé, arrive à la septantaine, il atteindra inévitablement un bien pire degré de mocheté.
(et abcm’ pète la forme)
Pour évoquer le naufrage de la vieillesse, Brighelli a choisi le mode sépulcral et crépusculaire.
Il y avait mieux à faire : c’est précisément ce que firent, en leur temps, ces fous géniaux d’Odeurs, nommés Ramon Pipin et Costric 1er.
https://youtu.be/W2VVU3poI8w?si=vArk0UWeiKj2vZTU
Gloire et gratitude éternelle à ces deux grands malades !
Ils n’étaient pas bien vieux, à l’époque…
Quel est le sexe du personnage/narrateur qui dit « je » ?
et je suis partie avec M***, avec l’idée de rentrer tôt.
Je l’ai revue, elle m’a expliqué qu’elle avait « fermé boutique », je m’en suis poliment désolée
Faute de frappe…
Je l’ai revue, elle m’a expliqué qu’elle avait « fermé boutique »
C’est la seconde fois qu’on lit cette expression sous la plume du Maestro;retrouver la première au-khul-rance n’est pas aisé.
Lormier conjecture qu’il s’agit de la même personne.
La grande absente du billet,c’est Irène Théry née Noizet, la meuf connue en hypo ou en khâgne avec laquelle le fils de clochards Brighelli passait des nuits plus belles que ses jours dans le studio que ses clochards de parents louaient pour lui.
Le Maestro avait levé les sourcils lorsque Lormier avait montré la laideur actuelle de cette personne, laideur soulignée par ses robes à 5000 euros.
Et surout:quelle khonne!
Mais nous ne nous sommes jamais revus !
les filles de Troie offrent leurs deux joues !
les filles de Joie offrent leurs deux TRous !
ballades des mythes
Malades des Bites
Cette buse d’IAL est précieuse, s’il m’arrivait de douter de moi face aux contrepèteries, il me rassurerait.
Une sorte d’assistante de vie …
J’ai souvenir d’un camarade au collège qui trépignait d’impatience le doigt levé lorsqu’il savait répondre à une question du maître. Passés quelques instants, il ne pouvait s’empêcher de crier à haute voix la solution quand bien même on ne l’y invitait pas.
Un besoin irrépressible d’être admiré pour une sagacité qu’il n’imaginait pas partagée ? Un doute de soi tel qu’il se sentait obligé de se rassurer sur sa valeur ? Un besoin d’être aimé par le maître ? La quête de reconnaissance ?
Tant d’autres hypothèses …
https://fr.wikipedia.org/wiki/Contrep%C3%A8terie
(j’y ai découvert une anecdote historique cocasse)
Citation : « L’usage veut qu’on ne donne jamais la solution d’une contrepèterie, chacun devant la trouver lui-même. On dit qu’il faut être trois pour apprécier une contrepèterie : celui qui l’énonce, celui qui la comprend, et celui qui ne la comprend pas. »
😃!
» Fermé boutique » » fermer boutique »
La même chose que » clôre fenêtre » dans Villon ?
Ballade de la belle Heaulmière
Aux filles de joie.
» Tous vous fauldra clorre fenestre,
Quand deviendrez vieille, flestrie ;
Plus ne servirez qu’un vieil prebstre,
Ne que monnoye qu’on descrie. »
( la heaulmiere conseille à plusieurs jeunes filles de profiter de leur jeunesse).
A propos de la vaine idée de revoir quelqu’un qu’on a aimé autrefois et qui forcément n’est plus le même ( la même) il y a un passage de Proust que je ne retrouve pas, mais qui souligne bien l’importance de l’aspect physique dans notre souvenir ( et notre amour): nous voudrions bien revoir Une telle, mais telle qu’elle était en 19…
… seule la science-fiction permet d’envisager ce rêve.
Jean-Paul Brighelli 30 janvier 2025 At 14h27
Mais nous ne nous sommes jamais revus !
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Remarque pertinente;donc Irène Théry,née Noizet, n’aurait rien à faire dans le billet du jour.
Il y eut au moins un autre billet où le souvenir d’une femme (pas très belle et baisée presque par charité) était évoqué- souvenir « presque ému ».
Qu’est-ce qui nous empêche,ou nous interdit de nous remémorer ? Puisque vous citez Proust,après tout notre existence rélle,c’est notre mémoire.Et notre mémoire transcende peut-être « cette plaisanterie douteuse qu’on appelle la vie ».
Un sujet que ce tombeur irrésistible qu’est le Maestro ne pourra traiter,faute d’expérience: les filles qu’on a profondément désirées mais qu’on n’ a pas eues et auxquelles,arrivés aux portes de la mort on pense parfois ou souvent; souvenirs lumineux qui nous aident à entrer dans les ténèbres.
Et Irène était fort jolie à 18 ans.
Et remarquablement intelligente. Agrégée de Lettres qui a dévié vers la sociologie de la famille. A fait un beau livre intitulé Le Démariage au temps où elle était très proche de mon ami Christian biet, avec qui je l’avais mise en relations au début des années 1980? quand nous élaborions les fameuses anthologies parues chez Magnard.
Je raconterai la suite quand elle sera morte — si je suis encore vivant.
Plus que jolie, I. Théry est une femme lumineuse. Un sourie sublime.
sourire *
Il est tellement navrant que vous ne voyez finalement qu’une valeur charnelle à ce couple que vous composiez avec Théry dans votre prime jeunesse et que vous ne compreniez toujours pas que le couple que vous formeriez aujourd’hui avec cette femme d’une si belle qualité et tellement assortie à votre esprit qu’il vous rendrait à ce jour infiniment plus beau que si vous aviez rajeuni de trente ans.
(Les Apollons, du type JPB – 😁 – fuient évidemment les laiderons, sauf par « charité », dixit jaloux.se Lormier. Et en plus qu’en s’y rajoute une cervelle digne d’intérêt !…)
(QUAND au lieu de qu’en ! meu deus !)
« fermer boutique »
boutique mon cul ! dit la gueuse
souvenirs d’Afrique.
Je les entends encore déambuler lascivement dans la cour du campement en chantonnant : « C’est l’amour qui passe … »
« …mais une Hélène d’autrefois, dont la beauté a fondu comme les neiges d’antan… »
C’est ainsi. Il est vain de vouloir renouer avec les joies d’antan.
Oui…
renouer avec les joies
reJouer avec les Noix
Vas-y , Hélène le veut!
(Dernier rappel )
Vas-y , Hélène le veut!
Le vIt va,Hélène!
N’importe quoi !
https://blog.causeur.fr/bonnetdane/se-revoir-5261#comment-548830
Hahaha !
Ceci fait ma soirée (expression destinée que je maitrise une part du vocabulaire djeun).
VasEUX,le vIt,Hélène!
Accepté, mais il y a une autre solution, meilleure .
Jaloux.se, Lormier : Y. Théry et « ses robes à 5000 euros » ;
si j’avais eu du brouzouf, et bien avant le septantaine, j’aurais bien aimé m’habiller en C. Lacroix !
Haute-Couture (suite) –
Plus rien à voir avec ce qu’elle fut ; on l’a déjà dit ici.
D’ailleurs on en voit plus grand-chose… si ce n’est le 1ier rang des piple !
Ainsi Carla B. chez machin-truc, en total « look noir », dont robe fendue sur le devant,
… via paire de ciseaux de couturier.
Rien à voir donc avec les terrifiants coups de… couteaux,
contre lesquels la Mairie de Paris
vient de pondre un « Plan Couteau » :
distribution de flyers à la sortie des collèges,
et médiateurs formés à la rencontre des djeuns.
Toujours un coup d’avance la mairie de Paris !
De quoi donner du peps à sa « stratégie parisienne de prévention des rixes » ?
Ou rien qu’un (coûteux) coup d’épée dans l’eau ? 😁
La caissière se fait-elle toujours troncher ?
Faudra qu’elle réponde jusqu’en 2027.Avant de voir du sang occuper les creux des escaliers de l’Elysée, le peuple veut qu’il y ait du sperme
Marseille — où elle était passée juste pour me voir — et sans doute espérait-elle confusément autre chose que ce qu’elle trouva.
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Qu’espérait-elle ?
Elle tenait à le voir…puisque elle a fait le « détour » . Mais alors,déçue par quoi ? Par le physique avachi qui ne correspondait plus en rien à ce qu’elle avait connu ?
Par un manque d’appétit ? De son côté ? De part et d’autre ? C’était quoi son film ?
Aurait-elle voulu une resucée de pratiques sexuelles sauvages,bien différentes de ce qu’elle connaissait avec son époux, ving fois épousseté ? Epoussetez-le sans cesse …
Allez savoir.
on hume sa future fumée.
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Encore cette alluison au Cimetière marin,que cita Myriam Néferfiti-la sublime porte arrière-,lors d’un entretien qui ravit son Maître.
Aux âmes bien nées,point n’est besoin d’aller se balader sur des tombes pour humer sa future fumée.
même qu’un ministre a cru malin de conseiller à ces messieurs dévorés de désir de se calmer en faisant un saut dans la piscine.
Ce même ministre a aussi dit à l’infâme Cohn-Bendit qu’avec sa tronche il ne devait pas beaucoup pécho.
Nous avons entretenu une liaison éphémère pendant quelques mois, dont je rendais un compte exact à C*** — ainsi était l’époque.
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i) pour le compte rendu,OK,c’était l’époque, peut-être. Encore que…
ii) Mais pour la baise vagabonde, cela continua toute une vie;pas une question d’époquue. Voyez Mitterrand. Y a des gens comme ça.
Sur le tard, le Maestro nous sort: « soyez vous l’un à l’autre un monde toujours nouveau, toujours beau. »
« Sur le tard, le Maestro nous sort … »
Dure lutte sur le tard ?
Oui…
Lormier vous donne tant d’occasions.C’est trop facile!
Dure lutte sur le tard ?
Turlutte sur le Dard ?
https://www.ladepechedubassin.fr/actualite-3903-la-turlutte-au-cap-ferret-et-son-ambiance-bistrot-branche
Hélène le veut pour la turlutte.
(dernier rattrapage)
Ziva,Hélène le veut!
gordien.
Et toussa pour un noeud !