Rassurante propagande.Il est des événements comme la rentrée des classes, l’achat des cadeaux de Noël ou les premiers jours de plage, qui fournissent chaque année l’occasion à nos médias de refourguer exactement les mêmes types de reportages. On se demande d’ailleurs pourquoi ils prennent la peine d’aller interviewer des gens, il suffirait de reprendre les papiers de l’année précédente, personne ne s’en rendrait compte. Mais certains sujets sont plus tendancieux que d’autres.

Le bac dans les médias, c’est : le stress avant les épreuves, les épreuves, la correction, la découverte des résultats.

Actuellement, nous sommes dans la phase des corrections :

Ah non, pardon, ça c’est un article de l’année dernière. Voici 2017 :

Je précise que je ne suis pas l’Ingrid en question.

Mais le top, c’est ça. On peut lire l’article mais le mieux est assurément d’écouter le reportage (en bas de la page donnée en lien).

Le contenu de ce petit reportage est gentillet. On oscille entre le sans intérêt et le rassurant. Elle est bien mignonne, cette petite Mme. Pierrat, avec son stylo rouge et ses petites anecdotes. Mais son interview est l’occasion de rappeler le pré-pensé obligatoire.

Elle ne tient pas compte de l’orthographe, dit-elle. La journaliste ne s’étonne ni ne s’offusque. C’est le signe que Mme. Pierrat est « bienveillante ». A en croire la réaction, ou plutôt l’absence de réaction de la journaliste, ce choix docimologique (la docimologie est la science de la notation, c’est un des seuls souvenirs qui me restent de mes quelques heures d’IUFM…) ne pose aucun problème, et ne mérite donc d’être ni questionné ni contesté. Un prof qui n’adopterait pas ce parti pris serait tout simplement considéré comme malveillant et représenterait ainsi le type même du mauvais correcteur.

Et puis, bien sûr, ils ont trouvé une prof qui est prête à tordre le cou à la « rumeur », au « mythe » : non, il n’y a pas de consignes pour donner le bac à tout le monde. Voici comment le passage est restitué dans l’article :

Manipulation. Il n’y a certes pas de consignes pour qu’on donne le bac à tout le monde. Mais il y a bien des consignes pour être bienveillant. Les fameuses réunions d’harmonisation voient se succéder les incitations à surnoter au prétexte que « dans cette copie, on voit que l’élève a voulu faire ceci ou cela ». Tout correcteur doit atteindre une moyenne de 10/20 sur son paquet de copies. Si ce n’est pas le cas, ses copies sont renotées en commission avec toute la bienveillance dont le méchant n’a pas été capable.

La période du bac, pour nous autres profs, est celle des échanges de perles (en congé parental, je me contente cette année de lire celles de autres !). La plupart de ces perles viennent certes des copies mais un grand nombre d’autres sont glanées lors des réunions dites d’harmonisation et dans les consignes de notation. Ce qui m’amène à mon dernier point, qui aurait mérité une question à Mme. Pierrat : l’évaluation idéologique. Je ne sais pas ce qu’il en sera cette année et je ne suis pas professeur d’histoire-géographie (pardon, professeurE). Mais je tiens à porter à la connaissance de mes lecteurs le fait suivant, qui date de l’an passé (ne disposant pas encore d’un blog, j’avais gardé ce scan en mémoire dans mon ordi en me disant que j’aurais peut-être un jour l’occasion de le diffuser).

Le sujet d’invention de l’épreuve de littérature 2016 des séries technologiques était le suivant :

Et voici ce qui figurait parmi les consignes de notation :

A faire connaître aux candidats qui avaient cru bien faire en vantant le patriotisme économique… Et se sont pris une bâche.

 

PS : je me permets d’ajouter ici le lien vers l’article de Sophie de Tarlé, sur le site du Figaro, qui rend compte du post facebook publié, il y a quelques jours, par une correctrice du Bac de français.

 

 

 

12 commentaires

  1. Quel est le plus effrayant ? Qu’une censure soit appliquée, ou que les commissaires politiques ne se dissimulent plus ?

  2. Comment garder sa raison (sanity) dans ce ministère, quand on est habité par des idéaux élitistes et républicains ? (C’est une vraie question.)

  3. La consigne donnée est effectivement : BIENVEILLANCE à tout-va.
    Le bac est bien sûr « facilité » pour les candidats qui rendent une copie.

  4. Je ne suis pas toujours (totalement) d’accord avec Mme Riocreux, mais sur cet article je trouve qu’elle minimise la gravité de la dérive qui atteint, non pas les enseignants eux-mêmes, souvent mis en cause injustement, mais l’encadrement pédagogique et politique de ces derniers.
    Mais cela n’a pas commencé avec N V Belkacem qui illustre l’article, c’est une longue décomposition continue portée par tous ceux qui se sont succédé, de droite ou de gauche.
    Un point de l’article concerne l’orthographe « qu’il ne faudrait pas juger ».
    mon épouse qui était DRH et recevait des lettres de candidature observait l’orthographe en premier et avait remarqué que lorsque celle-ci était déficiente, tout le reste l’était généralement chez la personne…

    • Que des clichés ! l’intelligence et les compétences sont multiples et les talents divers et variés ! Je plains les chômeurs qui doivent la subir.

      • La maîtrise de la langue n’est pas un « talent » parmi d’autres. C’est la structuration de l’esprit qui est en jeu et, par suite, les capacités de réflexion. C’est sans doute ce que veut dire Mike Buddy. Mais il va de soi que certains métiers nécessitent moins que d’autres un haut niveau en orthographe. Pour ma part, je trouve que les petites fautes d’orthographe qui témoignent d’une inattention ou de la méconnaissance d’un mot sont moins graves que les erreurs de grammaire qui suggèrent souvent, quant à elles, un défaut de logique.

  5. Ou comment l’état français, en l’espèce de son ministère de l’Education Nationale, incite à la destruction de sa propre langue et persécute ceux qui ont l’outrecuidance d’évoquer leur appartenance à ce pays.

    Remarquez bien les guillemets autour de l’adjectif, qui renforcent le bannissement de cette dérive condamnable : se réjouir qu’une invention utile voie le jour dans votre pays. Les grands auteurs de dystopies n’avaient pas été jusqu’à imaginer une telle perversion : forcer un peuple au patricide. C’est pourtant fait.
    Mais un tel fait ne relève-t-il pas de la haute trahison ?

    • Ne vous inquiétez pas, netrick, ils trouveraient certainement le moyen de vous évaluer sur des « compétences » que vous n’avez pas !

  6. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »….

    comment comprendre qu’après avoir donné le bac à tout le monde on puisse se plaindre de n’avoir pas assez de place dans l’enseignement supérieur..?….

    autre formulation : comment peut-on être aussi con ?

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