Eparpillée, la politique française va devoir se recomposer
Les administrateurs de l’Assemblée nationale sont soulagés. Aucune salle ne pouvait accueillir plus de 400 députés, nombre qui était promis au futur groupe LREM par les sondages depuis une semaine. On peut imaginer qu’Emmanuel Macron ressente aussi un soulagement. Un tel groupe pléthorique aurait généré un joyeux « foutoir », terme prêté au président lui-même. Avec une majorité absolue d’une vingtaine de sièges, et le renfort du groupe Modem, la majorité présidentielle compte à peu près le même nombre de députés que celle de l’UMP en 2002, après la victoire de Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen.
La guerre des LR aura-t-elle lieu?
Comme la semaine dernière, l’abstention a battu des records. Elle a atteint presque 57%. Il semble que les prévisions de majorité massive aient démobilisé les électeurs du parti présidentiel, soit qu’ils aient considéré que l’affaire était déjà dans le sac, soit qu’ils aient souhaité modérer l’ampleur de la victoire. On craignait qu’il n’y ait pas de véritable opposition organisée à l’Assemblée nationale. Des questions se posaient et continuent de se poser sur les députés issus de LR. Y aura-t-il un groupe ou deux, une scission intervenant entre ceux qui sont décidés à ne pas voter la confiance à Edouard Philippe et ceux qui sont tentés de le faire ?
L’autre vainqueur de ce second tour est incontestablement Jean-Luc Mélenchon. Le nouveau député des Bouches-du-Rhône devrait pouvoir former un groupe parlementaire ne dépendant pas du PCF. C’était exactement son objectif avant de démarrer la campagne de la France insoumise pour ses élections législatives.
Grand-huit du FN, zéro pointé pour Philippot
Quant au FN, il échoue à la constitution d’un groupe. Il obtient toutefois davantage de sièges (8) que ce qui lui était promis cette semaine (3 à 4). Il est intéressant de se pencher sur la composition des nouveaux députés FN. La garde philippotiste est la véritable perdante puisque Florian Philippot lui-même, son frère Damien, Sophie Montel et Kévin Pfeffer ont été battus. Pour compenser, il semble bien que la majorité penche vers le FN du Nord, davantage sur la ligne social-souverainiste donc, par rapport à celui du Sud. Marine Le Pen est élue pour la première fois député dans le Pas-de-Calais. Mais elle doit quitter une présidence de groupe à Strasbourg pour siéger parmi les non-inscrits au Palais-Bourbon, ce qui signifie que ses moyens de peser hors de la salle des quatre colonnes seront réduits à peau de chagrin. Elle aura en tout cas fort à faire pour empêcher qu’une guerre sans merci oppose Florian Philippot à ses nombreux adversaires. En aura-t-elle la possibilité ? En aura-t-elle seulement l’autorité ? Son score confortable (56,8%) à Hénin-Beaumont peut l’y aider.
Enfin, le PS et ses alliés parviennent à conserver une grosse quarantaine de sièges, ce qui n’est pas si mal, si l’on considère son poids d’aujourd’hui dans l’électorat. Mais ses élus seront de deux catégories : ceux – les plus nombreux – qui doivent leur élection à la mansuétude d’Emmanuel Macron à leur égard, en ne leur opposant pas de candidat. Et ceux qui ne lui doivent rien, en battant parfois un candidat LREM. Ces derniers semblent aujourd’hui, alors qu’ils sont minoritaires, les plus vindicatifs. Là encore, est-il envisageable que les uns votent la confiance et d’autres pas ? Une telle cohabitation est-elle possible entre ces deux catégories d’élus dans un même groupe ?
La prochaine configuration des groupes parlementaires donnera quelques indications sur les lignes de force, en vue des futurs congrès de partis, en particuliers ceux de LR, du FN et du PS. C’est à ce moment-là qu’on pourra alors dessiner les contours de certaines recompositions. Pour l’heure, la décomposition semble avoir atteint son niveau maximum.