Je m’absente quelques jours. Alors, oui, je sais, un seul être vous manque…

… Et tout est repeuplé : tenez-vous chaud les uns aux autres… Salut aux nouveaux arrivants — n’hésitez pas à dire ce que vous voulez, il n’y a pas de censure ici. Une seule obligation : être poli — et si possible positif.

Un mot pourtant avant de partir.
On attend (pour mercredi) le projet complet du ministre pour le Primaire. Il l’a exposé dans les grandes lignes aux IA et IEN cette semaine, et le Président a cru bon de s’en annexer quelques chapitres, hier, à Périgueux. Instruction civique à l’école (mais ça se faisait déjà…), apprentissage de la Marseillaise (eh bien, on leur apprendra l’histoire de la Révolution, ce qui se faisait… déjà), plus d’heures de français (je l’ai annoncé sur ce blog il y a deux mois déjà), retour aux matières fondamentales (heu… n’est-ce pas ce que l’on appelait déjà le « socle » ?), et, cerise sur le gâteau, parrainage par chaque écolier de l’un des 11 000 enfants juifs envoyés dans les camps de la mort.
Idée néfaste (même s’il est difficile d’évaluer ce qui est ou non cause de traumatisme pour un enfant, ne vaut-il pas mieux éviter d’en rajouter ? Les gosses ont trop souvent tout ce qu’il faut à la maison pour ne pas être si bien que ça), idée absurde (même les petits Allemands, culpabilisés collectivement après 1945, n’ont pas été rendus comptables des six millions de Juifs, Tziganes et autres boucs émissaires envoyés à Auschwitz et ailleurs — et je me demande parfois si le regain du néo-nazisme outre-Rhin n’est pas une réaction à cette culpabilisation à outrance). Sans compter que nombre de descendants de minorités massacrées pourraient protester (« Et nous ? clameront les Vendéens, les Huguenots cévenoles, les…). Sans compter que la diversité culturelle de nos classes rend l’entreprise particulièrement hasardeuse : des massacres, il y en a eu beaucoup, beaucoup trop, du Moyen-Orient à l’Afrique, depuis le « plus jamais ça » de 1945. Nous sommes tous des Juifs Allemands, des Juifs français, des Palestiniens, des Rwandais, des Bosniaques, des… Rien de ce qui est inhumain ne nous est étranger.
Je m’interroge un peu sur ces effets d’annonce. À qui le Président pensait-il plaire ? Aux invités du CRIF, devant lesquels il a, en premier, développé son idée ? Mais Simone Veil, qui a toute l’autorité requise pour s’exprimer sur ces matières, vient de le renvoyer dans les cordes. Au PS ? Ségolène Royal et François Hollande, avec cette spontanéité et cette immédiateté qui caractérisent les vieux couples, même après séparation, ont approuvé l’initiative — c’est pour ainsi dire le gage de sa nocivité.
Quant à l’annonce pleine d’élégance par laquelle il a partiellement coupé l’herbe sous les pieds de Darcos, qui s’apprête donc à dire sur le Primaire des choses sérieuses, nous pourrions nous interroger aussi. L’Ecole communale est certes un sujet « porteur » — nous savons tous que c’est dès le début que la Fabrique du Crétin tourne à plein régime, quels que soient la bonne volonté ou l’esprit d’indépendance des instituteurs. Nous savons bien que c’est dès la grande section de maternelle qu’il nous faut reprendre les choses en main. Mais ce n’est pas en instillant une dose d’Instruction civique que nous allons diminuer le nombre d’enfants en difficulté à la fin du CM2 (parenthèse : Darcos avait annoncé il y a un mois son intention de diviser par trois le nombre de redoublements — et le Président a repris la même image, en se l’annexant). Il faut faire du français intensément, parce que sans la maîtrise de la langue, personne ne peut arriver où que ce soit — pas même à la porte de son ghetto. Faire de la grammaire systématique, et non de l’Observation Réfléchie de la Langue ». Réinstituer le « par cœur ». Faire de l’écrit le double immédiat de l’apprentissage de la lecture — et revenir à la « rédaction », si porteuse de formes et de sens. En finir avec les « cycles » qui n’ont jamais d’autre effet que de repasser au collègue de l’année suivante les élèves en difficulté. En finir avec la politique de « l’élève au centre », et mettre le paquet sur le Savoir et la Transmission… Evaluer les maîtres sur leurs résultats, et non sur leur conformisme à je ne sais quels diktats iufmesques…
Entre autres…
Mais de tout cela, je parlerai plus à loisir — dans « Fin de récré », à paraître dans vingt jours aux éditions Gawsewitch : la ruine de la Fabrique est en vue, et c’est à nous tous d’en finir avec les politiques éducatives létales qui nous ont accablés depuis bientôt trente ans.

Jean-Paul Brighelli