Réponse d’un député dissident à son président de groupe

 

Voici la lettre que le président du groupe « socialiste, républicain et citoyen » Bruno Le Roux a envoyé à ses collègues le 3 octobre dernier. Hier, vingt-neuf d’entre eux n’ont pas obtempéré à cette « invitation » soit en votant contre (20) soit en s’abstenant (9). Je ne sais si l’une ou l’un d’entre eux a souhaité répondre à cette missive. Mais j’imagine en revanche ce que moi, dans cette situation, j’aurais écrit en retour.

Monsieur le Président, Cher collègue,

Le 3 octobre dernier, tu as bien voulu m’inviter à me conformer à la discipline de groupe dans le cadre du vote solennel de ratification du Traité Merkozy et de celui de la loi organique qui suivra. Je souhaite t’informer que je ne donnerai pas suite à cette aimable invitation et tiens à t’expliquer pourquoi.
Tout d’abord, le règlement du groupe a beau comporter en son article 17 une règle d’unité, je te rappelle que la constitution de la République, elle, dispose d’un article 27 qui stipule que « tout mandat impératif est nul ». Le fait même de qualifier cette règle d’impérative, comme tu le fais dans ta lettre, est donc frappé d’inconstitutionnalité.

Tu rappelles aussi le besoin de cohérence de la majorité. Au risque de t’étonner, je souscris à cette analyse. J’ai voté contre le Mécanisme Européen de Stabilité ; j’ai fait campagne pour le candidat François Hollande contre le traité négocié par le président sortant ; j’ai mené campagne dans ma circonscription en expliquant que ce traité serait renégocié. Ce dernier n’ayant pas évolué d’une virgule, comme l’a reconnu le Premier Ministre à la télévision, la cohérence m’oblige à refuser de le ratifier. Les débats qui ont eu lieu à l’intérieur du groupe ne m’ont convaincu que d’une chose : pour être plus nombreux, les collègues s’apprêtant à approuver ce texte négocié par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ne brillaient pas par leur cohérence.

J’en viens enfin à évoquer ce qui ne figure pas dans ton courrier mais qui m’est donné à comprendre depuis des jours par des allusions de ton entourage ici à l’Assemblée ou des messages ambigus en direction d’élus de mon département. Ainsi mon vote négatif pourrait avoir des conséquences sur mon travail à l’Assemblée nationale -temps de parole réduit, etc…- et sur des projets locaux situés dans ma circonscription qui pourraient être remis en cause. Sache que je ne céderai pas à ce genre de chantage, et que si cela devait être le cas, je ne manquerais pas d’en faire une grande publicité.

Tu l’as compris, la fidélité à mes engagements de campagne et à ceux – pardonne-moi du peu – du Président de la République élu me paraît supérieure aux calculs boutiquiers du groupe auquel j’appartiens. Et cette fidélité se double du souci de l’intérêt national qui doit guider chaque parlementaire lorsqu’il doit se prononcer sur un texte, surtout lorsqu’il s’agit d’un traité international. À l’argument censé culpabiliser les députés socialistes récalcitrants en prétextant que leur vote obligerait le gouvernement à compter sur les voix de la droite, je réponds que ce traité ayant été négocié par cette dernière, il revient aux partisans de l’accord Merkel-Sarkozy -et non aux socialistes- d’approuver sa resucée.

Fidèlement.

 

 

 

 

7 commentaires

  1. @DD,

    Il y a cette phrase, attribuée à Ségolène Royal à propos de son ancien compagnon :

    « Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu’il aurait réalisée en 30 ans de vie politique ? »

    Que se passe t-il si l’on remplace « il » par le nom de ce Président de groupe – dont j’ai déjà oublié le nom – où par un autre parmi les tenants du « Oui » qui appartiennent aux « hautes » sphères socialistes ?

    Tout à coup, un vertige me prend, à ce moment où j’évoque tous nos camarades du progrès ; alors c’est Pascal qui m’interpelle :

    « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. »

    Et vous ?

  2. Bruno Le Roux est maire d’Epinay sur Seine. Il a bien dû réaliser quelques petites choses. Là n’est pas la question, je pense.

    • @DD,

      Les personnes m’importent peu en la cause, et mon propos est d’ordre général ; il intéresse d’ailleurs la Politique, c’est-à-dire la politique de la nation, ici en cause, la politique nationale.

      Comment peut-on être de gauche et voter un pareil texte.

      Comment expliquer que depuis au moins 86 la « gauche » – majoritaire – est aux avants postes du grand renoncement à la politique ?

      Comment expliquer cette passion irrépressible de la « gauche » – largement partagée avec une certaine droite – pour le dépouillement de l’Etat de tous ses leviers politiques, pour l’abandon de souveraineté ?

      Comment expliquer cette passion pour la servitude volontaire ?

      Lire Michéa et Lasch !

      Qu’on arrête de nous dire que le PS et ses alliés ont un rapport avec la gauche.

  3. Bonsoir, il semble me souvenir d’une interview d’un certain JL Mélenchon, encore membre de PS au moment du congrès de Reims, et de cette phrase qu’il avait dite à propos de François Hollande, je cite de mémoire : » c’est un méchant », cette petite phrase m’a toujours interpellé quand j’entends des propos du coté « bonhomme » du personnage!!!!!!!

  4. La servitude volontaire est toujours beaucoup plus confortable que le fait d’assumer ses responsabilités. Ce dernier mot que Hollande a sans cesse à la bouche, mais qu’il renie aussitôt. Nous sommes revenus en 1940 : souvenons-nous que le célébrissime Edouard Herriot n’a courageusement pas pris part au vote le 10 juillet 1940. Tous nos Grands élus et Hommes d’Etat de pacotille se volatiliseront de la même manière quand il faudra vraiment ramasser les morceaux du pays éparpillés par la crise…

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