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Ce n’est pas un sujet brûlant mais je remarque que les expressions débiles de ce genre ont le don d’agacer tout le monde, à juste titre d’ailleurs, et contribuent donc à nourrir notre « désamour envers les médias » (une formule de journalistes qui montre à quel point ils aspirent, non seulement à être crus, mais à être aimés de nous !).

A priori, on se dit que ce doit être une notion technique, un terme de météorologie plus précis que « neige ». Quand on l’entend et le lit partout, on a vite fait de penser que, sans doute, cette expression a sa raison d’être, même si celle-ci nous échappe.

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On esquisse peut-être tout de même une moue sceptique quand on lit que l’épisode neigeux « s’évacue vers l’Est » (un épisode qui s’évacue?) :

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En ce cataclysmique mardi 6 février, on nous rassurait : « l’épisode neigeux devrait prendre fin demain en milieu de journée ». Le lendemain, en milieu de journée, la neige cessa de tomber. Mais les routes demeuraient impraticables, le paysage était couvert d’un épais manteau blanc, on ne distinguait pas le trottoir de la chaussée… et il me fallut attendre encore une bonne demi-journée avant de pouvoir aller récupérer ma voiture que j’avais été contrainte d’abandonner quelque part pour rentrer à pied. Autrement dit, il ne neigeait plus mais on aurait pu considérer que « l’épisode neigeux » n’était pas terminé.

Pourtant, selon les médias, il appartenait au passé. Ce qui signifiait, tout simplement, qu’« épisode neigeux » n’était qu’une autre manière de dire « neige ».

Ma première idée a été de lire cette tournure comme une nouvelle manifestation de la tendance à l’euphémisme et à la formulation contournée : de même qu’on ne dit pas d’une personne qu’elle est Noire mais qu’elle « appartient à la communauté Noire », de même, on ne dit plus qu’il neige mais que nous vivons un « épisode neigeux ». Dans la tête d’un journaliste, je suppose que c’est à la fois plus chic et plus acceptable. Plus tarabiscoté, donc moins trash.

J’ai une autre hypothèse interprétative, qui renverrait plus au domaine de l’inconscient journalistique. « L’épisode » est, étymologiquement, « ce qui vient en plus sur le chemin » (épi-eis-hodos). Le mot désigne, en dramaturgie, une action secondaire rattachée à l’action principale : l’adjectif « épisodique » insiste d’ailleurs sur ce caractère accessoire quoique répétitif. Or, il va de soi que les périodes de grand froid, accompagnées de chutes de neige paraissent, au moins en apparence, mettre à mal la thèse du réchauffement climatique. Comme j’ai déjà pu le montrer, les journalistes sont très attachés à la crédibilité du réchauffisme (au point de faire dire aux experts plus qu’ils n’en disent) et notamment, aiment à utiliser les phénomènes météorologiques comme des arguments au service de cette thèse climatologique. S’ils procèdent ainsi, c’est évidemment parce qu’ils sont conscients de la nécessité d’anticiper les pensées déviantes (comprendre: climatosceptiques, comme on dit) que pourraient faire naître des variations de température en contradiction avec les prévisions prophétiques qu’il s’agit d’asseoir dans l’opinion. Rappelons que pour les médias, le réchauffement planétaire inéluctable, continu et d’origine anthropique n’est pas uniquement une thèse vraisemblable : c’est un véritable dogme, sur la base duquel on peut discriminer entre les fréquentables et les « sulfureux », au même titre que sur d’autres questions chaudes (immigration, homoparentalité, etc.). Dans ces conditions, reléguer la neige au rang d' »épisode » est rhétoriquement puissant : discrètement mais avec insistance (puisque l’expression « épisode neigeux » s’est généralisée), on rappelle que cette période d’intempéries glaciales n’invalide pas le phénomène global sur lequel notre esprit doit rester concentré avec une forme de terreur tétanisante… même quand nous avons les pieds dans quinze centimètres de neige !

15 commentaires

  1. Malin votre article.
    Ayant lu votre livre (oui, c’est moi !), celui-ci conforte l’impression générale que, si nous parlons tous la même langue, les mots n’ont apparemment pas ou plus la même signification.
    Article du CNRS dont le titre est clair (théorie): « Système et facteurs climatiques – Le théorie astronomique du climat » http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/sysfacte/soleil/soleil1.htm
    La théorie du réchauffement climatique ayant été, quant à elle, décrétée valide et indiscutable. Circulez.
    Il est du reste facile de constater, qu’à l’instar du fameux point Godwin, le terme « réchauffement climatique » ou sa variante « changement climatique », surgissent dans tous les débats, interviews, reportages, même à propos de sujets qui n’ont rien à voir avec le climat.
    Donc, après « la loi de Godwin », voici maintenant « la loi GIEC ».
    Au sujet de la neige, il y a aussi « Alerte, épisode dangereux en cours » Ah bon ? renseignement pris, il s’agissait de précipitations neigeuses, ce qui en hiver est plutôt dans l’ordre naturel des choses, mais la neige c’est maintenant dangereux. Par contre, les crétins…

  2. Ah le néo langage ! On en apprend tous les jours.
    Au journal télévisé de France 2 aujourd’hui j’ai entendu un des volontaires pour compter les « SDF » à Paris parler de « gens en situation de rue ». J’ai traduit « clochard », mais ce mot, archaïque, n’est plus usité de nos jours. Un handicapé est en « situation de handicap » et je suis en situation de « ral-bolisme ». Est-ce incurable ?

    • Une femme de ménage est une technicienne de surface et un ballon : un élément
      rebondissant OK .
      Mais franchement là , faut l’faire !!!! , comme dirait ma bignole, euhhh , pardon , ma concierge , non , excusez moi , ma gardienne ..
      Avec  » des gens en situation de rue  » ….. !!!!!….. j’espère que nous avons touché le fond !
      Au fait saviez vous que , pendant les  » épisodes neigeux  » , certains ont été
      PRIVÉS d’électricité ?

      Merci pour vos adorables articles .
      ENCORE ! ….. ÉPISODES NEIGEUX OU PAS ….

  3. Article délicieux. Je vois néanmoins deux autres hypothèses qui pourraient expliquer l’utilisation de ce terme, non contradictoires entre elles, ni mêmes avec celles que vous avancez. Tous les articles sont peu ou prou issus de l’AFP donc si AFP a dit, on le répète à l’envie partout, et secundo si le « journaliste » de base brillait par son intelligence ou sa culture, cela se saurait depuis le nombre d’années où l’on constate une telle dégradation de la langue (ainsi que du fond de ce qu’ils écrivent, anglicisent, coquillent et j’en passe) partout où ils sévissent.

    Cependant, malveillance et incompétence, au choix, ou parfois intimement mêlées, ne cessent chaque jour de sévir davantage et semblent même s’ériger en grand principe ordonnateur de ce monde, si bien qu’il est souvent malaisé de dire ce qui tient plus de l’une ou de l’autre. Il y a sans doute pour certains une volonté délibérée de mithridatiser les esprits et d’inoculer chaque jour un peu plus ce que vous mettez judicieusement en avant, mais pour d’autres, cela ne reste que du panurgisme, du copié-collé bête et méchant, surtout très bête d’ailleurs.

  4. Chère Ingrid,
    Je constate curieusement que ce sujet du réchauffement climatique est en passe de devenir une ligne de démarcation chez les cathos (dont je fais partie) entre la tendance « de droite-tradi-sens-commun-salon-beige » et les autres. Personnellement, j’ai fait mon choix, ce sera « les autres ». Après tout, il n’est pas impossible que sur ce sujet-là et malgré la lourdeur de leurs arguments, les journalistes aient quand même raison (et même si c’est pour de mauvaises raisons). Cela me rappelle certaines séances d’aumônerie consacrées à l’écologie dans les années 70 (c’est vous dire si ça date). À douze-treize ans, je trouvais cette insistance déjà horripilante mais je m’étais déjà dit que sur le fond qu’ils* avaient raison et qu’il fallait arrêter de massacrer la planète.
    Je pense que la façon dont les média font la promo du réchauffement climatique (auquel je souscrit… des fois que je n’aurais pas été assez clair) est totalement contre-productive hélas et je partage donc vos analyses sur la forme.
    Amicalement (on peut dire ça dans un commentaire ?)
    J-M P.

    * les aumôniers, animateurs en pastorale et j’en passe…

  5. Au Québec, on dit simplement une «tempête de neige» ou une «averse de neige» ou plus banalement une «chute neige» . Selon son importance relative…

    Quant à «l’épisode neigeux» il est banal là-bas, car il est moins important qu’un passage nuageux…

    Ne pas oublier que c’est bien du Québec que provient l’expression «température ressentie» (ou subjective) en saison froide. Laquelle prend en compte le facteur vent. Le tout peut faire baisser radicalement la température subie dans notre environnement corporel.

    Incidemment, en Amérique du nord ,il y a des chaînes télé consacrées uniquement à la météo : locale, nationale et internationale. 24hres sur 24… Et pour parler de la météo dans la diversité de ses états on doit posséder un vocabulaire bien plus riche que le pauvre vocabulaire parisien.

    Où sont passées les neiges d’antan et le riche vocabulaire des campagnes qui décrivait le «temps» de la saison d’hiver dans le monde des paysans de France?

  6. Je ne suis pas persuadé de la nécessité d’une telle rhétorique au sujet du réchauffement climatique. Face aux neuneus qui constatent que, plus ça se réchauffe, plus il fait froid, les experts affirment que le réchauffement est une moyenne et qu’il existe de grandes variations, ou de forts écarts-types (en termes mathématiques).
    Le même argument est employé à propos de l’entropie qui ne peut que croître : plus on fait de gosses sur Terre (i.e : l’entropie baisse localement) et plus l’entropie augmente dans la nébuleuse d’Andromède (ou ailleurs).
    Invérifiable, car je rappelle qu’elle est à environ deux millions d’années-lumière.

  7. Il y a un terme qu’emploie (la presse) à tort et à travers sans doute par facilité et pour ne pas devoir nommer précisément les choses.C’est le terme de « banlieue ».La « banlieue » c’est le réceptacle de tous le maux cela n’est plus depuis longtemps une réalité géographique mais une réalité sociologique pour ne pas dire ethnique la preuve un voyou n’est plus un voyou c’est « un jeune de banlieue »Recemment le Figaro titrait « les banlieues brûlent » et le Monde avait fait un titre hilarant mais qui en disait long »les Francais de plus en plus exaspérés par les banlieues »je crois que c’est surtout du mauvais journalisme

  8. Donc, je suis un affreux sulfureux, un impie qui réfute la Parole de la Sainte Eglise Réchauffiste… Et puis, dans sulfureux, il y a comme une odeur de soufre, donc du démoniaque… Diable !

  9.  
    Les journalistes sont des gens dangereux
     
    A la suite de l’« épisode neigeux » de février, j’ai mis dans une petite bouteille, que j’ai placé dans le congélateur, une quantité de neige correspondant à la hauteur qui a tant occasionné de problèmes sur la 118. J’ai montré cette bouteille à de la famille qui venait de Stockholm (Suède) pour quelques jours de vacances. La mère s’est étouffée avec ce qu’elle était en train de manger, et le père est mort de rire. Résultat : me voilà inculpé (« mis en examen ») pour acte « ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». [écrit de la prison de la Santé, Paris].
     
    Toute blague mise à part, il y a une étude à faire sur le vocabulaire des présentateurs du bulletin météo : perturbation, agitation, instabilité, grisaille, bourgeonnement, vigilance, humidité, etc. etc. etc.
     

  10. Ben oui, un épisode neigeux suivi de phénomènes glissants, ça change un peu des entrées cévenoles. Ces messieurs-dames météo, rois de la jaquette ont un vocabulaire sacrément riche!

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