Heureusement que les États-Unis se sont décidés à bombarder la Syrie sinon on nous parlait encore pendant deux semaines du « Grand Débat Élysée 2017 » de mardi dernier.
Jeudi en milieu d’après-midi, si l’on soumettait au moteur Google une recherche concernant ce débat en spécifiant qu’on ne voulait que les vidéos ou articles de « moins de 24h », on obtenait des pages et des pages de référencements renvoyant aux sites internet de tous les grands médias. Et la liste s’allongeait de minute en minute.
Ils se sont calmés.
Mais aujourd’hui vendredi, quand BFMTV propose un sujet sur les réactions des candidats suite à l’intervention américaine, les images d’illustration choisies pour la conclusion sont tirées du Grand Débat, et les deux courts extraits sélectionnés ne présentent aucun rapport avec la géopolitique (à partir de 1:29, cf. les titres en bas de l’écran) :
Peu importe, puisqu’on n’a pas le son, mais on se dit qu’ils cherchent vraiment à capitaliser au maximum sur leur succès d’audience en suggérant à tous ceux qui ne l’auraient pas encore vu d’aller regarder le débat.
Non d’ailleurs, on leur suggère de « revivre » ce débat :
Ce n’est donc pas seulement une émission que vous avez suivie (peut-être assez distraitement). C’est un épisode marquant de votre vie que, sans doute, vous avez envie de « revivre ».
Il faut tout de même rappeler que l’argument de vente de ce débat était la présence simultanée des 11 candidats. Le résultat était prévisible: obligation de parler très vite, journalistes obsédées par les chronomètres, interactions brouillonnes, etc. Impossible d’en retenir quoi que ce soit sinon les « moments marquants » (aussi marquants que vides d’intérêt), ceux que l’on nous invite à revoir (pardon, revivre) en boucle, le lendemain. En l’occurrence, nous avons tous vu et revu Philippe Poutou en beauf de service.
Le Grand Débat était présenté comme un « événement inédit » et on en attendait beaucoup. On nous donnait à espérer qu’il allait « se passer » des choses. Mais il ne pouvait rien se passer que de bien anecdotique. Dans la mesure où les candidats devaient débiter leur programme, en réalité, c’était une épreuve de récitation.
Pour les journalistes, un débat de bonne tenue est un débat où l’on aligne des chiffres. Et pendant les jours qui suivent, tous les matins, Vrai/Faux : qui n’a pas donné les bons chiffres ?
Nombreux sont ceux qui ont souligné l’invasion du vocabulaire sportif dans le journalisme politique et sans doute ce lexique n’est-il jamais aussi présent que dans les « décryptages » d’avant et après débat : untel est « un favori », l’autre « un challenger », celui-ci « retient ses coups », celui-là veut « marquer des points ». Les débats, comme les matchs, sont des objets médiatiques à double détente: il y a l’événement en lui-même et ensuite l’événement comme prétexte. Pour commenter le débat, on invite en plateau des représentants des candidats en présence et on les fait débattre au sujet du débat.
Mais le recours au vocabulaire sportif est surtout révélateur d’une grave méprise. Un débat n’est pas un match. Le match est l’aboutissement de la préparation, la fin, le but, l’occasion de la victoire. Le débat n’est qu’un moment dans la confrontation des idées et, dans la mesure où il est forcément très encadré (temps de parole, sélection des thèmes, possibilité de se répondre), il en constitue le moment le plus frustrant. Le Débat déborde largement les débats.
Avec la focalisation exclusive sur les débats télévisés, on en arrive à avoir l’impression que la campagne se réduit à ces moments de mise en scène médiatique et cela participe du sentiment actuel de confiscation de la démocratie.
Personnellement, je ne suis pas déçue que le prochain « débat » soit annulé au profit d’une succession d’entretiens individuels. Il est trop triste de voir la démocratie réduite à une espèce de jeu télé, avec bande-annonce, journalistes animatrices surjouant la froideur d’un jury et candidats disposés en rond, immobiles derrière des pupitres, répondant à tour de rôle en une minute chrono.
Chère Ingrid,
La démocratie, la vraie (à savoir l’interrogation du peuple sur tous les sujets d’importance), se pratique en Suisse, et cela fait bien longtemps qu’on pourrait la pratiquer en France si nous n’étions pas dans une tyrannie molle.
Il me semble que Voltaire disait, en son temps, que la seule différence entre la Russie et la France se dénommait « Sibérie »…
Je vous souhaite une belle journée.
PS: je profite de ce commentaire pour rajouter le « pas de quoi » que j’ai oublié sur le précédent article, dans ma réponse à votre remerciement.
PPS: idée de débat à lancer, peut-on dire que Fillon a été blanchi à Strasbourg?
La démocratie et ces débats politiques d’un nouveau genre ressemblent à des jeux télévisés. Néanmoins ou peut-être à cause de cela, ils battent des records d’audience.
Alors, pourquoi changer une formule qui gagne ?
Pauvre Europe…
j’irais plus loin. Je n’ai jamais voulu regarder les débats. Primaires ou pas.
Une funeste impression de « télé-réalité ». Je suis anéantie par cette élection présidentielle. Peu importe celui ou celle qui sera élu(e). Elle restera comme une élection plus que particulière (en négatif). Rien de grand. Rien de noble. Que de la bassesse, de la trahison, des postures, des chausses-trappes. La dernière en date : Lemaire après avoir quitté le bateau Fillon, vient d’y revenir, tout est dit. Et je ne parle pas d’Estrosi. Voila pour la droite, quant à la gauche Hamon ne peut plus s’allonger dans son lit à cause des couteaux plantés. Soi-disant Mélenchon serait devant Fillon (perso je n’y crois pas), mais si c’est vrai cela prouve l’état de déliquescence dans lequel se trouve le pays pour que des électeurs envisagent de voter pour ce monsieur, qui n’a pour lui que des effets de manches. Mais ne pas oublier qu’il ressemble à Staline un peu…. Quant à Macron, c’est une marque de lessive. Et nous allons peut-être devoir faire avec pendant 5 ans. Hors de question que je cautionne cette ignominie. Je veux garder le plaisir de pouvoir dire ce que je pense à tous ceux qui auront voté pour lui et qui viendront se plaindre auprès de moi.
Madame,
Petite leçon de journalisme en passant : au lieu de : «Heureusement que les États-Unis se sont décidés à bombarder la Syrie sinon on nous parlait encore pendant deux semaines du « Grand Débat Élysée 2017 » de mardi dernier», vous auriez dû écrire : «Si les États-Unis ne s’étaient pas décidés à bombarder la Syrie, on nous parlerait encore pendant deux semaines du Grand Débat Lysée 2017».
La différence entre heureusement et si ? À vous d’y réfléchir.
Bien à vous,
DF