JP II

Complotisme, sensationnalisme, amalgames douteux, musiques inquiétantes et plans de coupe suggestifs. Un régal. Avec, chose rare, un soupçon bien involontaire de propagande pro-life ! Mais si, je vous assure !

C’était hier la journée de la femme, mais nous avons plutôt l’impression de sortir à peine d’une semaine de la femme tant le matraquage a été intense. De fait, deux jours avant la journée de la femme, le 6 mars, Arte proposait une soirée spéciale en trois temps. Pour celles et ceux (je m’essaie à l’écriture inclusive) qui se couchent tard, le programme était prometteur puisque la deuxième partie présentait un entretien croisé entre deux intellectuelles, l’une allemande, l’autre iranienne, qui interrogeaient les notions de féminisme, de libéralisme, de conservatisme et mettaient en perspective les grands débats actuels sur la condition des femmes, d’après leurs expériences personnelles, adossées à deux arrière-plans culturels très différents. Suivait, en troisième partie, un reportage sur les « femmes leaders », un sujet qui comportait sans doute des portraits et des parcours de vie fort intéressants. Je ne sais pas, puisque je n’ai pu le voir. En effet, les gens qui se couchent tôt devaient se contenter du documentaire diffusé en première partie de soirée, que voici :

On y apprend que les chrétiens sont contre l’avortement.

Si.

Ah, vous le saviez déjà ?

Eh bien, vous pouviez vous coucher encore plus tôt.

Moi, je ne m’en serais privée pour rien au monde : les reportages de ce genre sont mon péché mignon, des petites gourmandises tout à fait délicieuses. Pendant que tout le monde regardait PSG-Real, je m’offrais donc ce petit plaisir : un reportage sur l’IVG. Je me dis qu’il faut en profiter parce qu’il paraît impossible que l’on continue encore longtemps à faire du journalisme comme cela. On a tout : les musiques de conditionnement émotionnel (selon les moments : fond sonore inquiétant, musique du méchant, mélodie à forte charge pathétique, etc.), les plans de coupe montrant des statues d’anges ou de saints et suggérant une omniprésence écrasante du religieux… et la manipulation.

Manipulations diverses: jusqu’ici rien de nouveau sous le soleil du journalisme

La séquence introductive est faite pour choquer et désactiver la capacité de réflexion du téléspectateur (au lieu de poser les problèmes de manière à susciter chez lui des questionnements pour le mettre en état d’utiliser son intelligence et son esprit critique). Valentina est morte parce que le médecin qui l’a prise en charge lors d’une complication survenue au cours de sa grossesse a refusé de procéder à l’avortement de ses jumeaux. Idée des deux journalistes : les objecteurs de conscience refusant l’IVG au nom de leurs principes chrétiens sont des meurtriers. Seulement, le médecin responsable de la mort de Valentina, contrairement à ce que croient les deux journalistes et contrairement à ce qu’il croit sans doute lui-même, n’est pas un objecteur de conscience agissant en chrétien : c’est juste un gros con. En effet, il pense exactement de la même manière que les féministes. Mais dans l’autre sens. Elles considèrent que la vie de la mère vaut plus que celle de l’enfant. Lui considère que celle de l’enfant vaut plus que celle de la mère. S’il était chrétien, il considèrerait seulement que la vie de la mère et celle de l’enfant ont la même valeur : sa priorité devrait être, dès lors, de sauver celle qui peut l’être. Il aurait pu sauver une vie sur trois, il a préféré perdre les trois. Je vois mal ce qu’il y a de chrétien là-dedans mais l’ensemble du reportage va s’appuyer sur l’effet saisissant de cet épisode initial pour mettre en cause le christianisme et lui seul.

Des opposants à l’IVG non chrétiens et non croyants, il ne sera pas question une seule seconde.

De même, on ne verra pas d’IVG. Mais ça, c’est un classique de ces reportages puisqu’il est entendu que si on montre une IVG, on risque de dissuader les femmes d’avorter. Tout comme filmer le gavage des oies est mauvais pour la vente de foie gras.

Une longue séquence est consacrée à l’activisme des pro-life au sein du Parlement Européen. Un document présenté comme confidentiel et intitulé « Agenda Europe » révèle même que ces lobbyistes sont aussi contre le divorce, la contraception, l’homosexualité et l’utilisation des mères porteuses. Bref, les lobbyistes chrétiens sont chrétiens. The scoop. Voyez à partir de 20:56 dans la vidéo et notez l’éclairage du document qui donne l’impression qu’on est en train de lire à la lampe de poche un papier secret, ainsi que le fond sonore absolument génial :

agenda europe

En réalité, ce document n’est pas confidentiel du tout. Il est même disponible en ligne. En recopiant l’une des phrases dans la barre de google, je suis tombée directement là-dessus :

agenda europe2

Est-ce du bon journalisme que de donner dans le complotisme le plus ridicule en faisant passer pour ultra-secrets des documents accessibles à tout le monde en un seul clic ?

Un reportage qui échappe (quand même) à la caricature habituelle du discours médiatique

Alors que Guillaume Meurice, dans une chronique radiodiffusée que je mentionnais ici, appuyait son attaque sur le postulat que la lutte contre l’IVG est un combat d’arrière-garde mené par des vieux qui ont déjà un pied dans la tombe, les deux journalistes d’Arte prennent justement pour leitmotiv de leur enquête le fait que ce combat change de formes parce qu’il est désormais mené par les jeunes générations (elles parlent de « jeune garde réactionnaire »).

De plus, à aucun moment elles ne prétendent que l’embryon humain n’est pas un être humain (ce qui est pourtant une rengaine médiatique). Si les droits humains ne lui sont pas applicables, c’est parce qu’il n’est pas « sujet de droits », expliquent-elles (ce qui rejoint ce que je disais récemment sur le fait que le débat porte sur son statut juridique, qui est contingent et modifiable, et non sur son statut biologique, sans quoi le droit à l’IVG serait un impensable absolu). Cela dit, je trouve toujours que quand les cathos jouent les droits-de l’hommistes, cela sonne faux (ce n’est d’ailleurs souvent qu’une stratégie rhétorique). D’où l’intérêt qu’il y aurait, je le redis, à faire un reportage sur les anti-IVG non-cathos, qui se réfèrent en toute sincérité aux droits de l’homme puisqu’ils ne croient pas en Dieu.

Un reportage (involontairement) pro-life ?

Le passage sur les enterrements de fœtus en Italie paraît conçu, a priori, pour nous faire découvrir une aberration mais le commentaire de la journaliste provoque un malaise qu’elle n’avait peut-être pas anticipé : « les parents sont-ils au courant ? » s’interroge-t-elle (voir à 00:54:50). Les parents ? Ce mode de désignation appliqué aux géniteurs de fœtus avortés appartient au vocabulaire pro-life ! La journaliste d’Arte serait-elle soudain passée à l’ennemi ? On se plaira à imaginer les « parents » qui, voyant des gens fleurir la tombe de leur enfant, hurleraient : « bande de monstres, remettez tout de suite mon enfant dans la poubelle des déchets biologiques ! ». Au passage, l’allusion aux « parents » donne aussi l’impression que le « père » a voix au chapitre, ce qui est légalement faux. Donc le traitement de ce passage est très surprenant, de même que l’idée selon laquelle ces cérémonies auraient pour but de « culpabiliser les femmes »… alors que la plupart d’entre elles, comme le précise le reportage, ne sont pas au courant que leur fœtus a été inhumé ! Les journalistes n’envisagent pas que ces cérémonies soient pensées, non point vis-à-vis des « mères » (cf. « parents ») mais vis-à-vis de Dieu (cf. la prière d’appel au pardon) et surtout vis-à-vis des défunts, à qui il s’agit de reconnaître dans la mort une dignité qui leur a été niée durant leur courte vie. Elles ont aussi un sens pour les cousins, cousines, oncles, tantes, frères, sœurs et pères de trucs avortés qui, s’ils n’ont pas leur mot à dire dans le processus d’IVG, aimeraient bien, après coup, disposer au moins d’un lieu symbolique de recueillement (à moins que nous n’en soyons réduits à fleurir les poubelles des services d’orthogénie) : que celles qui veulent avorter avortent, mais qu’on nous laisse pleurer dignement nos morts ! En outre, il faut rappeler que la pratique de l’inhumation symbolique (donner un nom à l’enfant, lui écrire une lettre pour expliquer notre choix d’avorter puis enterrer cette lettre) est une démarche préconisée par les psychologues aux patientes souffrant du syndrome post-IVG. Ce n’est donc pas si farfelu que cela.

Enfin, il y a ce passage sur les « maisons des mamans » (à partir de 1:16:34), en Russie, sortes de foyers permettant aux femmes de garder leur enfant quand leurs conditions de vie matérielles, sociales ou conjugales les auraient contraintes à avorter. Là aussi, l’angle devient très pro-life lorsque la journaliste choisit de s’attacher au cas de Natalia : les bénévoles de la « maison des mamans » l’ont, nous dit-on, « dissuadée » d’avorter. Mais l’interview révèle qu’elle s’apprêtait à recourir à l’IVG sous la pression de son conjoint qui l’a battue et a tenté de provoquer une fausse couche à force de coups de poings au ventre. Bénévole au sein d’une structure d’accueil pour femmes victimes de violences conjugales, je peux témoigner que le cas de Natalia est ultra-fréquent et je pose la question : est-ce être « anti-choix » que de tout faire pour éviter à ces femmes d’avorter quand on voit dans quelles conditions elles font ce « choix » ? N’est-on pas typiquement face à un cas d’avortement forcé ? Idée de reportage pour Mmes Jousset et Rawlins-Gaston : « l’avortement forcé en Europe : un drame méconnu ».

Le passage se clôt sur l’idée que l’oligarque russe qui finance les « maisons des mamans » tenterait « d’exporter ce modèle en Europe ». Nos deux journalistes semblent ignorer totalement que, en France du moins, les foyers de ce type existent déjà, sans l’aide des subsides russes : certains sont des établissements privés, d’autres sont publics. Tout est prévu et encadré par des professionnels : hébergement, suivi de grossesse, assistance juridique, aide à la parentalité, babysitting et insertion professionnelle. Les coordonnées de ces « maisons des mamans » à la française sont disponibles auprès de tous les centres du Planning Familial, à condition de tomber sur une gentille dame sincèrement pro-choix et non fanatiquement pro-IVG. Parce que si deux intervenants, dans le reportage d’Arte, expliquent que les « pro-life » devraient être appelés « anti-choix », on doit signaler que ce qualificatif s’appliquerait aussi très bien aux doctrinaires du camp d’en face… sur lesquels nous attendons encore l’enquête journalistique à charge (avec musique du méchant et tout le toutim, sinon c’est pas drôle).

16 commentaires

  1. 1- Vous avez réalisé un excellent travail d’investigation, une fois de plus. Les pratiques douteuses de certains journalistes sont entièrement désossées et cela permet de mettre en lumière le caractère extrêmement orienté de ce genre de reportage.

    2- Ce travail vaut mieux qu’une critique ou un pamphlet. Je pense même que, par la qualité de votre travail de compréhension et d’analyse, vous êtes – sans doute à votre corps défendant – une des plus redoutables pamphlétaires de notre époque. C’est le chemin à suivre pour ceux et celles qui veulent lutter pour notre liberté de penser et de dire.

    3- Le travail de ces journalistes est exécrable, mais on omet peut-être un peu trop de souligner la responsabilité de ceux qui le valide. Leur nom ne figure pas forcément au générique ; ils ne vont pas présenter le reportage avant sa diffusion, laissant cet honneur à l’employé-journaliste. Ils sont donc néfastes et en plus, lâches.

  2. Chère Ingrid,

    Je souhaiterais rebondir sur deux phrases de votre article:

    « Cela dit, je trouve toujours que quand les cathos jouent les droits-de l’hommistes, cela sonne faux (ce n’est d’ailleurs souvent qu’une stratégie rhétorique). »

    La morale chrétienne étant présente dans la devise de la République, et ayant en France un département au grand complet et au moins un territoire qui s’accommodent très bien de ne pas avoir de Loi de séparation de L’Église et de l’État, votre avis me semble quelque peu réducteur sur ce point…

    « D’où l’intérêt qu’il y aurait, je le redis, à faire un reportage sur les anti-IVG non-cathos, qui se réfèrent en toute sincérité aux droits de l’homme puisqu’ils ne croient pas en Dieu. »

    Je ne me réfère pas aux droits de l’homme quand je formule un avis, mais à la génétique. Cellule phase 2n chromosomes = mêmes droits que la mère (ou le père). Et en particulier, droit à la vie.

    Ceci étant dit, on peut être anti-IVG non-catho, et pour autant ne pas être athée ou agnostique 😉 . Car dans ce qui me semble être une forme de précipitation, vous avez oublié les musulmans, bouddhistes, et enfin les gens comme moi qui croient en l’existence de Dieu sans pour autant éprouver le besoin de disposer de quelconques intermédiaires…

    En dépit de ces deux (bien modestes) observations, j’ai pris plaisir à lire votre article. Et je pense que l’avis de Ribus est tout à fait valable (bien qu’il soit trop sévère à l’égard de sa petite coquille…).

    Je vous souhaite une belle journée.

    • Démosthène,

      « La morale chrétienne étant présente dans la devise de la République, et ayant en France un département au grand complet et au moins un territoire qui s’accommodent très bien de ne pas avoir de Loi de séparation de L’Église et de l’État, votre avis me semble quelque peu réducteur sur ce point… »

      L’hégémonie croissante de l’Islam va inévitablement poser la question du maintien de la loi de 1905 et de la nécessité d’instaurer ou non un nouveau concordat. Je pense que si les républicains s’y refusent, la république, hélas, périra.

      Merci pour votre compréhension, mais je m’efforce de m’appliquer quand j’écris.

      • Ribus,

        Ne confondez pas mon analyse avec un satisfecit à la morale chrétienne 😉 .

        Pour ma part, je ne vois pas au nom de quel principe l’État devrait financer une église ou une autre (pour mémoire, une religion n’est rien de plus qu’une secte qui a réussi).

        La Loi de 1905 me convient très bien, mais qu’elle soit appliquée à tous (et surtout, partout…).

        Enfin, je me référais à votre -4. -1, peut être, -4 certainement pas, encore moins dans la mesure où vous vous êtes repris vous-même.

        Belle journée à vous.

        • « pour mémoire, une religion n’est rien de plus qu’une secte qui a réussi » Pour rappel, si l’on s’exprime en respectant le sens des mots, on ne devrait jamais dire « une religion » mais « la religion » car au sens classique de cette notion ( depuis l’antiquité grec et romaine), c’est une vertu (comme « la » justice, « le » courage etc…). La majorité des gens confondent la notion de religion avec la notion de croyance. Il y a une infinité de croyances mais une seule religion et, est-il besoin de le préciser …toutes les croyances ne mènent pas à la religion. Elle résume le devoir moral de rendre un culte à celui (ou ceux) que sa croyance désigne comme son (ou ses) seigneur(s) tout-puissant. A l’opposé, celui qui se croit « sans Dieu ni maître » est en toute logique dans « l’irréligion ». Si vous voulez bien reconsidérer vos propos avec le sens exact des mots/notions, vous verrez que cette confusion moderne a fait naitre autour du mot « religion » beaucoup de polémiques qui, d’un point de vue philosophique sont absolument stériles.

  3. Bref, rien de neuf sous le soleil progressiste et encore moins d’une de ses représentations qu’est le journalisme.

  4.  
    « les musiques de conditionnement émotionnel »
     
    C’est maintenant un fait établi : la musique dans les « séries » (feuilletons) télévisées, les films, les reportages remplacent avantageusement les dialogues. La plupart du temps, on n’y perd pas au change : les dialogues, les commentaires sont souvent insignifiants. A quand les J.T. avec musique de fond ?
     

  5. J’ai vu cette émission ridicule et biaisée. On y parle de « Chrétiens », mais on se concentre sur les Catholiques et un peu sur les Orthodoxes. Les Protestants sont moins visés, parce que là les témoignages sont plus difficiles à trouver.

  6. « Gros con » pour le médecin italien, c’est un peu vite dit. A froid, c’est toujours facile d’être rationnel, mais dans l’incertitude du moment (car c’est une question d’appréciation du risque, la mort étant rarement certaine), la nécessité de procéder soi-même à un acte qu’on réprouve aussi fortement (meurtre d’un bébé innocent dans l’esprit du médecin) peut être une responsabilité qu’on refuse d’assumer, un devoir trop lourd à porter.

    Etes-vous contrainte, dans l’exercice de votre travail, de tuer l’un pour sauver l’autre ? Si ce n’est pas le cas, ne reprochez pas à d’autres de ne pas avoir ce courage.

    • Mme Riocreux ne dit pas si ce médecin s’est expliqué. Peut-être avait-il, de son point de vue, de bonnes raisons de penser qu’il pouvait sauver la mère et ses jumeaux?

  7. Belle analyse, une fois de plus, du logos des médias avec dénonciation de leurs apories conceptuelles.

    Oui, l’opposition à l’avortement n’est pas spécifiquement catholique, ni même seulement chrétienne. Je connais d’ailleurs quatre femmes dont je sais qu’elles ont avorté, deux des quatre sont catholiques et l’une des deux a pratiqué au moins quatre IVG, je me suis pris la tête avec ces deux femmes à ce sujet.

    Or je ne suis pas catholique et j’ai toujours été contre la pratique et la légalisation de l’avortement (mais je ne suis pas pour son interdiction, E. Bastié parlait récemment d’un livre qui faisait l’éloge de l’hypocrisie, oui, l’hypocrisie est souvent l’huile indispensable pour permettre à une société de perdurer. Or on va exactement dans le sens inverse…). Même quand je me disais athée, ce qui était très prétentieux, aujourd’hui je me contenterais de me prétendre bouddhiste, j’étais un pro-life radical. Je crois même que les plus fervents anti-IVG sont parmi les athées, Zola en a été un bel exemple. Et mon médecin anar aussi qui avait publié un papier dans le Reader digest, à l’époque de la loi Veil, pour dénoncer le recours à l’avortement.

  8. Merci pour ce pétillant décryptage qui, une nouvelle fois, prend la main dans le sac de la malhonnêteté intellectuelle ces journalistes lourdauds et totalitaires. Comme toujours vous visez juste et, avec drôlerie et lucidité, nous éclairez sur les manipulations de ceux qui prétendent nous informer. La mise à nu de ces petits Goebbels des temps modernes est d’autant plus jubilatoire que c’est la seule sanction que nous puissions leur infliger…
    Il me paraît intéressant de souligner que c’est une nouvelle forme de blasphème qu’introduisent ces ilotes du journalisme lorsqu’ils nous ordonnent de haïr toute critique de l’IVG. En la matière, on ne discute plus, on ne débat plus, on n’argumente plus… on insulte, on cogne et si possible on exécute celui qui a l’imprudence d’évoquer de manière contradictoire le drame de l’avortement… La traque de la liberté de pensée sur un tel sujet et l’absence de pluralisme dans les médias dès qu’il en est question sont évidemment préoccupantes. Dans 50, 100 ou 200 ans, lorsque l’évolution de la loi et de la morale ou plus probablement les progrès techniques auront conduit à la disparition de l’avortement, les anthropologues se passionneront pour le traitement par le déni de cette réalité pourtant digne qu’on en débatte qu’est l’interruption in utero de la vie de plus de 200.000 enfants à naître chaque année en France…

  9. j’ai bientôt 72 ans, j’ai vécu l’époque de l’interdiction de l’avortement et même des moyens contraceptifs. Je suis tombé enceinte très jeune et j’ai gardé l’enfant et même le père le temps d’en avoir un deuxième très rapidement. Je me suis séparée du père et nous sommes restés amis. J’aurais peut-être avorté si cela avait été permis mais je ne regrette pas un instant de n’avoir pas voulu le faire (il y avait des possibilités en cherchant bien). Mes enfants sont merveilleux et j’en ai eu un troisième avec un deuxième mariage. Par la suite, j’ai connu un gynécologue qui m’a dit avoir pratiqué des avortements au moment de l’interdiction quand il s’agissait de cas de femmes en grandes difficultés ou menacées par un homme violent. Par peur des poursuites ses collègues refusaient systématiquement de pratiquer des avortements quelque soit la situation de la femme. L’interdiction ayant disparue, le gynécologue fut très surpris d’avoir des demandes d’avortement de la part de femmes éduquées et aisées pour des motifs futiles comme un voyage touristique programmé ou la peur de grossir. Ses collègues dans l’ensemble les ont pratiqués sans se soucier des motifs et sans état d’âme du moment qu’ils étaient payés. Ce qui me frappe aujourd’hui et me stupéfie, c’est le fait que l’avortement soit devenu pour un trop grand nombre de femme un nouveau moyen contraceptif puisque le nombre d’avortement reste très élevé pratiquement inchangé depuis l’autorisation. J’ai lu un article qui préconisait de ne plus rembourser l’avortement à la troisième demande en Suède ce qui soulevait la colère d’une féministe qui se vantait d’en avoir pratiqué cinq et qui jugeait que c’était un devoir de l’Etat de permettre à une femme de se faire avorter autant de fois qu’elle veut. Ces femmes sont-elles masochistes ou victime d’un sentiment de culpabilité (il faut souffrir des liberté que l’on a prise) Personnellement, j’ai toujours pensé que j’aurais pu aider une femme qui ne voulait absolument pas de l’enfant qu’elle attendait car j’ai connu des cas très tristes pour ces enfants non désirés et rejetés. C’est peut-être surtout à cela qu’il faut penser. Il faut beaucoup de générosité et d’amour pour rendre un enfant heureux; tous et toutes en sont-ils capables? En conclusion merci Ingrid pour vos analyses toujours si pertinentes. L’ignorance et la bêtise s’étalent dans les média auxquelles s’ajoute une forme radicale d’intolérance qui rappelle celle des intégristes cathos qu’ils dénoncent dans le reportage, en oubliant les évangélistes, les musulmans, les juifs et les autres. Ils ignorent notamment que dans le christianisme et le judaïsme, le pardon est toujours possible même pour un criminel. Il semble que pour ces journalistes, tous ceux qui ne pensent pas que l’avortement est la meilleure solution pour les femmes sont des criminels impardonnables

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here