Touchante ? Confondante ? Ahurissante ? Hilarante ?
Sans doute un peu tout cela à la fois, à des degrés divers.
Reprenons. Dominique de Villepin est ministre de l’Intérieur et Nicolas Sarkozy ministre des Finances. Le premier est mis au courant que le second figure sur des listes de bénéficiaires de pots de vin dans une banque située au Luxembourg, Clearstream. Que doit-il faire ? Etouffer l’affaire ? Non, il demande qu’on enquête davantage afin de connaître s’il s’agit d’info ou d’intox. Il n’en souffle mot à son collègue du gouvernement pensant qu’il tient peut-être là une clef pour éliminer un rival politique. Première naïveté. Comment ne pas imaginer que Nicolas Sarkozy ne sera pas mis au courant pas des journalistes mis dans la confidence ? Ce sera chose faite puisque Stéphane Denis prévient très tôt Nicolas Sarkozy de sa présence sur les listings Clearstream. Lequel, bien plus malin, reste très discret et laisse ignorer tout le monde qu’il le sait. L’enquête aboutit au fait que les listings sont des trucages et l’affaire sort dans la presse. Nicolas Sarkozy sort du bois. Il fait savoir qu’il fera accrocher à un croc de boucher ceux qui ont voulu le mouiller dans cette affaire. cette phrase sort dans un livre consacré à Jacques Chirac écrit par Franz Olivier Giesbert. Tout le monde regarde dans la direction de son rival Villepin. Ce dernier est ainsi écarté de la course à la présidence. Sarkozy a bien manoeuvré. Villepin a été mis hors-jeu.
Mais le président élu, qui pourrait s’arrêter là porté à la magistrature suprême par le suffrage de ses compatriotes, continue. Sa plainte subsiste et son acharnement envers Dominique de Villepin est décuplée par sa nouvelle toute puissance. Villepin décide donc de se défendre et de disputer à François Bayrou le rôle de premier opposant de France. Point d’orgue de cette salutaire réaction, il signe en février 2008 l’appel républicain du journal Marianne en compagnie de personnalités de droite, du centre et de gauche. De plus en plus d’articles commencent parallèlement à sortir dans la presse sur la bonne foi de Villepin dans l’affaire Clearstream. Nicolas Sarkozy décide donc de réagir. Il accueille à nouveau son rival à l’Elysée, lui fait miroiter le fait qu’il ne le considère pas comme un ennemi. Qu’il aura certainement besoin de lui dans le futur. Qu’il ne faut pas insulter l’avenir. Entre les lignes, Villepin croit discerner que le Pouvoir ne fera pas pression pour qu’il soit renvoyé en correctionnelle. Seconde naïveté. Il cesse d’attaquer le gouvernement. Il ne critique même pas, bien qu’il y soit complètement opposé, le renfort des troupes françaises en Afghanistan et la prochaine entrée de la France dans l’OTAN intégrée. Il dit ne plus être dans la critique afin d’être plus audible des Français. Et la sanction tombe, hier. Il est renvoyé devant le tribunal correctionnel. il a tout perdu. S’il redevient opposant au gouvernement, tout le monde dira que qu’il le fait par revanche et qu’il ne sait décidément pas ce qu’il veut. S’il se tait, il meurt politiquement en silence.
Le piège s’est refermé. Il n’y a pas de place pour les naïfs en politique. Mais la véritable victime de Clearstream, c’est bien Dominique de Villepin.
Article cité par Vendredi (édition papier)