pmafranceinfo3C’est un article très court, transcription d’un sujet diffusé le 14 juin sur France Info TV, et qui, en apparence, ne sert à rien. J’aime bien ce genre de petites choses.

Signalons d’emblée les problèmes soulevés par ce texte (et la vidéo qui l’accompagne) : d’abord, il ne comporte aucun contenu informationnel ; soit, après tout : il s’agit de faire entendre une voix dans un débat. Seulement, comme on va le voir, le point de vue exprimé n’est pas étayé. Il s’agit seulement de balayer par une formule magique l’opinion opposée. C’est un article partisan et faible dont l’existence ne se justifie que par son orientation idéologique.

Observons d’abord le titre :

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On note la position du « selon une spécialiste », qui aurait pu être placé en tête de titre… et l’eût certainement été si le propos de ladite spécialiste n’avait pas été partagé par la journaliste. Ici, on a le temps de prendre pour une assertion informative le début du titre, avant de comprendre qu’il s’agit d’un point de vue. « Une spécialiste » est l’argument d’autorité le plus faible : on comprend d’emblée que cette personne n’est que le masque de la journaliste. Comme elle ne peut pas s’exprimer en son nom propre, elle est allée chercher quelqu’un qui pense comme elle. Procédé ultra fréquent. Nous sommes tous le « spécialiste » de quelqu’un qui espère parler à travers nous. C’est assez désagréable.

On note aussi la présence du verbe « brandir ». Celui-ci réapparaît immédiatement dans l’introduction :

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« Brandir » est un geste belliqueux et impulsif. La journaliste suggère que les « opposants » dont il est ici question cherchent à faire peur en utilisant un argument anxiogène, non fondé sur la raison. Ils font pourtant la même chose qu’elle : ils recourent à l’argument d’autorité (cf. « la spécialiste ») mais dans leur cas, il s’agit d’un principe constitutionnel. Elle oublie, en outre, de dire que les « opposants » ne sont pas les seuls à « brandir » ce principe. Les couples d’hommes eux-mêmes le brandissent déjà, grands absents de ce petit reportage au demeurant, sauf dans les images d’illustration muettes.

Puis vient le texte lui-même :

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« Eoudard »… Je ne lui jetterai pas la pierre, et c’est mignon. Ce qui est intéressant, c’est que le texte choisit de présenter une relation d’opposition, souligné par « en revanche », alors que le rapport logique aurait pu être de type concessif: « bien que le texte ouvre la procréation aux femmes etc., la GPA, elle, n’est pas abordée ». Autrement dit, avant même de céder la parole à la spécialiste, la journaliste exprime déjà le point de vue que celle-ci va défendre, qui repose sur la distinction radicale entre les deux méthodes de procréation.

Si on l’en croit, elles n’ont rien à voir, ce sont deux choses totalement différentes; en outre, l’une est mentionnée dans le projet de loi, alors que l’autre, non.

C’est l’argument du texte (j’insiste, du texte). Il va maintenant être illustré par la citation d’une spécialiste.

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L’article opère une reformulation concise, mais parfaitement exacte, de l’argument anti-PMA motivé par une méfiance envers la GPA : « Si un couple de femmes peut avoir un enfant, pourquoi est-qu’un couple d’hommes ne pourrait pas en avoir? » La question qui se pose est bien celle du principe, non du moyen. Or, prétendant répondre « d’un point de vue juridique », la citation de Valérie Depadt s’en tient à rappeler une distinction purement technique quant à la méthode de procréation nécessaire. Lorsqu’elle dit que « les hommes ne se trouvent pas dans la même situation que les femmes », c’est faux. Ils se trouvent totalement dans la même situation. La différence tient aux manières de remédier à celle-ci.

Prenons un autre exemple pour mettre en évidence le caractère fallacieux de ce raisonnement : pour entrer dans un bâtiment, une personne valide peut emprunter un escalier. Mais un handicapé en fauteuil roulant a besoin d’une rampe d’accès inclinée. Le principe d’égalité impose qu’on installe cette rampe pour que les personnes handicapées puissent, au même titre que les autres, entrer dans le bâtiment. La logique de Valérie Depadt est la suivante : puisque le moyen d’entrer dans le bâtiment n’est pas le même selon que l’on est valide ou handicapé, ces deux catégories de personnes ne sont pas dans la même situation et rien n’oblige à installer la rampe d’accès.

Enfin, j’avoue un petit faible pour le verbe « détailler » (« détaille Valérie Depadt ») qui suggère que nous avons affaire à une explication hautement spécialisée et très précise alors qu’il s’agit uniquement d’une opinion, au surplus très peu argumentée, en tout cas dans l’extrait qu’on nous en livre.

La citation se conclut sur une distinction graduée entre PMA et GPA, que l’on pourrait aisément renverser : les hommes ont besoin d’une GPA alors que les femmes « n’ont besoin que d’une PMA ». Ne…que ? Cette négation restrictive donne à penser. Après tout, dans les deux cas, on implique un tiers (le donneur de sperme dans un cas, la mère porteuse dans l’autre). Dans le reportage, on nous explique le « ne…que » : pour la PMA, il s’agit juste d’étendre quelque chose qui existe déjà dans le droit, contrairement à la GPA qui consisterait à légaliser une pratique non autorisée pour l’instant. Toute la différence est donc entre un petit pas et un grand pas. Je m’étonne toujours de l’efficacité de cette rhétorique qui consiste à dire : nous allons autoriser quelque chose qui est interdit (PMA pour toutes les femmes) mais nous n’allons évidemment pas autoriser quelque chose qui est interdit (GPA).

En outre, en termes d’égalité au sein du couple, la GPA est nettement préférable. En effet, dans la mesure où les couples désirent rarement deux enfants en même temps, la PMA crée des situations dans lesquelles seule l’une des deux femmes se trouve enceinte, inégalité qui est déjà, par définition, regrettablement présente au sein du couple hétéronormé, patriarcal, modèle à abattre, etc. Les femmes ont donc besoin d’une PMA, alors que les hommes « n’ont besoin que » d’une GPA.

En réalité, toutes les fois que l’on a, avec la charitable complicité des médias, prétendu qu’X n’entraînerait pas Y, Y a suivi X. Pacs, mariage gay, adoption. La légalisation de la PMA pour les couples de femmes entraînera évidement celle de la GPA pour les couples d’hommes. Prétendre l’inverse, c’est seulement nous prendre pour des idiots. Notez qu’on s’habitue, à la longue.

 

 

10 commentaires

  1. Avec ce projet de loi, c’est l’inégalité entre les sexes, les hommes ne pouvant bénéficier d’un acte médical et onéreux pour procréer. Mais inégalité aussi entre les enfants sans père et ceux qui auront la filiation et l’éducation paternelle.

    • La PMA n’est pas interdite. Qu’elle soit autorisée à toutes les femmes est par contre une élucubration douteuse. La plupart des femmes préfèrent des méthodes plus naturelles. Ensuite, elle n’est pas très couteuse et beaucoup s’en sont servie de manière totalement artisanale (le prix d’une seringue) et cela ne leur a pas posé de problème métaphysique majeur. Celle envisagée par le gouvernement sera par contre grévé d’un surcout majeur, hospitalisation, personnels,…. Est-ce utile?
      Est-il tolérable ensuite de s’injecter ou de se faire injecter des gamètes provenant du sexe « honni »? Le raisonnement m’échappe par certains côté. Jodie Foster est beaucoup plus cohérente dans ses choix personnels.

  2. Notons que, pour enfumer un peu plus le bon peuple, la PMA à été transformée en AMP (aide médicale à la procréation) et que les couples hétérosexuels et homosexuels feminins sont également dans des situations différentes (selon les termes de la « spécialiste ») puisque les premiers font l’amour pour avoir des enfants alors que les seconds n’utilisent « que » la PMA (pardon….l’AMP).

  3. + Ingrid Riocreux
    Quelqu’un peut il ICI m’expliquer un peu mieux ces 3 passages ?? j’avoue j’ai pas bien pigé !
    1 /  » Une spécialiste » est l’argument d’autorité le plus faible : on comprend d’emblée que cette personne n’est que le masque de la journaliste. […] Comme elle ne peut pas s’exprimer en son nom propre, elle est allée chercher quelqu’un qui pense comme elle. Procédé ultra fréquent. Nous sommes tous le « spécialiste » de quelqu’un qui espère parler à travers nous. C’est assez désagréable. » Pas très clair CETTE PHRASE ?? C’est qui la spécialiste ?? Elle est allé chercher qui ?? Argument d’autorité « le plus faible » ?? A bon le plus faible ? Je ne crois pas, bref c’est pas clair..

    2 / « « Eoudard »… Je ne lui jetterai pas la pierre, et c’est mignon.  » c’est quoi c’est qui Eoudard?? Pourquoi citer ce nom ?? Pas pigé la phrase
     »
    3 /  » reformulation concise, mais parfaitement exacte, de l’argument anti-PMA » Quel est alors cet argument anti PMA d’origine mais non reformulé ??

    Enfin, ça ne me semble pas très pertinent : en outre, en termes d’égalité au sein du couple, la GPA est nettement préférable. En effet, la PMA crée des situations dans lesquelles seule l’une des deux femmes se trouve enceinte, inégalité qui est déjà, par définition, regrettablement présente au sein du couple hétéronormé etc. Les femmes ont donc besoin d’une PMA, alors que les hommes « n’ont besoin que » d’une GPA.
    Mauvaise explication me smeble t’il ! Quel rapport ? eN QUOI CA JUSTIFIE la phrase : les femmes ont donc besoin d’une PMA, alors que les hommes « n’ont besoin que » d’une GPA.
    Pour moi pas très convaincant..

    le reste est remarquable d’un point de vue général

  4. La GPA n’a rien à voir avec la PMA dans la mesure où la GPA nécessite l’asservissement d’une tierce personne et une opération d’acquisition d’un être humain, deux gros problème posés par la GPA mais pas par la PMA.
    Pour reprendre l’exemple de la rampe d’accès, à part un coût plus important, cela ne dérange personne qu’une rampe soit installée pour que les personnes en fauteuil roulant puissent accéder aux étages.
    J’ajouterais que ça ne me dérangerait pas si un couple d’hommes pouvait recevoir un don d’ovule et développer l’enfant soi-même, comme s’ils étaient « enceints », où à l’aide de machines, à supposer qu’une telle chose sorte du domaine de la science fiction un jour. Si cela ne compromet pas la santé de l’enfant à naître, ce pourraît en théorie être une solution acceptable.

    • La capacité qu’ont l’homme et la femme d’avoir des enfants ne me semble pas être un droit relevant d’un principe d’égalité, mais juste ce qui leur permet de perpétuer leur espèce par le miracle de la reproduction. Un homme, une femme, des enfants, une famille… pour que le cycle recommence, encore et encore. Avoir des enfants n’est pas un droit, c’est l’accomplissement d’un devoir, mais à condition que les règles naturelles soient respectées. On reste toujours libre de ne pas le faire, si on n’adhère pas à ces règles. La PMA, où l’AMP, comme le nom l’indique, c’est une aide médicale, donc pour contrecarrer une maladie ou une anomalie physique, ça ne devrait pas être un moyen donné à une femme saine de se faire faire un enfant sur ordonnance. Sous le faux prétexte d’égalité (mais nous sommes tous différents et donc heureusement inégaux), certains d’entre nous sont prêts à nous faire franchir des limites dangereuses. Après la PMA pour les femmes sans homme, il y aura évidemment la GPA pour les hommes sans femme. Et bientôt des machines pour porter les enfants ? Et pourquoi pas votre animale préférée, à laquelle la science merveilleuse aura donné la possibilité de porter votre enfant ?
      N’y a-t-il donc pas de débat plus sensé et plus utile à l’homme et à la femme que celui d’avoir le droit d’avoir un enfant parce que je le vaux bien ?
      Se soucie-t-on, par contre, du droit qu’a l’enfant d’avoir une vrai famille pour pouvoir être éduqué et devenir un adulte responsable ? Car c’est bien la situation contraire qui constitue une inégalité pour l’enfant, et qu’il convient donc de combattre. Non ?

  5. Eh oui ! Solution « acceptable » !
    je vais demander de ce pas à l’enfant qui a deux papas sans Maman et à l’enfant qui a deux Mamans sans Papa, ce qu’il en pense ! Vous venez avec moi ???

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