On devait être fin 1997 à Paris. Philippe Séguin, devenu depuis peu Président du RPR, réunissait 500 jeunes RPR à la Mutualité. Pour parler de la Nation, Max Gallo avait été convié. Et puis, bizarrement, pour parler d’économie, Séguin avait invité Monsieur Euro, Yves-Thibault de Silguy. Mon ami Jean-Christophe Comor, déjà, me prévenait :« Séguin fait son virage européen. La présence de Silguy en est la preuve ». Refusant de voir  qu’il avait évidemment raison, je me disais que Silguy passerait tout de même un mauvais quart d’heure et qu’il serait persuadé en partant que les jeunes séguinistes ne lâcheraient rien. C’est un jeune haut-fonctionnaire, qui écrivait dans le Respublica des jeunes séguinistes sous le pseudo de Gabriel Villedieu, qui attaqua le premier. Silguy ne fut pas à la noce. Villedieu finit même par prouver l’inanité des propos de Mr € et de le traiter d’âne, se faisant réprimander par le tout frais secrétaire national séguiniste à la jeunesse.

C’est là que le micro, que j’avais demandé avant que mon compère ne parle, arriva jusqu’à moi. Il fallait être à la hauteur de Villedieu tout en évitant de donner quelques noms animaliers à l’invité. Je fis donc mon intervention, à ma façon, pour conclure : » si votre Euro, géré comme vous le dites, démontre son efficacité, je reviens et je mange mes chaussettes ». Ces derniers jours, qui ne voit que c’est effectivement à Silguy de bouffer les siennes ?

Noël 2001. Nous sommes en famille à la table du réveillon et à une semaine de l’entrée en vigueur de l’Euro. A bâtons rompus, la discussion s’engage à propos de cette monnaie unique. A cette table, tous, je le pense, ne sont pas des fanatiques de cette monnaie unique et ceux qui avaient le droit de vote neuf ans auparavant ont voté NON à Maastricht. Je tente une prédiction : « l’Euro ne fêtera pas ses dix ans ». Un oncle et un beau-frère -fatalistes ou un brin influencé par cette fausse idée de sens de l’Histoire- me disent que c’est impossible. « Je vous parie un jéroboam », osai-je. Depuis, il ne se passe pas un réveillon sans que l’oncle et le beau-frère comptent à rebours ironiquement les années qui nous séparent de l’inéluctable moment, le 24 décembre 2011, où ils pourront  boire sur le compte de votre serviteur.

L’Euro est donc en train de crever. La France en sera t-elle sortie avant dix-huit mois me faisant remporter mon pari ? C’est aujourd’hui fort possible. Finalement, les seuls qui auraient pu sauver la monnaie européenne sont ceux, de Mélenchon à Dupont-Aignan en passant par Chevènement, qui réclament depuis toujours de nouveaux statuts pour la Banque centrale européenne. Mais pour se débarrasser de cet accident de l’histoire, il fallait juste attendre, et laisser faire ceux qui l’avaient souhaité. Les ânes…

19 commentaires

  1. Un jéroboam de quoi ? Champagne David ! ou Vinaigre !
    Faut surtout remettre les statuts de la banque de France comme ils étaient en 73 et que VgE nous a enlevés alors que c’était un don de Bonaparte qui ne voulait pas que les Banques aient l’ascendant sur lui

  2. Papier très sympa et juste.

    Il est possible que tu gagnes ton pari, mais malheureusement, je crains que ce ne soit pas l’issue la plus probable. Les tenants de la pensée unique feront tout pour retarder le plus possible l’échéance… Papier demain sur le sujet.

  3. Bravo pour la prédiction. C’est aussi la mienne.
    Quelle que soit la volonté des idéologues, on ne plie pas à sa guise les réalités économiques et l’euro ne peut pas techniquement tenir jusqu’à la fin de l’année ( en tous les cas, la Grèce dans l’euro ).
    C’était d’aillerus en 2001 la prévision de tous les prix Nobel d’économie sauf un.

  4. Une objection parmi d’autres (mais là il est tard, je reviens du restau et le rosé a trop coulé pour que je développe d’avantage) est que la France, plus que d’autres pays en Europe, est en proie de façon permanente aux démons de la démagogie, de la dépense publique et de la satisfaction des revendications catégorielles. Je vous vois déjà ricaner, cher David, en me faisant observer que l’euro, loin de là, ne nous a pas épargné ces plaies de l’Egypte. Ayez cependant l’honnêteté d’observer avec moi qu’en l’absence des critères contraignants de la monnaie unique, notre déficit budgétaire, et donc notre endettement eut été pire que ce qu’il est actuellement. Maintenant que tout le système a volé en éclat, et que chacun a percé son panier, il est certain que cet avantage parait moins prégnant…mais un peu de recul historique ne nuit pas à l’analyse.
    Je vous reproche aussi de faire partie des rêveurs qui croient qu’une sortie de l’euro tirera les cigales du bourbier où elles sont enfoncées…j’ai trop de bon goût pour vous promettre de manger ma culotte si une telle occurence se réalisait, par contre je vous parierais volontiers non pas un Jéroboam mais un Mathusalem de Romanée Conti que c’est exactement le contraire qui se passerait.

  5. Article intéressant et tant mieux pour vos chaussettes!, mais votre pensée unique anti-européenne vous aveugle.

    Le Grèce comme l’ensemble des pays de la zone, a quand même beaucoup bénéficié de l’Euro et de la stabilité que procure la zone. Sa situation seraut pire si elle n’était pas dans la monnaie unique : elle n’aurait pas la Commission et l’Allemagne sur le dos, mais les problemes seraient tout aussi grave.

    La crise de l’Euro, c’était prévisible et sain. Pour rapprocher les peuples, il fallait faire des choses fortes. L’euro en est une. Pour que l’Euro marche, il faut organiser les politiques des Etats membres. Ca aurait du être fait avant, mais finalement il faut le faire maintenant. Ce sera certes des contraintes supplémentaires sur les Etats mais ce sera au final plus efficace que d’avoir chacun ses propres programmes industriels dans les mêmes domaines en se faisant concurrence. Par ailleurs, si la Grèce parvient à réduire son économie grise siur la contrainte extérieure car elle n’a pas eu le courage politique de le faire avant, ca lui sera profitable.

    Je comprend votre propos, mais je trouve que c’est facile de critiquer un projet aussi ambitieux, en proposant de faire toujours ce que l’on faisait avant. Pour résumer, l’Europe c’est comme un couple : ca va, ça vient, et parfois il ya des crises sur certaines questions. Mais globalement mieux vaut vivre en couple se soutenir et faire des compromis et avoir des crises de temps en temps, que d’être seul toute sa vie. Ca évite les crises, mais ca ne permet pas de faire de grandes choses.

  6. Pensée unique anti-européenne ? LOL
    Vous étiez sur quelle planète en 1992 puis en 2005 ? Lorsque la quasi-totalité des autorités politiques, médiatiques, culturelles et même religieuses prêchaient l’eurobéatitude et en faisaient un catéchisme officiel ?

  7. personne n »ose dire,que tout cela;c » est la faute des politiciens de tout bords qui dépense plus que ce que le pays gagne,,et emprunte a tours de bras,,,et distribue a celui qui gueule le plus ou celui qui descend dans la rue
    ,je crois que le front national était contre, l »euros lui aussi,,,,,
    je ne pense pas qu »on va revenir en arrière,hélas
    l »euros nous a appauvrie,,voir le prix du pain,,0?80 centimes,,,0;85 euros et oui
    je remarque que les politiciens qui ruine les peuples,,,,ne risque RIEN
    dans le priver,,c »est tout autre choses,,,,
    mais; après tout,les peuples ont ce qu »ils mérite,,,
    c »est eux;; qui les remettes au pouvoir a chaque fois,,,

  8. Plus pragmatique que réflechis, et des convictions basées sur l’expérience; tel est la recette de mon impulsivité toute gauloise. C’est donc sans détour que je livre mon diagnostique. Si le consensus des économistes est la fin de l’Euro, l’Euro vivra parce que le consensus a toujours tort!
    Et que ceux qui risquent de « bouffer » leurs chaussettes, arrêtent d’en porter d’ici là,
    j’ai dit pragmatique.

  9. La nuit décante l’esprit même dans une tête de bois gaulois….
    Euro ou autre, le problème de fond est la gestion des finances publiques par les differents pays européens.
    L’€ est juste un outil dans le commerce internationale et c’est peut-être de l’extérieure qu’il faut évaluer les chances de perenité de l’€.
    Dans le système d’endettement actuel le sterling ou le $ US sont aussi pourris.
    D’après Marc Fiorantino les US sont dans le même schéma que l’Europe avec un Texas / Allemagne et une Californie / Grèce.
    A moins d’un retour au troc ou à la piéce d’or, l’€ n’a pas plus de chance de disparaitre que le dollar malgré ses vices de constructions qui seront espérons le corrigé.
    C’était avant le déclenchement de la crise, mais l’OPEP voulait remplacé les pétro-dollars par des Euros-baril ce qui est une preuve de solidité.
    L’€ nous a quand même bien protéger de la hausse du baril jusqu’a 150$, l’EUR/USD étant correllé au cours du pétrole en $.
    Je traduis, quand le pétrole montait (vendu en $) le $ baissait par rapport à l’€.

  10. Les paris restent ouvert, mais si l’ Euro disparait, je me fait marchand de coffre en Allemagne. Je mise sur un éxode des capitaux vers le pays d’Angela, la tauliére de l’Europe…

  11. La fin de l’Euro n’est qu’une péripétie. Aucun grand parti ou lideur républicain n’ayant émergé, les enjeux à venir seront l’augmentation très forte de la pauvreté, la fin de la démocratie, un retour d’une certaine forme d’esclavage. J’espère me tromper.

  12. Pourquoi cet empressement à élargir les frontières de l’Europe et à intégrer à l’Euro des boulets ? La « bancalitude » (me souffle Sego) de ce « beau » projet éclate aujourd’hui d’autant qu’il semblerait que les cousins portugais, espagnols et italiens pourraient assez vite suivre.

    Signé: un eurosceptique de toujours.

  13. Les ministres des finances de la zone euro ont décidé, dimanche 2 mai, « d’activer » sans délai un plan d’aide à la Grèce de 110 milliards d’euros, dont 80 milliards à leur charge, et le reste apporté par le FMI.

    http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/05/02/l-europe-approuve-l-aide-financiere-a-la-grece_1345672_3214.html#ens_id=1268560

    Prenons les quatre pays qui devraient prêter le plus :

    – 1- L’Allemagne devrait prêter à la Grèce 27,92 % du prêt total, soit 22 milliards 336 millions d’euros.

    – 2- La France devrait prêter à la Grèce 20,97 % du prêt total, soit 16 milliards 776 millions d’euros.

    Vous avez bien lu : la France devrait prêter à la Grèce 16 milliards 776 millions d’euros.

    – 3- L’Italie devrait prêter 18,42 % du prêt total, soit 14 milliards 736 millions d’euros.

    – 4- L’Espagne devrait prêter 12,24 % du prêt total, soit 9 milliards 792 millions d’euros.

    Les Etats européens vont maintenant emprunter sur les marchés internationaux. Ensuite, ils vont re-prêter ces sommes à la Grèce. Enfin, ils ne reverront jamais ces sommes car la Grèce ne pourra jamais les rembourser.

    Cette folie a un nom : ça s’appelle un suicide collectif.

  14. Je suis un peu d’accord avec tout le monde, c’est a dire :
    1/ L’euro va mourrir, du moins dans sa forme actuelle d’Euro-Mark
    2/ L’euro a permis à des Etats fragiles comme la Grèce de retarder l’échéance de la rigueur.
    Mon avis est le suivant : si la grece n’avait pas adopté l’euro, à l’heure actuelle ils auraient deja fait leur inévitable plan de rigueur depuis 3 ou 4 ans, mais grace à l’arme de la dévaluation, ils n’auraient pas été obligés de brader leur souveraineté économique au FMI et à l’Eurogroupe. Ils s’en seraient sortis SEULS, et aujourd’hui, le peuple grec serait un peuple fier, indépendant et maitre de son destin

  15. Je voudrais aussi m’insurger contre cette affirmation qui dit que la France et l’Allemagne vont faire « une bonne affaire ». D’abord dire ça est profondément immorale quand on a encore une once d’esprit européen. Deuxièmement, ces pays vont payer cet emprunt d’une hausse de leurs taux d’interet (puisque leurs finances vont etre grevés), qui, si ils dépassent 5%, font qu’elles perdront de l’argent. Et les allemands diront : merci Frau Merkel !!!! Sinon je vois pas comment l’Espagne va trouver 9 milliards pour la grèce …

  16. Personnellement je suis plutot libérale et pas forcément contre les cures d’austérité (la rigueur pour moi n’est pas un gros mot). Cependant j’ai le souvenir de la crise argentine, où pour pouvoir assurer le maintien aussi stupide que cauchemardesque entre le peso argentin et le dollar US, le FMi a imposé une tutelle économique abominable, digne des réparations allemandes des années 20, qui a entrainé une hyperrécession de l’ordre de -20%. Seule la dévaluation a permis au pays de redresser la barre. Remplacez peso par drachme; dollar US par Mark, grece par argentine, et vous comprendrez que la solution est (d’abord) la sortie de l’euro (et la rigueur ensuite : on finit toujours par devoir payer ses dettes). Pourquoi les leçons de l’Histoire ne sont-elles jamais apprises ?

  17. Bonjour,
    Merci de vos analyses et réflexions très intéressantes. Je suis bien d’accord avec steed59. Pour moi la chute de l’euro était prévisible. Vous parlez tous des pays menacés sauf de la France alors que celle-ci est très endettée (70% du PIB!). Pourriez-vous m’expliquer pourquoi et aussi comment la France avec ses dettes peut prêter à la Grèce. Enfin dans l’éventualité d’un effet de domino et d’un retour aux monnaies respectives des pays de la zone euro que se passerait-il? L’euro nous a appauvri au point qu’une baguette de pain est devenu un produit de luxe. Mais si nous revenions au franc est-ce que ce serait une dévaluation permettant aux plus pauvres de mieux se nourrir et à la France d’être compétitive sur les marchés extérieurs ? Et les riches, en profiteraient-ils, et de quelle façon? Mes questionnements sont peut-être simplets mais je vous fais confiance, vous allez me répondre.

  18. @duchene

    Vos questionnements ne sont pas simplets. Ils reviennent forcément lorsqu’on évoque une dévaluation. Car notre retour à la monnaie nationale n’aurait d’intérêt que dans le cadre d’une dévaluation par rapport au niveau de l’Euro qui ne sert que les intérêts allemands.
    Je ne suis pas sûr que dans un premier temps le pouvoir d’achat des ménages s’améliorerait. Il faudrait même veiller, beaucoup plus qu’on ne l’a fait pour le passage Franc-Euro, à ce que le changement de monnaie ne provoque pas encore des arrondis défavorables au consommateur.
    En revanche, un tel retour aurait l’avantage de permettre à notre industrie de retrouver des couleurs. Certains riches en profiteraient mais ce ne serait pas les rentiers mais ceux qui investissent.

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