Une chaîne de télévision prépare pour début avril une grande émission sur la violence scolaire, et cherche des témoignages. Alors, enseignants insultés, agressés, personnels bafoués, n’hésitez pas : ce blog peut être, en pour quinze jours, le défouloir de l’indicible.

Cependant…
Quelques réflexions s’imposent.
On ne parle jamais que de la violence des jeunes — et au fait, ce n’est peut-être pas un phénomène si nouveau que cela : des voyous et des caractériels, il y en a toujours eu — même si par les temps présents, on semble singulièrement les encourager à s’« exprimer » (il ne faudrait pas qu’une insulte informulée leur reste sur le cœur).
Par ailleurs, comme l’a montré une enquête du point au premier trimestre, les établissements vertueux, qui renseignent scrupuleusement l’ordinateur qui, au ministère, recense les diverses impolitesses, de l’injure pure au coup de couteau, sont stigmatisés — et leurs personnels de direction montrés du doigt —, alors que les gros menteurs, les dissimulateurs, sont encensés, et promus — morale démocratique, aux antipodes de ce que devrait être une morale républicaine.
Enfin, personne ne parle de la violence que l’on fait aux jeunes.
Oh non, pas la violence que l’on exercerait en leur apprenant des savoirs complexes ! Même si j’en connais qui jugent qu’enseigner est, a priori, faire violence. La semaine dernière, il a suffi qu’un linguiste bien intentionné suggère que l’on apprenne des mots nouveaux, chaque jour, aux élèves de Maternelle et de CP (une pratique usuelle, par ailleurs), pour qu’on assiste à une levée de bouliers — les plus tarés des pédagogues affirmant qu’il suffit de donner du sens aux mots que possède déjà l’enfant, sans lui gaver la tête de signifiants inédits, et de signifiés « bourgeois »…
Non : la vraie violence, elle consiste justement à ne pas gaver cet enfant — alors qu’il ne demande que ça. Elle consiste à ne pas lui enseigner ce qu’il devrait savoir pour sortir de son tout petit cercle, pour oser entrer dans la collectivité, pour se coltiner cette culture française qui est tout de même assez complexe. La violence, elle commence à ce pseudo-respect des croyances, qui bâtit autour de chaque élève une aire de silence, et transforme une classe en juxtaposition de « cultures » antagonistes.
La vraie violence, c’est aussi d’obliger un gosse à passer dans la classe supérieure, alors qu’il ne maîtrise aucun des fondamentaux de l’année écoulée, — une classe où il sera largué, isolé, contraint de se réfugier dans cet autisme provoqué qui mène tout droit à la violence. Qu’il l’exerce sur lui (on n’a jamais vu autant de scarifications que ces temps-ci, et le taux de suicides parmi les jeunes, en France, est l’un des plus élevés au monde, paraît-il) ou sur les autres : quand on n’a pas les mots pour communiquer, on choisit les signes non linguistiques — le pain dans la gueule, ou l’allumette.

Alors, à vos récits ! J’intégrerai demain une adresse où vous pourrez témoigner directement, si le cœur vous en dit, et si l’anonymat du blog vous pèse. Que ceux qui ont des témoignages saisissants lèvent le doigt !

Jean-Paul Brighelli

PS. Je rentre de voyage et je trouve une note du réalisateur de l’émission à laquelle faisait allusion ma Note ci-dessus :

« J’aimerais aussi élargir ma recherche de témoins vers les agressions des élèves entre eux, l’auto-agression, les dégradations de matériel et de locaux, les “happy slappings“, l’influence socio-religieuse dans l’attitude des jeunes, les liens entre les cités et les établissements, les faits d’incivilités ou de violence en milieux ruraux…
Ces témoignages peuvent être adressés directement sur mon mail :

frederic.gilbert@sep.tv

Merci… »

Merci pour lui… / JPB