Vous vous rappelez certainement l’expérience menée en 1963 par Stanley Milgram à l’université de Yale. Il s’agissait d’évaluer la capacité d’obéissance d’étudiants culturellement favorisés — capables, à près de 70%, d’envoyer des décharges électriques létales parce qu’ils en avaient reçu l’ordre d’une autorité jugée incontestable.
Nous sommes aujourd’hui dans une expérience de ce type — en grand. Loin de moi de penser que le coronavirus a été inventé pour réduire les résistances du corps social, mais il est exploité dans ce but, avec une efficacité sidérante — ou peut-être pas si sidérante que ça.
Il est évident que les mesures prophylactiques de base n’ont pas été prises — pas en France. Elles l’ont été en Corée, et dans tous les pays qui ont précocement testé toute la population. Elles l’ont été en Chine, et dans les pays qui ont réussi à établir un cordon sanitaire sérieux autour des zones infectées. Mais pas ici, où la moitié de Paris est partie infester l’île de Ré. Pas ici où l’on cache notre incapacité à fournir des tests ou des masques sous des considérations pseudo-scientifiques, et des chiffres de contagion et de mortalité assénés chaque soir par Jérôme Salomon. L’un des moments les plus attendus par les téléspectateurs, tant le ton monocorde du directeur général de la Santé est hypnotique. Bravo. Voilà un homme vraiment bien choisi.
Le but est non seulement de faire peur, mais de créer un état de repli sur soi caractéristique du comportement animal — l’escargot dans sa coquille, le lapin dans son terrier. Pus la peur est grande, et mieux on accepte le confinement en espace exigu.
Parce qu’on ne s’est même pas soucié de la qualité du terrier. Les éminences qui nous gouvernent ont de l’espace, ils ont des jardins pour promener Nemo, ils ont des chauffeurs. Nous, nous avons 5 personnes dans 45m2, avec des voisins qui s’engueulent. Quand je pense que l’on plaint les prisonniers en état de surpopulation carcérale…
Ces conditions extrêmes font elles-mêmes partie de l’expérience. L’obéissance attendue (et obtenue, globalement, à part dans des banlieues rebelles par essence, et pointées du doigt comme irresponsables) est au rendez-vous.
Il faudrait se demander ce qui, dans les mois ou les années qui ont précédé, nous a rendus à ce point aptes à une expérience de type fasciste, où chacun surveille tout le monde. Les dénonciations de comportements antisociaux commencent à pleuvoir dans les commissariats. Les personnels hospitaliers sont priés de déguerpir de leurs logements, ils ont des têtes de porteurs de virus.
Ce n’est pas la personnalité du Chef qui compte, mais la mise en place de contraintes progressives, acceptées les unes après les autres.
De source sûre, le gouvernement avait déjà décidé, à la mi-mars, de 45 jours de confinement. Mais il les a distillés par tranches de deux semaines. Nous sommes dans le deuxième lot, tout le monde a compris que cela durera jusqu’à la fin avril. La probable reprise des cours, annoncée pour le 4 mai, marquera la fin de l’enfermement.
Mais pas la fin de la crise, parce qu’elle est bien pratique. Le gouvernement n’a pas sorti l’article 16, il a utilisé l’état de crise sanitaire, avec lequel il peut bien davantage, parce qu’il génère l’obéissance, née de la peur — et de la répression magnifiquement appliquée par une police et une gendarmerie aux ordres. Il n’y a pas de petits profits. L’argent des contredanses pour infraction routière ne rentre plus, puisqu’on ne se déplace qu’en sauts de puces, mais celui des infractions au confinement (« Comment ? Vous n’avez acheté qu’une baguette ? 135 euros d’amende — stockez le pain chez vous ») commence à abonder.
Alors tant qu’à faire, autant utiliser l’expérience à fond. Puisque la population accepte des mesures d’extrême contrainte, autant vérifier ce qu’elle est capable d’encaisser, via des ordonnances auxquelles l’opposition, qui ne voudrait surtout pas avoir l’air de ne pas être solidaire, ne s’oppose guère. C’était trop tentant de vérifier in vivo jusqu’où peut aller la « servitude volontaire » d’une nation tout entière. Ce qu’on peut lui faire avaler après l’avoir mis en état de terreur et de repli sur soi.
La suppression des 35 heures, par exemple : sous prétexte de continuité économique, voilà que 35 = 48 — et même 60. Le beau prétexte de la crise permet de faire mentir les maths. Ou la suppression du congé hebdomadaire : après la mythique semaine des quatre jeudis, voici la semaine sans dimanche. Ou le report des vacances — étant entendu que l’on pourra comptabiliser comme autant de congés payés le grand moment du confinement. Cet été, on va bosser pour remettre la France sur les rails, bla-bla-bla.
Ce gouvernement rêvait de supprimer tous les acquis sociaux hérités des ordonnances de 1945 — et après. C’est fait, et je n’entends personne protester. « Il le faut bien » — voilà ce que les grands médias serinent chaque jour.
La suspension du SMIC est à venir — mais elle viendra. Vous serez très profondément ubérisés. Parce que vous ne croyez tout de même pas que vos salaires profiteront des mannes aujourd’hui versées par la Banque Centrale Européenne…
Regardez la façon dont le gouvernement gère le salaire des infirmiers — qui protestaient depuis des mois, et que l’on a fait taire en invoquant leur responsabilité médicale et en exaltant leur dévouement — bla-bla-bla. Pas question de les augmenter, alors que les salaires des infirmiers français sont au plus bas sur l’échelle OCDE. On s’est contenté d’inciter à les applaudir. Comme on disait autrefois, ce sont là des viandes creuses qui ne coûtent pas cher et ne nourrissent guère…
Il y en a qui doivent travailler chaque jour à inventer de nouvelles initiatives qui creuseront encore l’obéissance — et annihileront l’esprit de contestation. Croyez-vous sincèrement que qui que ce soit, dans ce gouvernement, ait l’idée de rapatrier en France les industries que nous avons laissé filer en Extrême-Orient ? Produire des masques pour la prochaine épidémie ? Oui — à Wuhan. Avoir des réactifs pour les prochains tests ? Oui — en Allemagne ou en Corée. Jospin a jadis décrété que notre pays serait dorénavant une nation de « services » — et on s’y tiendra. Ce n’est pas pour rien que l’on a supprimé en 15 ans près de 100 000 lits d’hôpital dans l’Hexagone. Si vous vous imaginez que l’on construira des hôpitaux nouveaux…
La cerise sur le gâteau, ce sera l’accaparement des fonds possédés par les Français sur leurs comptes bancaires — au nom du nécessaire sauvetage des banques : tout le discours sur l’effondrement de la Bourse — provoqué entre autres par les prises de bénéfices de certains gros investisseurs, comme je l’ai expliqué dans un précédent billet — vise à nous faire accepter des mesures monstrueuses, pour le plus grand profit de ces mêmes investisseurs.
Notez que l’on peut aussi décider de dévaluer de fait la monnaie, sous prétexte de « coup de fouet » — pensez donc à qui recevra le fouet. Diviser par cent, par exemple, comme lors du passage au « nouveau franc » en 1963, la valeur de l’euro. Vous aviez 10 000 euros en caisse ? Vous aurez cent balles.
Vous aurez remarqué que l’on ne parle plus du remboursement de la Dette (j’adore ce « la » emphatique, comme s’il s’agissait de la Bête des vieux textes bibliques), alors que l’on nous éblouit avec la valse des milliers de milliards débloqués par des institutions qui hier encore rechignait à donner vingt sous aux Gilets jaunes. Un effondrement concerté du système ne pourra être compensé que par des confiscations devant lesquelles vous ne protesterez pas — parce que vous serez anesthésiés par deux mois de contraintes fortes, qui d’ailleurs dureront, grâce aux messages aimablement relayés par des médias aux ordres. Parce qu’un virus ne disparaît pas dans la nature. Prochaine campagne : « Il va falloir vivre avec ». On parie ?
Jean-Paul Brighelli
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